Mesure de l'écart entre leurs cuisses : ce que révèle l'étrange nouvelle obsession des adolescentes<!-- --> | Atlantico.fr
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La nouvelle lubie de certaines adolescentes consiste à évaluer leur minceur par l'espace entre leurs cuisses.
La nouvelle lubie de certaines adolescentes consiste à évaluer leur minceur par l'espace entre leurs cuisses.
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Chez les jeunes filles, la dernière "tendance" en matière d'esthétisme est désormais le "thigh gap", c'est-à-dire l'espace visible entre les cuisses. Un phénomène qui révèle l'ampleur grandissante de l'obsession de la minceur.

Christophe Bagot

Christophe Bagot

Christophe Bagot est médecin psychiatre et psychothérapeute. Il exerce à Paris.

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Atlantico : La nouvelle lubie de certaines adolescentes consiste à évaluer leur minceur par l'espace entre leurs cuisses. Qu'est-ce que cette nouvelle obsession révèle ? 

Christophe Bagot : Cette obsession n'est qu'une nouvelle facette du même constat. Il est important de replacer les jeunes filles qui ont actuellement entre 13 et 15 ans dans un contexte historique : ces adolescentes ont des mamans nées dans les années 70/80, années des générations certes libérées, mais sans réels points de repères. Cette situation s'explique par les différents mouvements de féminisme, de libération de la femme et de contraception -qui ont été bénéfiques pour les femmes et qu'il ne s'agit pas de blâmer. Mais en devenant plus indépendante et ayant une ambition professionnelle plus importante, les modèles familiaux ont été remis en cause. Avec la vague importante de divorces, les jeunes filles de ces générations là sont nées dans des modèles de famille peu évidents. 

cela s'ajoute l'intrusion d'images de féminité toujours plus importante, une féminité presque exacerbée issue en grande partie du monde de la mode et des magazines féminin Ces jeunes filles pensent trouver dans ces journaux une objectivité de la beauté, de ce que devrait être le corps féminin. Quand on a des jeunes filles très peu sûres d'elles, elles cherchent des critères objectifs pour se rassurer. Cet espace entre les cuisses fait partie de cette objectivité qu'elles recherchent, en se disant " Ainsi, j'ai ma place dans le jeu social".


La société considère également que la minceur est aussi une des clés du succès : être gros, c'est se trouver dans l'échec, dans le manque de contrôle de sa propre personne et de sa vie. Ces jeunes filles pensent donc qu'il faut ressembler le plus possible aux photos des magazines pour connaître une réussite amoureuse ou sociale.

Pourquoi cette obsession actuelle pour les cuisses ? Chaque génération a-t-elle sa propre obsession minceur ? 

Ce n'est pas les cuisses particulièrement. Ce sont les médias qui en font un phénomène actuel mais cela fait très longtemps que les cuisses sont utilisées par les adolescentes comme un facteur essentiel de leur morphologie. Les jeunes filles souffrant de troubles alimentaires sont souvent obsédées par leur ventre et par leur cuisses. Ce qui est un mouvement paradoxal : on tend à la fois vers un mouvement de féminisation des jeunes filles et dans le même temps, on efface toute forme féminine, toute rondeur. Cette peur de la féminité se reflète sur tout le corps : elles n'ont pas vraiment envie d'avoir de grosses poitrines par exemple, symbole de la féminité. C'est un rejet total des rondeurs qu'elles quelles soient, rondeurs classiquement associées à la féminité. Cela traduit la montée en puissance des corps  androgynes dans les magazines. Ces jeunes filles ont aussi une peur de toute sexualisation, et rejettent toute idée de séduction et de sexualité. Elles ont souvent peur du regard des hommes. 

Enfin, il y a quelquefois un réel "terrorisme alimentaire" de la part des mères. Près de 10 % des petites filles de 8 à 9 ans ont déjà fait un régime amaigrissant. Et les mères, qui se cherchent elles-mêmes, et sont souvent elles-mêmes en conflit avec leur propre corps se projettent sur leur fille. C'est une sorte de compensation de leur propre échec.

Cette obsession des adolescentes pour leur corps est-elle plus importante encore ou se manifeste-t-elle simplement de manière différente ? 

Cette obsession est bien plus importante qu'autrefois. Il y a cent ans, il n'y avait pas une standardisation si importante des images féminines, pas un tel culte de l'image et surtout le prêt-à-porter n'existait pas. On faisait réaliser ses vêtements sur mesure chez une couturière d'après nos mensurations, et non l'inverse : le vêtement s'adaptait à la morphologie, maintenant ce sont les corps qui doivent s'adapter au vêtement. 

Nous connaissons en plus actuellement une peur panique de l'obésité. Ces mères-là ont du mal à trouver une juste mesure dans l'éducation nutritionnelle de leur enfant. Ce qui donne souvent lieu à des tiraillements entre les trois générations : les grands parents trouvent cela ridicule, les parents mettent des restrictions partout et les enfants, dès qu'ils ont plus d'indépendance, vont aller manger ailleurs la nourriture qu'ils ne trouvent pas chez eux. 

Les troubles alimentaires sont-ils la marque de notre époque ou ont-ils toujours existé mais de manière différente ? 

Je pense indéniablement que c'est une marque de notre époque, depuis quelques dizaines d'années notamment : il y a une réelle augmentation des troubles alimentaires dans le monde, en plus de l'augmentation de l'obésité dans la plupart des pays développés. L'offre est pléthorique de nourritures sucrées dans les supermarchés :  il y a trente ans, on se contentait d'un morceau de pain et de chocolat pour le goûter. 

Enfin, la surmédiatisation n'a rien arrangé. L'identification à des idoles aussi n'a rien arrangé ; les chanteurs et les chanteuses comme Justin Bieber ou Selena Gomez par exemple ont des corps fermes, puissants, presque irréels pour leur jeune âge. Ces "idoles" des jeunes sont des exemples catastrophiques.

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