Mobilisation anti passe sanitaire : essoufflement faute de relais politiques de poids ou simple creux avant une rentrée en force ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des manifestants anti passe sanitaire, le 21 août 2021 à Perpignan.
Des manifestants anti passe sanitaire, le 21 août 2021 à Perpignan.
©RAYMOND ROIG / AFP

Baisse du nombre de manifestants

175 503 personnes ont manifesté samedi en France contre le passe sanitaire pour le sixième week-end consécutif, contre 214.000 la semaine dernière et 237.000 la semaine précédente, selon le ministère de l'Intérieur. Des chiffres impressionnants pour un mois d'août, mais qui marquent le pas.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Selon le ministère de l'Intérieur, 175 503 personnes ont manifesté samedi en France contre le passe sanitaire pour le sixième week-end consécutif, contre 214.000 la semaine dernière et 237.000 la semaine précédente. Comment expliquer l'apparent essoufflement du mouvement ? S'explique-t-il par l'absence de relais politiques des revendications portées ?

Maxime Tandonnet : Je ne suis pas sûr qu’il s’explique par l’absence de relais politiques. Les Gilets jaunes ne bénéficiaient pas non plus d’un soutien politique en dehors des partis ou personnalités dits « antisystème ». En revanche, les manifestants contre le passe sanitaire sont pénalisés par l’absence d’un vaste soutien de l’opinion publique. Selon différents sondages, en tout cas pour l’instant, ils n’inspirent la sympathie que d’un tiers environ des Français, ce qui est faible en comparaison avec les Gilets jaunes au début qui recueillaient le soutien de 70% de la population. Par ailleurs, les médias et la presse tirent à boulet rouge contre le mouvement anti passe avec une virulence et un unanimisme sans précédent, en généralisant à l’ensemble des manifestants des comportements certes scandaleux mais évidemment marginaux. Ce mouvement est systématiquement tourné en dérision, ridiculisé quand il n’est pas assimilé aux pires abominations de l’histoire. Ses détracteurs amalgament abusivement rejet du passe sanitaire et combat « antivaccin ». Un tel contexte de matraquage médiatique incluant des sensibilités qui vont de l’extrême gauche à l’extrême droite, favorise évidemment sa marginalisation et son essoufflement.

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Y-a-t-il un risque que cet essoufflement ne soit que lié au creux du mois d'août, et que le mouvement reprenne de la vigueur à la rentrée ? 

Le creux du mois d’août joue peut-être mais là n’est pas l’essentiel. Un tel mouvement ne semble pas de prime abord de nature à mobiliser le pays dans ses profondeurs. Les Gilets jaunes portaient un message à caractère social – la détresse de la France profonde face à la taxe carbone. Aujourd’hui, le discours des anti-passe sanitaire aura sans doute du mal à entraîner le pays. Sa motivation est plus intellectuelle ou morale : la défense de la liberté face à la menace d’une société de contrôle numérique. La peur de la contamination et de la maladie l’emportera toujours, dans la majorité, sur le goût de la liberté et de la dignité. Au fond, devoir subir un contrôle numérique pour s’asseoir à la terrasse d’un café (où le risque de contamination est nul en respectant certaines règles), ne semble pas perturber outre-mesure des consciences anesthésiées par la peur et le conformisme. Il est finalement assez facile de maîtriser l’opinion publique en agitant le spectre d’un « tsunami » viral. La réalité sur l’ensemble du territoire, est bien éloignée de cette vision apocalyptique : aujourd’hui en France, le Covid-19 tue trois fois moins que le tabac et l’alcool. « Jamais le passe sanitaire ne sera un droit d’accès différenciant les Français » promettait le président de la République le 29 avril dernier. L’impressionnante volte-face du pouvoir politique est totalement occultée et passée sous silence dans le grand vent dominant. La perte des repères est vertigineuse.

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Alors que la vaccination se poursuit à un rythme important, y-a-t-il un risque que les manifestants, de plus en plus marginalisés, se radicalisent ?

Il n’y a pas forcément de lien entre l’essoufflement du mouvement et les progrès de la vaccination dès lors que la dénonciation du passe sanitaire ne coïncide généralement pas avec le refus du principe de la vaccination. Mais en effet, la radicalisation ou la récupération du mouvement par des groupes violents est un risque évident. Un basculement du courant anti-passe dans la violence achèverait de diaboliser et de discréditer en peu de temps un mouvement dont la motivation initiale était de dénoncer les manipulations par la peur et de promouvoir la défense des valeurs républicaines de liberté et d’égalité face à des mesures que les plus hauts dirigeants du pays considéraient eux-mêmes, peu de temps auparavant, comme intolérables. Le pouvoir politique a au fond tout à gagner à la radicalisation du mouvement, pour apparaître à la fois comme le protecteur face à l’épidémie et face à l’émeute. La vérité, en revanche, a tout à y perdre. Nous assistons à une sidérante inversion des valeurs. Les quelques personnalités qui dénoncent encore la manipulation par la peur, l’extension du contrôle numérique à la vie quotidienne et la discrimination envers des personnes à raison d’un statut sanitaire, sont désormais présentées dans la béatitude générale comme les « égoïstes » et les liberticides. Il faut bien voir que nous sommes en pré-période d’élections nationales. L’approche des présidentielles explique beaucoup de choses : le climat de dramatisation volontaire de l’épidémie ou de soumission par la peur, la mise en scène autoritaire par le pouvoir et la lâcheté (globale) des oppositions. Mais le plus étonnant et le plus tragique est la démission de la pensée. A de rares exceptions près, les intellectuels connus se sont sagement alignés sur le courant dominant, sans doute autant par aveuglement – « bêtise de l’intelligence » – que par souci de leur respectabilité.

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