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Le Mexique va-t-il sombrer
dans une narco-dictature ?
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Sombre héros

L’élection d’Enrique Peña Nieto, le candidat du Parti révolutionnaire institutionnel est très largement la consécutive au grave échec de Felipe Calderón dans sa stratégie de lutte contre le crime organisé qui a coûté plus de 60 000 morts et 150 000 déplacés au pays.

Olivier d'Auzon

Olivier d'Auzon

Olivier d'Auzon est juriste consultant auprès de la Banque africaine pour le développement, de la banque mondiale et de l'Union européenne.

Il est l'auteur de L'Afrique des nouvelles convoitises (Ellipses / septembre 2011).

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Qu’on y songe, pour Barry McCaffrey, le conseiller anti-drogue de Bill Clinton, les États-Unis procurent aux cartels mexicains des revenus annuels supérieurs à 25 milliards de dollars par an, dont 10 milliards environ sont rapatriés au Mexique. C’est la quatrième source de devises du pays après le pétrole, le tourisme et les remesas (les virements des migrants).

Cette manne financière est réinvestie dans l'économie mexicaine et contribue à faire tourner la machine économique. Les capis, très actifs dans l'immobilier, mènent une vie fastueuse qui fait bien des heureux. Les magasins de luxe, les vendeurs de voitures, les sociétés privées de sécurité, les restaurants, les bijoutiers : tout le monde profite de l’argent de la drogue. Chiffre ahurissant : les cartels ont infiltré 81 % de l'économie mexicaine. Ils donnent du travail à une très large frange de la population — souvent des familles entières qui n'ont pas d'autre choix pour survivre.

Cette situation ne pouvait laisser les autorités de Washington indifférentes. Dennis Blair, qui dirige les 16 agences du renseignement américain, estime que « les cartels mexicains sont les plus puissants du monde ; ils empêchent le gouvernement mexicain de gouverner dans certaines parties du territoire et de construire des institutions démocratiques ». L'explosion du nombre d'assassinats et de séquestrations transforme le Mexique en « un problème de sécurité nationale pour les États-Unis » au même titre que les « conflits en Afghanistan, en Irak et au Pakistan », confirme l'amiral Michael Mullen, chef d'état-major des armées. Plus grave encore : l'incapacité des autorités mexicaines à contenir le phénomène et l'expertise acquise par les mafias mexicaines dans l’émigration clandestine pourraient être mises à profit par des groupes terroristes comme Al-Qaida pour pénétrer aux États-Unis par le sud.

Cette menace terroriste justifie, aux yeux de l’administration Obama, le renforcement de la présence des services de renseignement américains sur le territoire mexicain et la militarisation de la frontière, réclamée à cor et à cri par les gouverneurs du Texas, de l'Arizona et du Nouveau-Mexique.

Chacun sait que les protestations du président Calderón, qui pointait du doigt l'ingérence de ses voisins du Nord dans les affaires mexicaines, étaient rendues inaudibles par son mauvais bilan. Dans l'opinion, confie Babette Stern, il traîne un boulet appelé Joaquin Guzman (le chef du cartel du Sinaloa), que personne n'arrête alors qu'il se promène à visage découvert, comme ce jour de juillet 2007 où il se maria en quatrièmes noces avec une jeune fille de 18 ans, Emma, nièce de son lieutenant Nacho Coronel, dans une petite ville du Durango…

Mais il y a plus : dans un télégramme diplomatique divulgué par WikiLeaks, les Américains expriment leurs craintes face à « l'incapacité du gouvernement mexicain à freiner l'escalade des homicides ». « La corruption officielle est très répandue », peut-on lire, « le taux de poursuites pour les agressions du crime organisé est lamentable ; à peine 2 % des détenus sont présentés aux tribunaux ». Le service de renseignement y est décrit comme « sous-développé », « fracturé » ; il est devenu le « principal obstacle » à une amélioration de l'ordre public. De leur côté, les autorités mexicaines reconnaissent « la perte de contrôle dans certaines zones » et implorent « l'aide de l'administration américaine »

De fait, le plan approuvé par la Maison-Blanche prévoit le déploiement de 21 000 hommes de la police des frontières et de 1 200 militaires, armés et autorisés à tirer en cas de légitime défense. Ils sont appuyés par 150 hélicoptères et avions chargés de surveiller la frontière. Cinq drones équipés de missiles de courte portée, similaires à ceux qu'utilise le Pentagone pour détruire des objectifs terroristes en Afghanistan et en Irak, complètent le dispositif. La mise sous tutelle est éclatante.

Quel est l’avenir du Mexique ? On ne peut rien exclure. Surtout pas l’avènement de la première narco-dictature du XXIe siècle…

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