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Mayenne : pourquoi la joggeuse a-t-elle menti ?
©JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Explications d'un ex-négociateur du GIGN

C’est le 12 novembre 2021, quatre jours après avoir été retrouvée apparemment choquée dans un kebab de Sablé sur Sarthe, que la joggeuse avoue avoir menti, face à l’entêtement des enquêteurs de la gendarmerie, butant contre des incohérences manifestes.

Bernard Meunier

Bernard Meunier est psychanalyste. Il a été le négociateur du GIGN pendant 10 années durant lesquelles il est intervenu sur de multiples prises d’otage, dont des détournements d’avion. Il a publié : La négociation est une arme (Ed. Jean-Marie Laffont) en 2021 et Passage à l’acte (Ed. Kiwi) en 2020.  

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La France entière est restée suspendue à l’actualité, en attente des nouvelles de l’adolescente de 17 ans appelée encore la joggeuse, qui se serait faite enlevée le 7 novembre durant plus de 24 heures et qui est réapparue à quelques kilomètres du point de disparition. C’est le 12 novembre 2021, quatre jours après avoir été retrouvée apparemment choquée dans un kebab de Sablé sur Sarthe, qu’elle avoue avoir menti, face à l’entêtement des enquêteurs de la gendarmerie, butant contre des incohérences manifestes.   

 «Selon elle, les blessures sont d'origine accidentelle. Elle aurait notamment découpé son tee-shirt avec une paire de ciseaux», annonce le parquet. La jeune femme serait «désolée d'avoir causé une mobilisation importante».

Mais pourquoi ?

Connaître l’adolescente dans son entièreté, c'est-à-dire son histoire, de sa plus petite enfance à nos jours, mais également connaître le mode de fonctionnement de son environnement familial, permettrait d’intégrer cette affaire dans une psychodynamique. C’est elle qui doit être étudiée pour comprendre ce qui l’a animé à raconter cette histoire, dont les circonstances ne sont fort heureusement pas dramatiques puisque son intégrité physique  n’a pas été mise en danger. Il est vrai que des centaines de militaires de la gendarmerie l’ont cherché durant de longues heures, et qu’une équipe de trente enquêteurs a été mise sur pied pour élucider ce « pseudo » enlèvement. Ce qui l’amènera peut-être de devoir répondre devant la justice.

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On  notera dans ces types de situations, une tendance narcissique. On peut penser que l’histoire inventée lui a permis de faire parler d’elle, de montrer qu’elle existait. Reste à savoir aux yeux de qui. Ses amis ? Son petit ami ? Sa famille ? Encore une fois c’est dans son histoire que la réponse réside. Que lui est-il arrivé auparavant et sur quel événement elle n’a pu être comprise ou encore crue, pour en avoir été blessée à ce point. Elle a certainement le sentiment que son Moi n’est rien, ou encore qu’il est trop éloigné de son Idéal. La construction, l’invention d’une nouvelle histoire lui aurait permis enfin, de voir des regards se tourner vers elle. Nous sommes là, plongés dans une recherche identitaire, une quête d’individuation. Alors certes c’est une adolescente encore investie dans cette quête d’identité, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ces affaires et notamment les fugues, sont plus fréquentes à ce jeune âge de la vie. 

Mais l’élaboration de son Moi, ne peut se faire dans la liberté d’inventer. Les pressions de l’environnement (la société), renvoie rapidement au principe de réalité, c'est-à-dire la prise en compte du monde réel. La vérité apparaît à plus ou moins court terme. On voit là un combat entre ce que cette jeune est, et ce qu’elle veut être, et a voulu donner de la densité et de la contenance à sa vie. 

Et dans le temps ?

Neyraut avait mis en exergue la plasticité de l’histoire inventée, et la rigidité avec laquelle cette fable est poursuivie, ressemblant plus à la panique. 

Si la jeune fille y a cru, se présentant en état de choc dans ce fast-food et poussant le gérant à téléphoner aux secours, au fil du temps, l’autre moitié y croyait de moins en moins. 

Peut-être a-t-elle eu toujours conscience de mentir ? On parle dans ce cas, de clivage entre son Moi et son Moi Idéal, ce qu’elle aurait voulu vivre. Elle a tenté de s’accrocher à son mensonge … elle a fait style, diront ses camarades adolescents, mais n’a pu tenir sur la durée. Elle a dû avouer, car elle n’était pas folle.

A son entourage d’entendre désormais ce cri, d’alarme peut-être, cet ultime appel au secours … 

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