Meurtre de Jérémy Censier : un procès emblématique des dysfonctionnements de la justice<!-- --> | Atlantico.fr
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Jérémy Censier
Jérémy Censier
©Photo DR

Justice

Le procès du meurtrier présumé de Jérémy Censier s'est ouvert mercredi devant la Cour d'assises des mineurs de Pau. Cinq co-accusés doivent quant à eux répondre de violences volontaires en réunion. L'aboutissement d'une procédure difficile, symbolique de l'état dans lequel se trouve aujourd'hui la justice française.

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris

Alexandre Giuglaris est délégué-général de l’Institut pour la Justice.

 

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Atlantico : Jérémy Censier, un jeune homme de 19 ans, a été sauvagement tué en 2009 par un groupe de jeunes, alors qu'il rentrait d'une fête à Nay, dans les Pyrénées Atlantiques. Le procès du meurtrier présumé s'est ouvert mercredi devant la Cour d'assises des mineurs de Pau. Cinq co-accusés - âgés de 23 à 34 ans – doivent quant à eux répondre de violences volontaires en réunion. Le père de Jérémy, Joël Censier, attend beaucoup du procès des six hommes accusés de la mort de son fils. Quelles peines encourent le meurtrier présumé, mineur au moment des faits, et ses co-accusés ? La justice se montre-elle exemplaire dans ce genre de cas ?

Alexandre Giuglaris : Le principal accusé peut, en théorie, être condamné jusqu’à trente ans de prison. Mais, au-delà du prononcé, la question de l’exécution de la peine se pose. Il faut savoir que les crédits de réduction de peine automatiques et les crédits de réduction de peine supplémentaires peuvent réduire la détention de six mois de prison en moins la première année et de cinq mois les années suivantes. C’est la conséquence directe du manque de places de prison. Cela pousse les gouvernements à mettre en place tous les expédients possibles pour réduire la surpopulation carcérale. La réalité est que les peines ne sont pas exécutées à la hauteur du prononcé, ce qui est inacceptable.  

Quant aux co-accusés, ils risquent, là encore en théorie, jusqu’à sept ans de prison. En effet, il n’y a qu’un seul des coups de couteau portés, contre Jérémy Censier, qui a été mortel. Donc même si les co-accusés ont participé à l’acharnement de violences à coups de pieds et de poings, un seul individu est poursuivi pour meurtre. Les autres accusés sont poursuivis pour « violences volontaires ayant entraîné une incapacité de travail de plus de huit jours ». Une accusation conforme au droit mais choquante au regard de l’enchaînement des faits cette nuit-là et de la mort de Jérémy Censier. 

Pour Joël Censier, dont le combat judiciaire a été très médiatisé (notamment par l’Institut pour la justice) et a suscité l’indignation sur le web, ce procès est l'aboutissement d'une procédure difficile. En septembre 2011, après deux années de détention, le principal accusé avait été remis en liberté sur un point de procédure. Ensuite, les PV de sa garde à vue avaient été annulés, en raison du non-respect des droits de la défense.  Cette procédure est-elle devenue emblématique des dysfonctionnements de la justice actuelle ?

Il est clair que dans cette affaire, la famille Censier, a eu à subir des dysfonctionnements inacceptables et particulièrement éprouvants. Et malgré cela, Joël Censier a eu le courage et la force de parler de ce drame pour essayer d’empêcher que cela ne se reproduise.En effet, l’annulation des procès-verbaux de la garde à vue du principal accusé est le résultat d'une décision peu compréhensible de la Cour de Cassation datant d’avril 2011 qui impose rétroactivement la présence d’un avocat dès le début de la garde à vue.Le jeune homme en question, avait pourtant fait des aveux en août 2009 qui ont, par le fait du changement de législation, été annulés.

Mais si le message de Joël Censier a eu un tel impact et que plus de 1,7 million de Français ont signé le Pacte 2012 pour la Justice de l’Institut pour la Justice, c’est bien que les Français sont confrontés aux dysfonctionnements de notre justice et à l’insuffisance de la réponse pénale. Chacun s’accorde à dire, aujourd’hui, que les Français veulent plus de protection et de sécurité. Face à cela, les dysfonctionnements de la justice sont d’autant plus inacceptables dans l’opinion publique.

Grâce au courage de Joël Censier, le débat a été ouvert sur le fonctionnement de la justice et sur l’application des procédures et des peines. Il faut savoir tirer des conclusions de dysfonctionnements particuliers, comme le drame de la famille Censier, pour s’assurer qu’ils ne se reproduisent pas dans d’autres enquêtes ou instructions.   

Joël Censier affirme aujourd’hui qu’il ne croit plus en la justice. Cette dernière est-elle malade en France ? 

Au regard de toutes les épreuves que la famille traverse depuis le mois d’août 2009, de la perte de leur fils dans des circonstances atroces et des dysfonctionnements judiciaires qu’ils ont subis, on comprend aisément le sentiment qui habite Joël Censier. Mais à l’Institut pour la Justice, nous souhaitons précisément apporter une réponse car rien ne serait plus grave ou dangereux que de laisser à l’abandon ces familles et l’ensemble des victimes.  

La justice a incontestablement besoin de réformes profondes dans notre pays et les mesures annoncées actuellement ne vont pas dans le bon sens. Il faut aujourd’hui faire de la justice une priorité. Elle doit être plus protectrice pour tous les citoyens et plus équitable à l’égard des victimes. Cela passe notamment par deux mesures fortes et indispensables : la création d’un droit d’appel des victimes pour certaines décisions de justice et la construction d’au moins 20 000 nouvelles places de prison pour permettre, enfin, l’exécution des peines prononcées.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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