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Migrants et intégration des étrangers : où en est la France après 9 mois de crise aiguë ?
©Reuters

On fait le bilan

Alors qu'un sondage IFOP pour Atlantico montre que 62% des Français sont favorables à l'arrivée de migrants chrétiens d'Orient, ils n'étaient que 46% en avril dernier à être favorable à l'arrivée de migrants en général. Après plusieurs mois de crises multiformes, la société française est aujourd'hui face à un grand défi.

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier est docteur en histoire, enseignant, formateur et consultant. Ancien membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration. Dernier ouvrage : Laïcité, émancipation et travail social, L’Harmattan, sous la direction de Guylain Chevrier, juillet 2017, 270 pages.  

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Yves Roucaute

Yves Roucaute

Yves Roucaute est philosophe, épistémologue et logicien. Professeur des universités, agrégé de philosophie et de sciences politiques, docteur d’État en science politique, docteur en philosophie (épistémologie), conférencier pour de grands groupes sur les nouvelles technologies et les relations internationales, il a été conseiller dans 4 cabinets ministériels, Président du conseil scientifique l’Institut National des Hautes Etudes et de Sécurité, Directeur national de France Télévision et journaliste. 

Il combat pour les droits de l’Homme. Emprisonné à Cuba pour son soutien aux opposants, engagé auprès du Commandant Massoud, seul intellectuel au monde invité avec Alain Madelin à Kaboul par l’Alliance du Nord pour fêter la victoire contre les Talibans, condamné par le Vietnam pour sa défense des bonzes.

Auteur de nombreux ouvrages dont « Le Bel Avenir de l’Humanité » (Calmann-Lévy),  « Éloge du monde de vie à la française » (Contemporary Bookstore), « La Puissance de la Liberté« (PUF),  « La Puissance d’Humanité » (de Guilbert), « La République contre la démocratie » (Plon), les Démagogues (Plon).

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Atlantico : Selon un sondage IFOP pour Atlantico, 62% des Français seraient favorables à l'accueil de migrants chrétiens venus d'Irak ou de Syrie. Alors qu'ils n'étaient que 46% en avril dernier à être favorables à l'accueil de migrants quelle que soit leur religion, dans quelle mesure cet écart est-il révélateur d'un raidissement des relations entre communautés en France ?

Yves Roucaute : Ce sondage met en perspective ce que nous savons tous.

D’abord la grande générosité des Français, car un sur deux, en avril, après ce qu'il s’est passé durant les fêtes de fin d’année, les violences envers les femmes plus particulièrement, ce n’est pas si mal.

Ensuite, je vois dans ce sondage la marque du bon sens. Et c’est sur ce point que je m’arrêterai. Car les Français se posent la question de l’immigration à l’endroit. Ils ne se demandent pas si pour des raisons démographiques ou économiques leur pays aurait besoin d’immigration, ce qui est une vision comptable ignorante et abstraite que l’on retrouve aussi bien chez certains dirigeants d’entreprise que chez certains leaders politiques. Ils se demandent quelles sont les conditions de possibilité pour recevoir sur leurs territoires des gens qui existent réellement, c’est-à-dire qui portent une histoire, qui ont des mœurs, des coutumes, des parentèles, des appartenances religieuses, associatives, économiques, qui ont un itinéraire et qui ont des projets. Et ils se posent donc la question que tout dirigeant politique devrait se poser : ces gens qui existent, ici et maintenant, existent-ils de façon compatible avec le mode de vie de notre pays ? Cela ne signifie pas que, s’ils ne sont pas compatibles, ils doivent être condamnés et laissés pour compte. Il y a de multiples façons d’aider les gens en souffrance. Simplement, comme le notait Aristote, les gens qui vivent selon la culture d’Athènes ou de Sparte ne sont pas forcément en position de devenir citoyens de Corinthe.

C’est le bon sens. Et seuls Pierre Moscovici et certains énarques qui se figurent qu’avoir passé un concours administratif est un gage de compétence politique, ce qui, notons-le, ne s’est jamais vu dans l’histoire d’aucun pays, ignorent que chaque population a une culture qui lui est propre et qui n’est pas forcément compatible avec la culture d’une autre nation.

Pour montrer la pertinence de la position des Français, on peut très bien faire un raisonnement par l’absurde : si demain 1 million d'Allemands ou de Français arrivaient en Arabie Saoudite, il est probable qu’eux aussi éprouveraient des difficultés face à la société saoudienne qui aurait bien du mal à intégrer d’un seul coup tous ces individus catholiques, protestants, athées, musulmans laïcs, dont les femmes se maquillent, sortent seules et conduisent des véhicules. Et cela vaut ausis bien pour le Pakistan que pour la Somalie.

Ce que j’avance n’est pas un jugement de valeur, mais c’est un jugement fondé sur l’histoire : chaque société est structurée autour d'un imaginaire, et il y a des impossibilités et des incohérences à vouloir accepter des gens qui ne sont pas compatibles avec ces cultures-là.

Il est à cet égard évident que l'opinion publique française et ouest-européenne s'est rendue compte que l'ouverture des frontières sans contrôle à des populations victimes de la guerre ou à des populations qui ont vu un effet d'aubaine dans cette ouverture, n’était pas sans effets pervers. Passé le temps de la compassion, tout à fait honorable, nombre d’Européens se sont rendus compte que les gouvernements ont introduit dans ce monde des gens qui n'étaient pas éthiquement en position de pouvoir comprendre comment fonctionnait notre société.

C’est un effet pervers de l’humanisme déraisonnable. Un humanisme déraisonnable et déraisonné qui est le pendant de ces raisonnements économiques et démographiques qui ignorent tout autant la réalité des imaginaires nationaux.

La question pour les Français est donc de savoir s’il y a des imaginaires étrangers plus aptes que d’autres à pouvoir participer à la vie de la cité, voire à sa citoyenneté. Et ils y répondent clairement et lucidement. Nous-mêmes, nous ne nous rendons pas compte à quel point notre vie quotidienne est marquée par ces origines culturelles, par une histoire millénaire. Certes, les Pierre Moscovici ne comprennent rien, mais les Français, quand bien même ils ne sont pas chrétiens, sentent que ce sont ces valeurs judéo-chrétiennes qui ont formaté le mode de vie quotidien des Français. Et les Français, dans leur immense sagesse, comprennent intuitivement qu’un Chrétien syrien ou libanais partagera donc plus facilement les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, d’égalité juridique homme-femme, de propriété et d’inviolabilité de son corps, de tolérance et de respect des mœurs, de calendrier et de fêtes même. Parce que tout simplement, il a les mêmes s’agissant des valeurs et qu’il peut facilement participer aux festivités et aux cérémonies propres au pays d’accueil. Il acceptera sur l’organisation de la vie quotidienne, le sens du travail, la nécessité de l’école, le rapport au savoir, le respect des autorités, les modes de la légitimité.

A l’opposé, un musulman islamiste qui arrive de Syrie, d'Irak ou d'Afghanistan, un hindouiste intégriste qui arrive d’Inde, un animiste qui arrive de la Corne de l’Afrique, peuvent rencontrer des difficultés énormes selon l’imaginaire qui les habite. Je laisse de côté le fait qu'en ouvrant les frontières, nous avons aussi permis à des groupes terroristes de faire passer quelques militants qui veulent détruire le plus possible notre civilisation mais imaginez seulement les islamistes. Pour eux, la femme ne doit pas montrer son visage, elle ne doit sortir dehors qu’accompagnée d’un mari, d’un frère ou d’un père, elle n’a pas le droit de conduire… Ils sont souvent venus seuls, sans femme, et ils voient autour d’eux des milliers de femmes maquillées, vêtues librement, parlant sans demander l’autorisation, discutant, sortant au restaurant, allant à l’université. Quel choc ! Ils veulent séparer hommes et femmes, et on le leur refuse. Ils veulent que le Coran soit la source de la vie publique et on le leur refuse. Ils exigent des droits jusque dans les cantines et les piscines, on leur rappelle qu’ils ont aussi des devoirs.

Il est certain qu’on peut se demander si l’on peut recevoir ces gens. Pas plus que je ne crois qu’il soit possible pour des sociétés marquées par les valeurs universelles de recevoir des hindouistes intégristes qui considèrent que violer des femmes n’est pas un crime. Ou des animistes qui pensent que l’ablation du clitoris des jeunes filles est un droit. On peut les aider s’ils souffrent, certainement, mais comment les recevoir. Et pour ceux qui ont la volonté de s’ouvrir à la cité qui les accueille, s’ils viennent de cultures très différentes, le bon sens dit qu’il faut au préalable une énorme formation.

Les Français se sont rendus compte des phénomènes de violence générés par cette errance. Ce n'est pas seulement à Hambourg ou à Cologne, c'est aussi en France, et cela ne date pas d'aujourd'hui. Chez les nouveaux arrivants ou même chez ceux qui sont de la deuxième voire troisième génération, on observe des phénomènes de rejet de notre société. Les Français s'en rendent compte et savent bien qu'il est plus facile de vivre avec des gens qui partagent les mêmes valeurs. Il n'est pas garanti que des Chrétiens d'Orient puissent s'assimiler à notre société, mais cela reste, pour eux, une vraie possibilité.

En vérité, il y a évidemment une masse de musulmans, d’hindouistes pour lesquels l’assimilation ne pose pas de problèmes. Parce qu’ils partagent nos valeurs et aiment notre mode de vie. Mais Il y a eu chez certains la vision – sympathique et naïve à mes yeux – selon laquelle nous pouvions recevoir le monde entier. Nous pouvions aimer le monde entier, et c'est vrai qu’il n'y a pas de raison de détester ceux qui pratiquent une autre religion ou qui ont d’autres mœurs. Mais ce n'est pas une raison pour les recevoir comme citoyens. Cette illusion venue d'un humanisme irraisonné a conduit à accepter sans discernement des gens qui violent nos valeurs ou refusent notre mode de vie.

Et, du coup, ces humanistes aux petits pieds ont favorisé le rejet d’une partie des migrants qui pourraient parfaitement assimiler notre mode de vie quand bien même ils ne seraient pas chrétiens.

Guylain Chevrier : Ce sondage est révélateur des questionnements qui traversent la société française, entre tradition de l’accueil et dangers face au terrorisme, mais aussi la montée de certaines affirmations identitaires.

Il y a plusieurs facteurs à cette situation. Il faut en écarter d’emblée un souvent invoqué à tort, la montée du racisme, comme le dernier rapport annuel de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) l’exprime : "On pouvait logiquement s’attendre, avec les attentats de janvier et de novembre, avec la crise économique, et avec l’augmentation des actes racistes l’an passé, à une hausse du rejet de l’autre, de l’étranger. Il n’en est rien." Elle fait le constat d’une France plus tolérante selon l’indice longitudinal de référence. Cette tolérance a progressé de façon quasi continue depuis 5 ans, avec le meilleur score depuis les premières mesures de l’outil en 1990.

Dans ce sondage, on notera que les sympathisants des partis politiques de droite comme de gauche, sont plus favorables à l’accueil des « chrétiens d’Orient »Même si, les proches du parti Les Républicains ne sont que 33 % à être favorables à l’accueil des migrants, et 63 % à  être favorables à l’accueil des chrétiens d’Orient, exprimant là un certain marqueur identitaire. Les sympathisants FN sont les seuls à être majoritairement défavorables dans les deux cas, migrants  en général et chrétiens d’Orient, même si ces derniers sont pour eux aussi mieux lotis. On notera que les Français pris ensemble sont majoritairement défavorables à l’accueil des migrants (54 %), alors qu’ils sont majoritairement favorables à l’accueil des chrétiens d’Orient (62 %). 

Il y a des facteurs très objectifs dans cette façon de distinguer les migrants, tel que le risque d’accueillir des djihadistes susceptibles de commettre sur notre sol des actes terroristes, comme cela fut le cas avec les attentats de novembre. Ce que l’on a longtemps dénié et que le ministre de l’intérieur a finalement confirmé. Aspect que le juge Trévidic avait déjà évoqué lors d’une interview en septembre 2015, prévenant de l’imminence d’un attentat de grande ampleur et des risques relatifs aux facilités de renvoyer de Syrie en France des volontaires (djihadistes) aguerris, qui s’infiltrent.   

Le fait, dans ce prolongement, que les attentats commis en France, considérée comme une cible désignée autant comme chrétienne que comme mécréante, rejoignent ceux commis contre les chrétiens par des musulmans fanatiques partout où la guerre religieuse est à l’initiative.   

Il y a peut-être surtout une proximité culturelle qui peut être ressentie vis-à-vis des chrétiens d’Orient, parce que la France a une partie de son histoire inscrite dans le catholicisme. Mais aussi, parce que les chrétiens sont dans un rapport à notre société où la sécularisation a fait son chemin et les montrent comme n’étant pas porteurs des mêmes risques que des musulmans, qui peuvent être ressentis comme rugueux à l’intégration et à la sécularisation du religieux. Nous vivons en France une montée des revendications religieuses à caractère communautaire, qui reflète de plus en plus le risque du communautarisme, venue d’une partie de nos concitoyens musulmans, ce qui ne cesse d’inquiéter une partie grandissante de l’opinion. D’autre part, les chrétiens d’Orient sont perçus comme fuyant la guerre et les exactions commises contre eux comme chrétiens, vis-à-vis d’autres migrants qui peuvent être perçus comme profitant du climat favorable à l’accueil, en raison de la guerre avec l’EI, pour rejoindre l’Europe sur des motifs économiques qui sont nettement moins prioritaires.

Le climat de victimisation des migrants entretenu par certains médias et une partie de la classe politique jusqu’à la gauche radicale, dans le déni de tout questionnement concernant la venue de milliers de musulmans de Syrie et d’autres pays d’islam, tels que des Libyens ou des Afghans, alors que des risques énoncés ici existent bien, crée encore plus de réticence, à la façon dont on redoute ce que l’on nous cache.

>>>>> A lire aussi : 46% des Français en faveur de l'accueil des migrants mais 62% s'il s'agit de Chrétiens d'Orient

La société française ne se noie-t-elle pas dans des débats stériles sur ce sujet, telle l'élection de Sadiq Khan à la mairie de Londres, ignorant ce qu'il se passe vraiment dans notre pays ?

Yves Roucaute : Premièrement, sur l'élection de Londres : les Londoniens font ce qu'ils veulent. S'ils veulent élire un homme jugé compétent, la religion, les mœurs, les goûts culinaires de ce maire ne nous concernent pas. Les Etats-Unis ont élu Barack Hussein Obama, par ailleurs protestant contrairement à ce qui a été dit, et aurait-il été musulman que cela ne change pas mon point de vue : cela ne nous concerne pas. Sauf si ces gens menacent notre nation, et, à ma connaissance, ce n’est pas le cas. Je ne suis pas intéressé par le fait de savoir si le deuxième prénom de Barack Obama est Hussein ou pas. Ce qui m'intéresse, c'est la politique américaine qu'il mène, est-elle dans le sens de la puissance, des intérêts et des valeurs universelles de la France ?

Dans nos pays démocratiques, et pas seulement en Europe, on ne doit pas juger les gens sur leur foi mais sur leurs compétences et leurs actions. Si quelqu’un pense que lire le Coran le conduit à défendre des valeurs universelles et l'égale dignité humaine, tant mieux. Je pense que Sadiq Khan est jugé par les Londoniens comme conforme à leur mode de vie et à leurs valeurs. J’aurais préféré que le conservateur soit élu, mais qu’importe. Laissons aux Britanniques le choix de leurs élus.

J'ai toutefois lu beaucoup de choses sur la possibilité pour un Chrétien d'être élu dans des pays musulmans. Certes, mais dans les pays musulmans islamistes, c'est mission quasi-impossible. Certains citent aujourd'hui le cas du maire de Jakarta qui serait chrétien, mais l'Indonésie n'est pas un pays islamiste, et, par ailleurs, ce maire a été attaqué avec une violence extrême par les islamistes indonésiens…

Qu’importe au demeurant. Je trouve précisément que c'est une supériorité de nos pays démocratiques de faire abstraction de certaines considérations qui n’ont pas de rapport avec la politique. Si ces gens-là partagent le même amour de l'humanité, le même souci du bien commun, qu'ils prient alors comme ils l'entendent ou qu’ils ne prient pas, où est le problème ? Je trouve par exemple que le roi du Maroc fait plus pour l'humanité et la paix dans le monde que certains excités laïcards qui prétendent casser du musulman et qui en vérité sont dans une situation de haine de l’autre et de destruction des valeurs universelles. La vraie question, la seule, c'est de savoir si les dirigeants partagent les mêmes valeurs universelles et le même amour de la patrie. Qu'ils prient Dieu, Allah, Vishnou ou rien, cela ne me dérange pas. J'ai plus d'estime pour le roi du Maroc que pour ces maires des villes françaises qui laissent l'islamisme se développer ou que pour les nostalgiques de la Terreur française qui ont massacré prêtres et croyants jusque dans les prisons. Il faut rétablir les choses en rappelant qu’un dirigeant politique se juge par ses actions.

Guylain Chevrier : La publicité qui a été faite à l’élection du nouveau maire de Londres, qui a mis en avant sa religion identifiée à une origine modeste et à l’extraction d’une minorité pour réussir, est un gadget qui sert de cache sexe à une politique libérale qu’il ne cessera pas de défendre bec et ongles, comme il l’a exprimé après son élection. Il s’agit de faire illusion au pays du multiculturalisme, ce système ultra-inégalitaire, qui cultive la séparation selon l’origine ethnique, culturelle ou la religion. Un système qui divise et entretient la reproduction des inégalités de façon sûre, grâce à un communautarisme qui prédestine ceux du groupe à ne pouvoir jamais s’émanciper de leur milieu d’origine. Comme le rappelle l’écrivain Monica Ali, londonienne originaire du Bangladesh : "Il y a (ici) un schéma bien établi qui veut que certains groupes ethniques se concentrent dans quelques poches géographiques définies par une culture et une activité économique (…) lié à l’héritage colonial de l’Empire Britannique" (1).. Et sans compter encore avec la charia dite "courte" qui règne par exemple dans la communauté à laquelle se réfère Monsieur Sadiq Khan, qui, si elle exclue les châtiments corporels, pratique une justice religieuse discriminatoire envers les femmes, reconnue par les tribunaux anglais au non du respect des cultures. Un pays qui conserve le délit de  blasphème. Autant d’aspects qui n’ont pas été évoqués par les grands médias français, de façon surprenante.  

Il est vrai que ce qui se passe dans notre pays devrait rappeler à la réalité cette tendance à vouloir tout traiter sur le mode des identités culturelles, alors que nous vivons dans un affrontement de plus en plus évident entre les valeurs de notre république égalitaire et laïque, et une partie de nos concitoyens musulmans qui revendiquent des aménagements à leurs pratiques religieuses tendant à mettre en cause la règle commune, se tournent vers le salafisme, jusqu’au rejet par certains de la société française sous le signe du refus du mélange au-delà de la communauté de croyance et toute idée de mixité, qui a fait pourtant le fameux "creuset français". 

Dernier exemple qui renforce l’inquiétude, le rassemblement qui réunit chaque année le plus de musulmans, celui de la sulfureuse "Union des organisations islamiques de France" (UOIF). Elle a mis au programme de son édition 2016 des individus connus notoirement pour leurs appels totalement contraires aux droits de l’homme et à la dignité humaine. 

Le Soudanais Issam Al-Bachir, résolument salafiste, jihadiste, pro-Hamas qui est contre l'existence d'Israël ou encore, sieur Omar Abdelkafy, d'origine égyptienne qui est interdit de résidence en Égypte, qui développe des positions radicales au sujet du voile dit islamique, au sujet des juifs et de la théorie du complot , qui explique dans une vidéo que «La femme qui sort les cheveux découverts au vu de tout le monde, celle-là aura commis un péché qui mérite le châtiment de la tombe et le châtiment au jour du jugement dernier»... Concernant les attentats de Charlie Hebdo, il plaide l'innocence des jihadistes islamistes en accusant de mise en scène les autorités, d’un "complot", comme d’ailleurs pour les attentats du 11 septembre 2001. Des idées qui circulent sur les réseaux sociaux alors que l’on tente de prévenir le risque de radicalisation de jeunes et moins jeunes, dont le nombre de candidats pour la Syrie ne cessent d’augmenté, passant d’environ 4000 à 8000 en un an. Comment cela ne fait-il pas la Une de nos journaux télévisés pour en dénoncer non seulement l’existence, mais le lien avec un salafisme qui s’enracine dans nos banlieues comme une bombe à retardement, alors que de nombreux jeunes sont en crise d’identité entre une origine et leur pays d’adoption, et que toute confusion devient à haut risque ? 

A l’opposé de l’Angleterre du chacun pour soi et des séparations communautaires, la politique d’intégration de la France favorise le mélange et la promotion sociale de tous, si on y regarde bien. Selon les données publiées par l’INSEE et l’INED, dans le cadre de l’enquête TeO (Trajectoires et Origines), si les pères immigrés appartiennent aux professions peu qualifiées, leurs fils connaissent une réelle promotion sociale. Si 62 % des pères occupent un poste d’ouvrier qualifié ce sont 74% de leurs fils qui en occupent un. Si les professions intermédiaires ne représentent que 9% pour les pères, il en va de 22% pour les fils, 4% des pères sont cadres et 9% les fils. C’est environ 100.000 personnes qui bénéficient de l’acquisition de la nationalité française par naturalisation chaque année en France.

La crise des migrants de ces derniers mois a mis un peu plus en lumière des problématiques sociétales comme l'intégration et le multiculturalisme. Selon vous, quels autres facteurs récents ont conduit à cette crispation en France autour de la question identitaire ?

Yves Roucaute : Clairement, le premier responsable est le laxisme moral et politique global.

Où commencent le dérèglement sociétal et le délitement social ? Il commence à la petite enfance. Il faut rappeler et marteler que ces islamistes, pour une très grande part, ne sont pas d’abord des migrants, mais des gens nés en France, des enfants de la seconde et troisième génération.

Le laxisme moral est le premier coupable. Ce n'est pas seulement le fait qu'on n'ait pas eu de cours d'instruction civique à l'époque ou un policier derrière chaque enfant. Ce n'est pas par là que l'on va régler la question. Mais les gouvernements ont laissé la petite délinquance se faire, l’incivisme du quotidien se développer : ne pas aider les gens à porter leur sac, être mal élevé, siffler les jeunes filles, ne pas laisser son siège aux femmes enceintes, laisser se développer au nom de la musique des groupes qui distillent la haine, l’homophobie, l’islamisme, le racisme anti blanc, la détestation de la démocratie, de la police, des enseignants, du savoir, etc.

Le second coupable, c’est l’incohérence d’une vraie campagne idéologique pour construire la mémoire commune. Ce qui a été fait envers les enfants des travailleurs d’Espagne, d’Italie ou de Pologne ne l’a pas été pour ceux qui viennent d’Afrique. Certains professeurs d'histoire, infestés par le marxisme ou les cultures gauchistes diverses, ont démontré une irresponsabilité énorme. Quand les Espagnols, les Italiens ou les Polonais venaient travailler en France, leurs enfants allaient à l'école pour apprendre "nos ancêtres les Gaulois". Cela devenait donc leur histoire. À l'arrivée, l'Arménien, l'Italien, l'Espagnol, le Vietnamien, pour tous les enfants de ces gens-là, leur ancêtre était réellement gaulois même s’ils gardaient aussi l’amour de leurs racines ! Leur ancêtre, c'était Charlemagne, Clovis, Du Guesclin, Clémenceau, De Gaulle. Ils étaient porteurs de la même histoire, prêts au même amour de la patrie, et, le cas échéant, prêts au même combat. Il suffit de songer aux Arméniens venus d’Orient qui ont tant donné à la France, jusqu’à leur vie.

Ceux que Pascal appelait les "demi-habiles" (ceux qui ne comprennent rien) ont rejeté cette vision. Non seulement, ils n’ont pas soutenu le travail de construction d’un imaginaire social commun, mais ils ont tout fait pour le détruire. Ils ont expliqué à ces jeunes de banlieue, en particulier venus d’Afrique du Nord, que la France était la patrie de l’oppression de leurs ancêtres, de la colonisation et de l'esclavage. Ils continuent de le faire, d'ailleurs. Le grand projet du moment, c'est de monter un musée de l'esclavage. Comme si la France n'était pas précisément le pays où l'esclavage a été aboli ! Comme si les Arabes ne pratiquaient pas l'esclavage… Comme si toute l’Afrique et toute l’Asie ne pratiquaient pas l’esclavage ! Bien sûr, la France a été colonisatrice. Mais toutes les nations du monde l'ont été ! Pourquoi y a-t-il des Musulmans en Egypte aujourd'hui ? Parce que le monde arabe a envahi l'Egypte et a produit cette culture musulmane sur ce pays qui était chrétien, comme ses voisins méditerranéens. Ce n’est pas d’ailleurs une façon de se laver les mains d’une ignominie millénaire. On n'explique plus à ces jeunes la vérité et on leur raconte une histoire idéologique. Et au lieu de leur faire aimer la patrie des droits de l’Homme, grâce à nos manuels idéologiques, ils détestent leur pays.

Il y a un troisième phénomène marquant dans cette déconstruction de la conscience commune. On a fait perdre de vue aux jeunes ce qu'était le monde. Au lieu d'être fier et heureux de la puissance de la France et de sa place dans le monde, au lieu de les ouvrir aux infinies possibilités de la révolution numérique, on leur a fait croire que la France allait contre des populations pauvres, en soutenant les impérialismes et la misère dans le monde. On retrouve ici la responsabilité énorme de tous ces discours gauchistes sur la Palestine, l'Afrique, etc. On ne dira jamais assez la part de responsabilité des groupuscules gauchistes dans la montée de l’islamisme et de l’antisémitisme et dans le déracinement de  certains jeunes. Ou bien on leur a fait croire que la France c’était les riches, qu’elle était du côté de la mondialisation contre la liberté et l’épanouissement alors qu’il aurait fallu leur montrer le combat à mener pour orienter cette mondialisation dans le sens de l’humanité et la place qu’ils pouvaient trouver.

Enfin, il y a bien sûr un facteur social et économique. Dans la mesure où l'on explique à certains que la France est une terre de colonisation, de pression et d'exploitation, on ne donne pas non plus le goût de vivre et travailler dans ce pays. Vous pouvez construire des MJC, ce qu'avait fait André Malraux, mais cela ne sert à rien ! Les premières choses que les jeunes désoeuvrés détruisent, ce sont ces structures publiques que les régions et les mairies mettent à leur service pour les aider. On a freiné l’envie de réussir en France. Certains deviennent alors des individualistes forcenés qui n’ont pas d’attrait vers le bien commun, jusqu’à vendre de la drogue ou commettre des vols, dans le pire des cas, ils s’orientent vers l’islamisme et ce sont des gens qui détestent la France.

Heureusement, le phénomène n’est pas général. Nous connaissons tous nombre d’enfants de la seconde et troisième génération qui sont patriotes, fiers d’être Français, qui se battent pour vivre une belle vie, y compris dans des cités HLM construites en dépit du bon sens, peu humanisées et peu chaleureuses.

Pour ces jeunes, l’identité française ne fait pas plus problème que pour ceux qui sont issus de la culture arménienne ou polonaise. Et ils sont aussi crispés sur leur identité française quand ils voient le délitement d’une société qui ne sait plus afficher et défendre ses valeurs, son mode de vie généreux et sa volonté de puissance. Et ce sont ces jeunes sur lesquels la France doit aussi s’appuyer pour régler demain les problèmes dus au laxisme d’hier.

Guylain Chevrier : Les attentats ont révélé, à travers ceux qui se revendiquent comme n’étant pas Charlie dans le prolongement des perturbations de la minute de silence demandée dans les établissements scolaires pour les victimes et la liberté d’expression, qu’une partie importante des enfants de la République rejettent les valeurs sous lesquelles elle grandit et dont elle bénéficie. De trop nombreux musulmans pratiquants plaident que, la laïcité serait faite pour les empêcher de pratiquer leur religion, alors que ce qui apparait de plus en plus du côté de ces derniers, c’est le refus de s’adapter à une République gouvernée au nom de la raison, d’accepter la modernité démocratique qui comprend la liberté de pensée, de caricaturer, de critiquer les religions, et pour les femmes de ne pas êtres soumises à un ordre patriarcal. 

Rappelons qu’une enquête de l’Institut Sociovision avait révélé en octobre 2014 (2) que 80% des catholiques en France étaient "pour une société qui respecte la NEUTRALITÉ en matière de religion et où les pratiques religieuses restent dans le domaine privé", alors que seulement 50% des musulmans convergeaient dans ce sens, et 37 % de ces derniers qui trouvaient acceptable "le refus de serrer la main à une personne du sexe opposé ou de fréquenter certains lieux publics mixtes (ex : piscine)." 

Les prêches comme ceux de l’imam de Brest, qui désignent la musique comme "créature du diable" ou encore présentent le port du voile à l’âge de 9 ans comme un exemple, et désignent les femmes qui ne le portent pas comme n’ayant pas d’honneur et ne devant pas s’étonner si elles se mettent en risque de se faire abuser, sont insupportables, condamnables et dangereux. Ils ne sont pourtant pas désavoués unanimement et sans ambiguïté par les représentants de l'islam de France. Ghaleb Bencheikh, islamologue, président de la Conférence mondiale des Religions pour la paix, n’avait pas hésité au lendemain des attentats de novembre 2015 à dire que "Certains responsables religieux musulmans sont comptables et coupables des crimes perpétrés au nom de dieu". La prise de position du Premier ministre se disant favorable à l’interdiction des signes religieux ostensibles à l’université et donc du voile, relativement à une pression communautaire de plus en plus prégnante et attentatoire aux libertés des autres, exprime aussi ce malaise qui ne peut pas ne pas rejaillir sur les migrants Syriens et sur ceux venus d’ailleurs. 

Une situation où un antisémitisme débridé est partagé par bien des jeunes des quartiers, comme l’a révélé le reportage de la série Infrarouge,  "Français, c’est les autres" diffusé le 3 février dernier sur France 2, où l’on voit une classe de collège de banlieue, reflet de la diversité culturelle, se lâcher sans retenue dans des clichés qui rejoignent ceux des pages les plus sombres de l’histoire!   La ministre de l’Education vient seulement en mars dernier de s’exprimer sur ce sujet pour dire qu’ "il faut stopper le racisme à l’école", alors qu’elle fait dans sa communication le constat d’un antisémitisme qui pousse  le enfants juifs des banlieues à quitter l’école publique pour se diriger vers des établissements privés, ce qu’elle entend freiner. Mais il est déjà bien trop tard ! Elle plaide une fois de plus pour le renforcement de l’enseignement dit "laïque" du fait religieux à l’école, appuyant sur les différences en comptant encore sur la reconnaissance de celles-ci pour intégrer les élèves, ce qui se solde aujourd’hui par un cuisant échec, quand on devrait essentiellement y parler de règles et valeurs communes qui sont de moins en moins respectées, là et ailleurs. On se rappellera qu’elle a voulu imposer l’enseignement de l’islam comme obligatoire et celui des penseurs des Lumières comme optionnel, ce sur quoi elle a reculé. Un épisode qui en dit long des abandons qui créent ce climat de crise des valeurs qui rend vulnérable la société française à bien des dangers, aux ruptures du lien social, à des défiances. L’attitude des Français au regard des migrants quant à leur choix plus favorable aux chrétiens d’Orient, résonne des contradictions qui traversent la société française et risquent bien,  si on n’y prête pas l’attention nécessaire, à la faire trembler sur ses bases.

(1)-      Monica Ali, La Face cachée de l’Angleterre, Le Nouvel Observateur, 28 septembre 2010

(2)-     http://www.sociovision.com/sites/default/files/note_laicite_sociovision_octobre_2014.pdf

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