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Microbiote : ces bactéries de l’estomac qui influent profondément sur notre santé
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Bactéries essentielles

Christopher Payan

Christopher Payan

Christopher Payan est virologue au CHU de Brest et professeur à la faculté de médecine de l'université de Bretagne Occidentale (Brest).

Il est l'un des auteurs de Mini manuel de microbiologie (Editions Dunod)

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Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Nos intestins regorgent de communautés de micro-organismes qui dépendent de notre alimentation, de notre mode de vie et des médicaments que nous prenons. Savons-nous actuellement à quel point le microbiote influe sur notre santé ? Comment faire pour garder un bon microbiote ?

Stéphane Gayet: Claude Bernard (1813-1878) est considéré comme un père de la médecine moderne. Dans son plus célèbre ouvrage « Introduction à l'étude de la médecine expérimentale », publié en 1865, il développe sa méthode faite d'observations, d'hypothèses et d'expériences, et affirme sa foi dans les progrès à venir en médecine. Il y énonce également son idée du milieu intérieur et de l'homéostasie, l’équilibre général d'un organisme vivant. Il réfute l'idée que chaque fonction soit nécessairement associée à un unique organe : certaines fonctions sont en effet assurées à l'échelle du corps entier. Mais au XIXe siècle, les moyens d’exploration étaient rudimentaires. L’essor des dissections anatomiques (pour pouvoir apprendre l’anatomie du corps « sain ») et des autopsies (les dissections pour déterminer la cause d’un décès) a marqué l’ère de la médecine que l’on peut qualifier de « macroscopique ». Les autopsies permettent de reconnaître une hémorragie cérébrale, une embolie pulmonaire, une pneumonie étendue, un infarctus du myocarde, une nécrose du foie, une péritonite, une rupture d’anévrysme aortique, un cancer colique, etc. Dans bien des cas, une autopsie ne permet pas d’expliquer un décès.

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Au XXIe siècle, la médecine est devenue beaucoup plus histologique et histopathologique (microscopique) et biochimique.

Le microbiote intestinal (ensemble de microorganismes présents en permanence dans nos intestins) est considéré comme un « nouvel » organe. On estime qu’il pèse de l’ordre de deux kilos et comporte quelques centaines d’espèces différentes de microorganismes ; mais lors d’une dissection anatomique, on ne voit rien : on ne voit que le chyme intestinal (bouillie alimentaire du jéjunum-iléon ou intestin grêle) et la masse excrémentielle (dans le côlon ou gros intestin). Le microbiote intestinal est réparti entre ces deux contenus intestinaux et la paroi des intestins. Cette notion de « nouvel organe » est parfaitement pertinente. On sait en effet que le microbiote intestinal joue un rôle déterminant dans le maintien de notre santé ou au contraire la survenue de maladies. On utilise également le terme de « microbiome » pour désigner la masse d’acides nucléiques (essentiellement des ADN bactériens, fongiques : champignons microscopiques, et viraux ; plus des ARN viraux). L’intérêt du terme microbiome réside dans les méthodes d’étude du microbiote : il est relativement aisé aujourd’hui de détecter les acides nucléiques grâce aux techniques de biologie moléculaire actuelles.

C’est d’abord avec les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ou MICI (comme la maladie de Crohn, la rectocolite hémorragique…) que l’on s’est rendu compte de l’importance du microbiote intestinal (qui a longtemps été appelé « flore intestinale »).

Si l’on sait encore peu de choses sur les mécanismes précis selon lesquels ces microorganismes interagissent avec notre corps, on découvre de plus en plus de domaines physiologiques et pathologiques au cours desquels ils semblent bel et bien jouer un rôle non négligeable. On peut citer : le fonctionnement du système immunitaire, les allergies, les maladies chroniques et certaines maladies aiguës de l’intestin, le cancer colo-rectal, le fonctionnement des glandes endocrines (hormones), la régulation pondérale et l’obésité, le diabète de type 2, la dépression mentale ainsi que d’autres troubles psychiatriques ou psychologiques, le fonctionnement cérébral d’une façon générale, le sommeil, le métabolisme des lipides et du cholestérol, et sans oublier l’hémostase (coagulation physiologique du sang), etc.

Il existe un indéniable phénomène de mode avec le microbiote dont l’évocation a quelque chose d’excitant. Mais son étude est d’une grande complexité. Il semblerait que plus il serait abondant et diversifié, et plus il serait bénéfique ; au-delà de cette notion bien schématique, il y a évidemment des espèces microbiennes qui sont plus favorables que d’autres.

Le microbiote intestinal commence à se mettre en place très tôt dans la vie extra-utérine, puis se développe au fil des ans. Les enfants ayant grandi à la campagne au contact d’animaux ont dans l’ensemble un microbiote bien fonctionnel. Il est évident que les antibiotiques et biocides (antiparasitaires, insecticides, raticides, herbicides, fongicides, antibiotiques…) lui sont néfastes ; le terme pesticide souvent employé est impropre. Pour garder un bon microbiote, il convient de vivre sainement : c’est un truisme, mais il faut le rappeler. C’est surtout l’alimentation solide et liquide qu’il faut surveiller attentivement, donc tout ce qui pénètre dans le tube digestif.

Christopher Payan: Limiter à chaque fois que possible les antibiotiques et notamment les traitements au long cours qui fragilisent cet équilibre et sélectionnent les bactéries résistantes. Avoir une alimentation équilibrée avec fruits et légumes, éviter les aliments trop sucrés ou trop gras. Les infections virales (gastroentérites) modifient le microbiote du sujet sain mais celui-ci se rétablit après la période infectieuse virale. La pandémie à Covid19, dont le virus SARS cov2 a été retrouvé dans les selles de malades, a arrêté la pratique de la TMF en 2020 qui a été reprise en octobre 2020 avec l’introduction de la recherche de SARS Cov2 dans les selles des donneurs.  

La surconsommation d'antibiotiques et la consommation d'aliments ultra-transformés semblent décimer notre microbiote intestinal, rendant les gens plus vulnérables à des infections et d'autres formes de maladies. Aujourd’hui, notre microbiote intestinal est-il moins performant qu’il y a quelques années ? Les antibiotiques, sont-ils la seule raison à cela ?

Stéphane Gayet: Les altérations du microbiote intestinal sont commodément regroupées dans le terme de « dysbiose » qui est devenu lui aussi un peu à la mode. Il est établi que la qualité du microbiote intestinal est liée à notre mode de vie et principalement à notre alimentation ; bien que l’on n’explore pas en détail le microbiote depuis très longtemps, on observe en effet une tendance à la baisse de sa qualité. Aujourd’hui, des tests ont été mis au point pour explorer la qualité d’un microbiote ; mais c’est en réalité le microbiome que l’on explore. Ces tests sont coûteux et, en raison du phénomène d’engouement qu’ils suscitent, de nombreuses sociétés privées proposent de les réaliser, mais la qualité est loin d’être toujours au rendez-vous et l’on peut facilement se laisser abuser.

Sur le plan de la causalité de la dysbiose, il est facile et par trop schématique de tout mettre sur le compte des antibiotiques que nous consommons consciemment. Dans notre nourriture d’origine animale, beaucoup d’antibiotiques sont « cachés » ; ils proviennent essentiellement des élevages et ne sont pas forcément dénaturés par la cuisson ; cela reste une source massive d’antibiotiques, dont on ne parle que très peu. Il n’en reste pas moins vrai que les produits chimiques à action biocide sont de nos jours présents et parfois abondants dans tous les aliments transformés ou presque ; les produits labellisés « bio » n’en sont pas totalement exempts. Il faut aussi parler des biocides de l’eau du réseau, plus spécialement des dérivés chlorés qui deviennent de plus en plus systématiques. Il est en vérité aujourd’hui bien difficile de protéger notre microbiote de tous ces biocides qui font pratiquement partie de notre vie moderne. C’est une réalité préoccupante.

Christopher Payan: Non le mode d’alimentation joue aussi. Ils avaient été montré par le passé que les sujets ayant une alimentation trop « stérile » favorisait la survenue de pathogènes digestifs (polémique sur le fromage pasteurisé versus au lait cru pour leur importation vers les USA dans les années 2000). A contrario, les contrôles microbiologiques alimentaires ont limité la survenue de salmonellose.

Comment allons-nous pouvoir utiliser nos connaissances sur le microbiote pour améliorer les traitements et la prévention des maladies ? Quels types de maladies pourraient être évitées ?

Stéphane Gayet: D’une façon générale, il existe aujourd’hui une prise de conscience collective de l’importance de l’alimentation pour notre santé, tant en qualité, qu’en diversité et en quantité. Il est plus que probable que des altérations du microbiote intestinal soient à l’origine ou plus simplement favorisent diverses maladies, essentiellement des pathologies chroniques.

Les analyses détaillées du microbiote intestinal vont probablement devenir de plus en plus courantes, mais il faut faire très attention aux prestataires auxquels on fait appel, comme on l’a dit.

Les maladies concernées sont, nous l’avons vu, nombreuses. Dès l’instant où il existe un dysfonctionnement immunitaire (allergie, baisse de l’immunité, maladies dysimmunitaires souvent appelées « auto-immunes » …) durable et impliqué dans une pathologie chronique, l’étude du microbiote intestinal peut se justifier. Dans le cas des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), c’est une évidence. C’est aussi le cas du diabète de type 2, de l’obésité, des maladies chroniques du foie, de ce qu’il est convenu d’appeler le « syndrome du côlon irritable » (ancienne colopathie fonctionnelle), de plusieurs types de cancer, des maladies neurodégénératives et psychiatriques, pour ne citer que les pathologies les plus étudiées actuellement sur le plan du microbiote ; la liste va assurément s’allonger dans les années qui viennent.

L’étude détaillée du microbiome dans ces maladies et d’autres encore pourra peut-être permettre de faire de la médecine personnalisée, c’est-à-dire adaptée à chaque patient en fonction des caractéristiques (supposées pathologiques) de son microbiote ou plutôt son microbiome. Comme on le voit, le microbiote intestinal suscite beaucoup d’intérêt et d’espoir en médecine, mais son étude et celle des interrelations de ses microorganismes avec nos organes sont d’une particulière complexité.

Christopher Payan: Il y a la première indication de la TMF depuis les premières études publiées en 2013 (et qui est la seule encore aujourd’hui) pour les infections récidivantes à C. difficile résistant aux antibiotiques. Il existe aussi des études favorables qui ont montré que la TMF pouvait corriger les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, les MICI, comme la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique, agir sur la survenue d’athérosclérose, le diabète, l’obésité, l’encéphalopathie chez le patient cirrhotique ou contre l’autisme mais les résultats sont à ce stade moins probant que pour les infections à CD (plus de 90% de réussite !).

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