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Médailles Fields : et la vraie raison pour laquelle il n’y a jamais eu de Prix Nobel de mathématiques n’a... probablement rien à voir avec Mme Nobel contrairement à la légende
©CARL DE SOUZA / AFP

Atlantico Business

Les médailles Fields sont décernées tous les quatre ans aux meilleurs mathématiciens. Elles sont l’équivalent du prix Nobel, qui est interdit aux matheux. Mais pourquoi donc ?

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le jour où l’Union Mathématique Internationale décerne les médailles Fields aux meilleurs matheux du monde, le débat pour essayer d’expliquer pour quelle raison il n’y a pas de prix Nobel en Mathématiques et il n‘y en aura sans doute jamais, un débat d’ordre quasi théologique chez les scientifiques, rebondit tous les quatre ans. 

Difficile d’éclairer le mystère. Et pourtant ! Il y a autant d’explications que de chercheurs en mathématiques qui aspirent à recevoir la médaille Fields. 
Cette médaille Fields a été créée en 1936, c’est la récompense la plus prestigieuse du monde (avec peut être le prix Abel créé en 2006), elle est considérée comme un équivalent du prix Nobel, qui n’existe donc pas dans cette discipline. Elle est attribuée tous les quatre ans au cours du Congrès international des mathématiciens qui s’est achevé hier au Brésil. Les lauréats, qui ont tous moins de 40 ans, reçoivent chacun une médaille et un prix de 15 000 dollars canadiens. Pourquoi canadiens ? Parce que c’est John Charles Fields, grand mathématicien de Toronto, qui avait proposé la création de cette médaille et qu’il était canadien. À sa mort, en 1932, il lèguera tous ses biens à la science afin de contribuer au financement de la médaille. 
A noter que si aucun français ne l’a reçue cette année, la médaille Fields a souvent récompensé des chercheurs français, confortant ainsi la place de la France comme une des nations les plus fertiles en mathématiciens de haut niveau. Un des plus en vue en ce moment étant bien sûr le macroniste Cédric Villani.
Sauf que, aussi prestigieuse soit cette médaille, des générations de mathématiciens ont regretté ne pas avoir droit à un prix Nobel, au même titre que leurs confrères chercheurs en physique, chimie ou même littérature. 
Le mystère est total et suscite toujours autant de curiosité ou de débat. Et de frustration. 
Alfred Nobel est un chimiste suédois, qui a inventé la dynamite, c’est à dire la nitroglycérine. Cette invention qui date de 1867 va lui valoir une fortune colossale, mais une image épouvantable. Les journaux ne cesseront pas de parler d’Alfred Nobel comme du marchand de la mort qui a fait fortune en développant le moyen de tuer plus d’humains que jamais. 
Cette réputation va profondément toucher Alfred Nobel et lui donner l’idée de créer un prix qui porte son nom. 
A sa mort, son testament va réserver l’essentiel de sa fortune au financement de ces fameux prix qui doivent être décernés à « des humains sans aucune distinction d’âge ou d’origine qui auront apporté le plus grand bénéfice à l’humanité ».  
En clair et de cette façon, l’argent de sa mort servira à récompenser les œuvres de vie d’autres savants. 
Alfred Nobel va d’ailleurs être très précis. Les prix Nobel doivent aller à la promotion de la paix, de la littérature, de la médecine (ou physiologie), de la chimie et de la physique. 
La liste s’arrête là : point de mathématiques qui forment pourtant l’absolu de la science. Pas de maths, donc pas de mathématicien. L’Académie royale de Suède qui gère ces prix Nobel n’a jamais dérogé à cette règle testamentaire. 
A partir de ce testament qui ne parle pas des maths comme d’une discipline noble, la  spéculation est allée bon train. Beaucoup d’hypothèse ont été formulées (normal pour des matheux), mais aucune n’a apporté de réelles certitudes. 
La première hypothèse est plus people, c’est une rumeur colportée par les milieux protestants suédois et relayées par les envieux jaloux. Alfred Nobel a oublié volontairement les mathématiques parce que sa femme le trompait avec un grand chercheur en maths. Il s’agirait de Goasta Mittag-leffler. Et Alfred Nobel ne voulait pas que l’académie qui décernerait les prix en vienne à lui donner, parce que ses travaux étaient tellement importants qu’il aurait pu être un des premiers à le recevoir. Pour lui, cette idée de donner le prix Nobel à l’amant de sa femme était insupportable.
Alors cette rumeur se nourrit de la haine qu’avait Nobel contre ce chercheur. Il le détestait. Ok ... sauf que les deux hommes ne se sont pas beaucoup fréquentés parce que Nobel a quitté la Suède très tôt pour l’Angleterre et les Etats-Unis, alors que Mittal-leffer est resté fidèle à la Suède. 
Autre problème pour le crédit de cette rumeur, Nobel n’était pas marié. C'est embêtant ! Donc pour les pasteurs protestants, il ne pouvait pas être trompé. Statutairement, sauf que si Nobel ne s’est pas marié, il a été fiancé à la même femme dont on dit qu’il pensait qu’elle lui était infidèle. 
Cela dit pour la bonne société protestante de l’époque, est ce qu’un couple non marié peut se rendre coupable d’infidélité ? Non puisqu‘ils ne se sont jamais donné serment devant Dieu par la célébration du mariage. On imagine les magazines de l’époque, l’équivalent de Closer ou de Voici. Toujours est-il que la femme (ou la compagne de Nobel) a toujours nié avoir eu des aventures. Donc si elle a nié !
La deuxième hypothèse est très technique. Nobel aurait fait deux testaments. Un premier très détaillé qui oublie les mathématiques, et un second très général, antérieur, qui stipulait seulement que l‘Académie royale de Suède aurait pour mission de décerner des prix à des personnes remarquables pour le bien qu’ils auraient fait. Ce deuxième testament aurait été perdu. On s’est donc basé sur le premier. 
La troisième hypothèse est sans doute la plus crédible. Alfred Nobel n‘aimait pas les mathématiques, il le disait, il ne comprenait pas les maths, il n’en faisait pas et surtout il ne croyait pas que les maths fussent utiles. C’est la raison pour laquelle il ne fréquentait pas les mathématiciens. Les médecins, les physiciens ; les chimistes, oui il les adorait et les protégeait, mais les mathématiciens avec leurs formules, leurs abstractions, leurs symboles, il détestait. Pourquoi les maths, pourquoi faire sinon à embêter les étudiants en leur déformant l‘esprit ? Donc, au mieux il a complètement oublié la mathématique comme discipline sérieuse, ou alors il l’a volontairement exclu de ses écrans radars pour cause de pollution intellectuelle. C’est en tout cas l’hypothèse la plus vraisemblable.
A noter qu’Alfred Nobel a aussi oublié de créer un prix Nobel d’économie. Le prix Nobel que l’on décerne aujourd’hui en économie n’est donc pas un vrai Nobel. Ce nouveau prix a été créé et financé par la Banque royale de Suède en 1968 pour célébrer le tricentenaire de la naissance de Nobel et s’appelle officiellement le « prix de la Banque de Suède en science économique en mémoire d’Alfred Nobel ». Mais tout le monde simplifie en parlant de prix Nobel. D’ailleurs, son attribution suit les mêmes règles et le même cahier des charges que les autres prix de l’Académie royale. Les mathématiques, discipline très présente en économie, tiennent alors leur revanche.

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