Mesures pour l'emploi et le travail : deux candidats encourageants, neuf désespérants<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Mesures pour l'emploi et le travail : deux candidats encourageants, neuf désespérants
©

Entre optimisme et inquiétude

Au premier abord, le traitement des thématiques de l’emploi et du travail dans cette campagne peut paraître calamiteuse. Si le sujet a été abondamment traité au cours des débats, force est de constater qu’il a été globalement maltraité. Il est en effet apparu que seuls deux candidats sur onze (François Fillon et Emmanuel Macron) s’inscrivent dans un discours qui a quelque chose à voir avec la rationalité économique.

Bertrand Martinot

Bertrand Martinot

Bertrand Martinot est économiste et expert du marché du travail à l'institut Montaigne, ancien délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle. Co-auteur notamment, avec Franck Morel, de "Un autre droit du travail est possible" (Fayard, mai 2016). 

Voir la bio »

Que dire en effet des neuf autres  programmes dans  lesquels les moteurs essentiels de la création d’emploi sont, selon les cas, la disparition du travail et le passage aux 32 heures, le combat contre les riches ou les immigrés, le protectionnisme et la taxation des importations, la fin des baisses de charges considérées comme des cadeaux aux patrons, la dévaluation ou encore l’imitation du modèle économique vénézuéliens ? Le fait que ces neuf candidats pourraient rassembler sur leurs programmes plus de 50 % des électeurs (ce que suggèrent les sondages) en dit long sur l’état économique, social, mais aussi moral de notre pays à la sortie du quinquennat Hollande.

Il est toutefois possible de voir les choses avec un brin d’optimisme. C’est le cas si l’on examine les programmes des deux candidats qui sont, après tout, les favoris du second tour, à savoir François Fillon et Emmanuel Macron (si l’un des deux au moins parvient au second tour, et avec toutes les précautions qui doivent s’attacher à ce genre de prédictions… !).

Si l’on se restreint en effet à ces deux candidats, il apparaît que leurs programmes en matière d’emploi sont bien plus pertinents et réformateurs que ceux qui avaient tenu la tête d’affiche en 2012. Rappelons qu’il y a cinq ans, le droit du travail n’avait tout simplement pas fait l’objet de débat (si ce n’est, pour le candidat socialiste, d’une proposition contre les « licenciements boursiers »…). La question de l’insertion des jeunes était à peu près passée sous silence, à l’exception de la proposition, tellement classique, de François Hollande de renouer avec les emplois aidés dans les secteurs non -marchands (les emplois dits d’avenir).

Rien de tel aujourd’hui pour les deux candidats précités. L’angle d’attaque est le bon, le travail étant dans les deux cas considéré comme seule source de création de richesse et principale vecteur de cohésion sociale, un travail qu’il faut donc chérir et encourager. Les emplois aidés dans le secteur non marchand sont renvoyés aux oubliettes. Le droit du travail n’est certainement pas oublié. Certes, François Fillon est plus précis et va plus loin en matière d’assouplissement du contrat de travail et par sa proposition de fusion des instances représentatives du personnel. Il est également plus radical en matière d’apprentissage pour lequel il propose une réforme vraiment systémique. Mais les deux candidats se retrouvent sur la nécessité de décentraliser au niveau de l’entreprise un maximum de règles en matière de droit du travail. Les deux sont en outre d’accord sur la nécessité de plafonner les indemnités prud’homales en cas de licenciement jugé illégal, mesure puissante pour diminuer l’incertitude judiciaire pesant sur les petites entreprises. De même, on parle du rôle de l’assurance chômage comme source de chômage et de précarité, même si les approches différent.

Enfin, pour la première fois, la thématique essentielle des travailleurs indépendants, sur lesquels repose aujourd’hui une grande partie de la dynamique de l’emploi, est prise en compte pour la première fois dans une campagne électorale.

Certes, on pourra regretter que la place accordé à la contrepartie de la flexibilité, la sécurisation des parcours professionnels, reçoive de nouveau la portion congrue. De ce point de vue, en effet, et même si les deux candidats proposent des mesures en matière de formation professionnelle, on est loin du big bang qui serait nécessaire pour reconvertir des millions d’actifs (et pas simplement des chômeurs) dans les années à venir. Une exigence qui suppose la création d’une véritable « industrie de la reconversion professionnelle »[1].

Au total, donc, des éléments programmatiques sont en place pour procéder, si l’un de ces deux candidats est élu, à des réformes susceptibles de redresser la situation de l’emploi de manière significative.

Mais les programmes sont une chose et la conduite du changement en est une autre. Et nous voilà finalement renvoyés au constat initial de cet article : même avec l’onction du suffrage universel, comment réformer un pays qui, dans sa majorité, est convaincu (et conforté dans son opinion par de nombreux courants politiques opportunistes) que l’économie de marché est une horreur et que l’Etat peut et doit s’occuper de tout ? Plus qu’un programme, il y faudra un fort capital politique, une majorité solide au Parlement, des relais puissants dans la société civile et une habileté assez diabolique. Ce n’est qu’au lendemain des élections législatives qui viendront clore cette séquence électorale hors norme que le lecteur jugera de la probabilité que ces circonstances soient réunies.



[1] Cf. la proposition de « capital emploi formation » que je présente avec Estelle Sauvat (Institut Montaigne, janvier 2017).

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !