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Mariage homo : les politiques le plébiscitent pour son image moderne, mais il n’y a aucune demande sociale préalable
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Cool Obama !

Dominique Bertinotti, la nouvelle ministre de la famille du gouvernement Ayrault a annoncé dès son 1er jour que le mariage gay serait mis à l'étude dès l'automne, le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, ouvertement homosexuel, a estimé que la déclaration du président américain Barack Obama en faveur du mariage de deux personnes de même sexe constituait un "pas courageux"... Est-ce si sûr ?

François Devoucoux du Buysson

François Devoucoux du Buysson

François Devoucoux du Buysson est essayiste. 

Il est diplômé de l'Institut d'études politiques de Grenoble et de l'Université de Paris-Dauphine.

Après avoir été trésorier de la Fondation du 2 mars (ex-Fondation Marc Bloch) et administrateur de Génération République, il a participé en 2003 à la fondation de l’Observatoire du communautarisme.

Il a notamment écrit Les Khmers Roses (Editions Blanches, 2003)

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Atlantico : Les associations LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transgenres) ont salué ce jeudi la position du président Barack Obama, qui s'est déclaré en faveur du mariage homosexuel, alors que ses opposants promettaient que cette question de société serait un enjeu "déterminant" de la présidentielle américaine en novembre. Que pensez-vous de la prise de position du candidat démocrate et du mariage homosexuel en général ?

François Devoucoux du Buysson: Il est ridicule de présenter cela comme une décision historique en disant que Barack Obama est le premier président à prendre position sur le sujet alors qu'il date de 2003 aux Etats-Unis. Cela fait de lui le premier... après George Bush (qui était farouchement contre, ndlr). Le premier sur deux ! Cela relativise la portée « historique ».

D’autant que ce sujet n’est venu à la portée du politique que depuis moins d’une décennie. D’ailleurs, dans mon livre de 2003 (Les Khmers roses), je ne parlais pas du tout du mariage car le débat était encore totalement inexistant. Il n’a été lancé que parce qu’il y a eu une vague de mariages approuvés par la mairie de San Francisco et la polémique autour du droit du maire de San Francisco d’agir de la sorte. Le débat en France fut une importation assez artificielle de ce débat-là. Quand on regarde les argumentaires des associations, à la fin des années 1990 jusqu’aux années 2000, le sujet était inexistant.

La politique fait-elle évoluer la société ou les évolutions sociales font-elles évoluer les politiques ?

Ni l’un ni l’autre ! Il n’y a pas une demande sociale à l’origine de cette affaire. Tout comme il n’y pas non plus d’engagement politique de qui que ce soit car les politiques sont totalement à la remorque des revendications associatives et communautaires qui sont devenues le véritable aiguillon. Puis les médias ont embrayé à partir de ces initiatives associatives et communautaires. Partant, l’opinion a suivi, sans qu’il y ait donc une véritable demande sociale comme préalable ou comme moteur. C’est un ressort militant.

Cette mesure est défendue comme « allant dans le sens de l’histoire »…

Il faut à la fois relativiser la mesure et bien voir où se situe l’enjeu. Et on peut relativiser en France car Nicolas Sarkozy a désiré que le Pacs devienne aussi avantageux que le mariage sur le plan fiscal. Alors qu'initialement, Lionel Jospin avait proposé au départ une carence de trois ans avant que la déclaration commune de revenus… C'est la preuve que Nicolas Sarkozy n’était pas moins sensible aux arguments des associations que les socialistes. C’était l’époque où il prenait des positions à rebours comme, par exemple, le droit de vote des étrangers. Il clamait alors qu’il était « libre ».

Le plus remarquable c’est que Lionel Jospin, considéré comme un sage, était à l’époque sorti de son silence après son retrait de la vie politique, pour dire son hostilité au mariage entre personnes du même sexe et il rappelait qu’il avait justement créé le Pacs pour répondre à ce besoin. Lionel Jospin avait alors porté une décision équilibrée et valable en reconnaissant l’évolution de la société sans dévoyer une institution importante.

Il existerait donc des positions intangibles ou faut-il suivre le sens de l’histoire ?

Il reste à démontrer avant tout qu’il y a une vraie demande sociale... Le problème se pose en termes différents : pour les couples homos, on voit poindre le problème de l’adoption qui n’est pas porté dans les mêmes termes.

Ce qui, hélas, importe les politiques dans ce cas est de se donner une image de modernité à peu de frais. En effet, depuis le Pacs, et son aménagement par Nicolas Sarkozy, le mariage homosexuel ne coûtera rien à l’état. C’est d’ailleurs son intérêt majeur !

Il reste un intérêt symbolique non négligeable qui pose la question du sens de nos institutions. Et de savoir si l’on doit les escamoter alors qu’elles ont fait leurs preuves. Enfin, c’est un paradoxe d'exiger la reconnaissance du mariage, à l’heure où tout le monde veut s’affranchir du mariage – y compris François Hollande – et que la modernité était de « s’extraire » du mariage tant décrié...

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