Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon: pourquoi l'une séduit quand l'autre patine dans les sondages ?

Atlantico.fr : Dimanche, Jean-Luc Mélenchon est parvenu à faire descendre dans la rue des dizaines de milliers de personnes contre l'austérité et pour une VIe République, pour autant il ne perce pas dans les sondages. De son côté, Marine Le Pen n’a pas mobilisé les foules lors du 1 mai, 5 000 à 15 000 personnes mais opère une percée historique dans les sondages à 23% d’intention de vote d'un éventuel 1er tour faisant ainsi jeu égal avec François Hollande. Comment expliquer ce paradoxe ?

Jérôme Saint-Marie : La différence de mobilisation tient déjà au fait que Jean-Luc Mélenchon peut s’appuyer sur un appareil, une logistique, qui sont ceux du PCF, ce qui n’est pas le cas pour le Front National. Par ailleurs, derrière Jean-Luc Mélenchon et le Front de Gauche se regroupe le « peuple de Gauche » qui a une habitude manifestante, une culture de l'usure du pavé que l’on ne retrouve pas forcément chez tous les militants et les sympatisants du Front national. 

Les deux leaders se distinguent par un style dit « populiste » et visent un même électorat populaire. Comment expliquer que Marine Le Pen capte mieux cet électorat ? Quelle est alors la sociologie de celui de Jean-Luc Mélenchon ?

Je ne suis pas sûr que le terme « populiste », dont le PS et l'UMP qualifient ces deux formations, ait vraiment du sens, il masque d’avantage les différences idéologiques plutôt qu'il n'éclaircit ne les éclaircit. C’est un mot qui a trop servit pour être utile aujourd’hui. Ces deux partis se rejoignent sur certains thèmes, mais avec des valeurs et une sociologie très différentes. En réalité, les deux électorats sont très différents. On observe une plus grande représentation du FN que du Front de Gauche dans l’électorat populaire. Le Front de Gauche comprend de nombreux petits fonctionnaires, et plus généralement des membres des classes moyennes modestes. Jean-Luc Mélenchon s’adresse de plus en plus à l’ensemble des  classes moyennes salariées, urbanisées et diplômées

A l’inverse de celui de Marine Le Pen, le discours de Jean-Luc Mélenchon sur l’immigration le rend largement inaudible dans certaines catégories populaires. Plus fondamentalement, le Front de Gauche est  aussi victime de la crise de la social-démocratie dont Jean-Luc Mélenchon est issu. Il se positionne sur un projet redistributif en panne de crédibilité. Par contraste, le programme que l’on pourrait qualifier « d’égoïsme national » du FN est facilement compréhensible et promet des effets immédiats.

Sur quelles thématiques Marine Le Pen fait-elle la différence et comment Jean-Luc Mélenchon pourrait-il rattraper sa rivale ? 

Nous sommes dans une situation inédite, compte tenu de la nature de la crise actuelle. Nous savons cependant que la compétition entre le Front de Gauche et le Front national est indirecte : les deux électorats se chevauchent peu. Le Front de gauche est d’abord en compétition avec le PS, tout comme  le Front national l’est avec l’UMP. Dans les deux cas, le champ de bataille n’est plus celui des catégories populaires mais celui des classes moyennes menacées de paupérisation, et que "les deux Fronts" espèrent détacher des deux grands partis qui alternent à la tête de l’Etat.