Mobilités douces… ou pas : ce qu’on se garde souvent de dire sur l’accidentologie de la circulation à vélo <!-- --> | Atlantico.fr
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L'accidentologie à vélo en ville est-elle majoritairement liée à des collisions avec des automobiles ?
L'accidentologie à vélo en ville est-elle majoritairement liée à des collisions avec des automobiles ?
©AFP

À bicyclette

Au regard des statistiques, l'accidentologie de la circulation à vélo ne correspond pas à ce qu'en disent les militants des mobilités douces.

Hugo Me

Hugo Me

HugoMe est un cadre qui a fait du vélo toute son enfance depuis l’âge de 5 ans et de la moto depuis l’âge de 14, et qui totalise plus d’une centaine de milliers de km sur ces deux modes.

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Atlantico : Depuis le premier déconfinement, la pratique du vélo en France est en grande augmentation, mais que savons-nous de l’accidentologie de la circulation à vélo ? Est-elle plus élevée que ce qu'on entend habituellement ?

HugoMe : En réalité, la pratique du vélo n'est pas si bien connue, elle est l'enjeu d'affrontements idéologiques et sa mesure est sous contrôle politique.

La ville de Paris par exemple met en avant des indicateurs qui sont basés sur un très petit nombre de lieux de comptage (6), non représentatifs de la pratique parisienne dans son ensemble. Quand elle ne produit pas un discours mensonger, comme par exemple justifier de la fermeture de la Rue de Rivoli devant les Tuileries par des comptages réalisés à 2 km de là (devant l'Hôtel de Ville).

Pour ce qui est de l'accidentologie c'est encore pire. Le débat public, quand il existe et à mon sens il est bien trop timide, se polarise sur le nombre de morts, qui est connu avec une bonne précision, mais qui ne reflète pas la réalité du danger au quotidien, qui est mieux appréhendé à travers le nombre de blessés. 

Or les statistiques publiques s'appuient sur les constatations faites sur place par la police et la gendarmerie, qui évidemment se déplacent bien moins souvent dans le cas des vélos.

L'autre biais, c'est qu'on mesure le nombre d'accidents dans l'absolu, indépendamment du nombre de pratiquants et de leur pratique. C'est un peu comme si je vous disais que le parapente est le mode de transport le plus sûr en France en 2021 car il n'y a eu que 11 morts.

Une étude faite sur le Registre des hôpitaux du département du Rhône a cherché à contourner ces difficultés, de données source et d'usage, et a montré un écart de 1 à 10 entre les deux sources de données, police et hôpitaux, pour le nombre de blessés en vélo au km parcouru. En fait le nombre de blessé au km est du même ordre qu'en deux-roues motorisés.

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Tout le monde sait que le deux-roues motorisé est dangereux, et d'ailleurs il est très encadré, en termes de permis, de protection obligatoire, d'homologation, de verbalisation.

Pour le vélo, il n'y a quasiment rien.

Pour un débutant, c'est très trompeur car il ne se rend pas compte des risques qu'il va prendre en se mettant au vélo.

Pour vous donner des chiffres, on a eu en 2020 à vélo à Paris 10 tués et 1609 blessés officiellement.

Si on prend le ratio du Registre du Rhone, on serait plutôt autour de 15 000 blessés.

Mais hélas, personne ne fait d'étude sur Paris, alors qu'on dépense des centaines de millions d'euros en pistes cyclables.

L'accidentologie à vélo en ville est-elle majoritairement liée à des collisions avec des automobiles comme on l'entend souvent ?

C'est forcément ce que fait croire des statistiques basées sur les interventions des gendarmes. On estime que seulement 2% des chutes à vélo sans antagoniste sont remontées à la gendarmerie.

La réalité est très différente, dans l'étude du Rhône, pour les accidents en ville, 55% des blessés à l'hôpital n'ont pas d'antagonistes déclarés: ils ont chuté tout seuls.

Il est probable que les résultats dépendent des villes concernées, des infrastructures et du comportement des cyclistes.

Paris, qui se vante d'être à l'avant-garde des mobilités douces est, compte tenu du nombre de néo-convertis, de la précipitation avec laquelle les pistes ont été décidées, de sa densité, et si je peux me permettre de la réputation des parisiens, plus certainement à l'avant-garde des statistiques d'accidentalité.

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Raison pour laquelle le sujet est tabou.

Où se situe la responsabilité d’un tel taux d’accidents ? Quel part portent les associations ?

La responsabilité est double : il y a une responsabilité individuelle, et une responsabilité collective.

D'un point de vue individuel, chaque accident est unique, et on n'a pas de statistiques, donc on ne peut qu'émettre des généralités.

De mon point de vue, il y a un manque flagrant d'expérience et de prise de conscience du danger.

Le vélo ne demande même pas la connaissance du code de la route et de toute façon, force est de constater que beaucoup en ville ne le respectent pas. Il suffit de se mettre 5 mn en face d'un feu rouge pour le vérifier. Je constate aussi parfois dans les discussions avec les militants une grande immaturité, du type, "j'ai le droit de passer alors je force". Quand on est en situation de vulnérabilité, et c'est le cas en deux-roues, motorisé ou non, la règle d'or que l'on doit se donner, c'est de minimiser le danger auquel on s'expose.

D'un point de vue collectif, on a l'impression qu'il y a une démission collective de quasi tous les acteurs sur le sujet: politiques, experts de santé publique, responsables de la sécurité routières, police, et médias.

Comme l'époque est à l'écologie, le vélo a le vent en poupe et tout le monde se sent obligé de le pousser sans aucun discernement.

Ceux qui font du vélo depuis longtemps comme moi, savent bien qu'il y a un éléphant dans le magasin de porcelaine. Tout le monde parle des méchantes trottinettes, mais pas du gentil vélo.

Ça commence un peu à bouger, sans doute à force de voir des proches avec des poignets dans le plâtre, mais c'est lent.

Aurions-nous faire des progrès en termes d’infrastructure vélo avant de plébisciter la pratique ? Comment sortir de cette posture consistant à nier le danger ? Cela doit-il venir du politique ?

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La réponse courte est oui, il faut travailler bien plus sur les infrastructures. Et il faut aussi informer et former.

La réponse longue est que le sujet est compliqué car il a été politisé, et en plus il est systémique.

Le vélo ne peut concerner qu'une minorité de la population, et chaque nouvelle piste cyclable est en réalité une nuisance pour la majorité des non-utilisateurs.

On a paré le vélo de toutes les qualités, santé, pollution, réchauffement climatique, rapidité, économie, etc... souvent à tort mais ça nous emmènerait trop loin, et on laisse les politiques faire des effets d'annonce.

Les associations vélo sont les idiots utiles de l'attelage car elles font la promotion de la moindre nouvelle infrastructure avec des demandes maximalistes sans regarder les effets pervers induits, finissant par provoquer un phénomène de rejet.

On a des gourous autoproclamés du vélo qui font référence avec des positions de café du commerce, étayées par aucune donnée.

Enfin, beaucoup trop d'académiques sont des militants qui cherchent à développer un usage sans être comptables de leurs recommandations.

On parle de sécurité et d'infrastructure collective, donc c'est un sujet politique, mais il doit être nourri d'expertise technique.

Peut-être manque-t-il un département de fonctionnaires au Ministère des Transports qui aurait un rôle d'orientation et de conseil pour encadrer des aménagements et éviter que le dernier politique élu fasse n'importe quoi avec l'argent des contribuables pour se faire une carrière.

Sans doute faut-il aussi que les citoyens trouvent un moyen de se faire entendre pour que les arbitrages se fassent dans le sens de l'intérêt général et pas des intérêts particuliers. Un reporting indépendant sur les risques réels serait sans doute le bienvenu.

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