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Margaret Thatcher : comment la religion a forgé la personnalité et la carrière de la Dame de fer
©JOHNNY EGGITT / AFP

Bonnes feuilles

Christine Goguet publie Les grands hommes et Dieu aux éditions du Rocher. Décrypter la part de Dieu, cette partie secrète de chacun permet de côtoyer à coup sûr l'intimité et de révéler la face cachée de l'homme. Christine Goguet dévoile sous un jour nouveau douze grands hommes. Extrait 2/2.

Christine Goguet

Christine Goguet

Christine Goguet est journaliste et écrivain. Après avoir été directrice de Presse et chroniqueuse pour la télévision, elle est actuellement directrice de la mission Mécénat et Partenariats du Centre des Monuments Nationaux.

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Lorsqu’elle poursuit plus tard ses études de droit et de chimie à Oxford, elle est toujours très pieuse et participe aux études bibliques des étudiants. « La religion, se souviendra-t-elle, était importante dans ma vie. » Elle pourfend le socialisme, s’investit dans l’association conservatrice de l’université d’Oxford (OUCA) dont elle prend la présidence. Déjà connue pour son engagement à droite, elle se dirige vers la jeunesse du Tory Party, l’ancien parti conservateur. Son zèle religieux va rapidement se transformer en zèle politique. 

Elle est élue députée en 1959. À la tête du parti conservateur en 1975, elle a la volonté de réconcilier les anglicans et les protestants avec les valeurs capitalistes et surtout de décrédibiliser le communisme et le socialisme. « Ne soyez pas tentés d’identifier la vertu avec le collectivisme », assène-t-elle à l’église Saint-Laurent, en 1978. 

Quatre ans plus tard, elle devient la première femme Premier Ministre du Royaume-Uni. « En politique si vous voulez des discours demandez à un homme, si vous voulez des actes demandez à une femme », déclare-t-elle en 1965. 

Margaret est en quelque sorte le fils qu’Alf n’a pas eu. Elle a été elle-même un prédicateur laïc avant de monter sur la scène publique. Fille de pasteur elle est, pasteur elle deviendra. Avant de prêcher à sa manière sur la scène publique, l’étudiante d’Oxford recommandait : « Cherchez d’abord le royaume de Dieu. » 

À son entrée en fonction comme Premier Ministre elle confie en hommage : « Je dois presque tout à mon père. » Elle reconnaît son influence sur sa propre vision de la vie : « Les enfants apprennent beaucoup plus de leurs parents que de toutes les autres expériences de la vie. » 

Nourrie à la source du méthodisme, elle sera une ambassadrice toute sa vie des préceptes chrétiens. « Je repense aux discussions de mon enfance, déclare-t-elle bien des années plus tard, en 1988, dans son discours à l’assemblée générale de l’Église d’Écosse, lorsque nous étions tous d’accord que si l’on tente de prendre les fruits du christianisme sans ses racines, ceux-ci se flétriront. » 

Conservatrice, donc, traditionnelle sur le plan social, ultralibérale sur le plan économique, elle a toujours cultivé une pensée et une conduite religieuses et ses convictions politiques résultent directement de sa foi. Le thatchérisme est en ce sens directement issu du méthodisme. 

« Margaret Thatcher était libérale mais aussi habitée par une profonde spiritualité, une foi biblique qui l’a inspirée », analyse le professeur Samuele Furfari. 

« Je vous parle de la manière dont je vois les choses, non seulement comme femme politique, mais avant tout comme chrétienne », revendiquera-t-elle devant l’Église d’Écosse. Elle affirme sa connaissance parfaite de la Bible : « Premièrement au commencement, l’homme a été créé par Dieu avec le droit fondamental de choisir entre le bien et le mal. Deuxièmement, nous avons été créés à l’image de Dieu et par conséquent nous devons utiliser toutes nos forces pour exercer intelligemment ce choix. […] Troisièmement, notre seigneur Jésus Christ, le fils de Dieu, quand il a été confronté au choix crucial et à sa veille solitaire au Golgotha, a librement choisi de se livrer […]. » 

Dans sa vie privée également, le christianisme a joué un rôle prédominant. 

Elle rencontre le millionnaire Denis Thatcher avec lequel elle va faire et finir sa vie. Elle décrit dans son autobiographie ce moment essentiel de son existence : « Quand Denis m’a demandé de devenir sa femme, j’ai réfléchi longuement et sérieusement à cette demande, j’avais tant de choses à porter sur le plan politique que je n’avais pas pensé me marier. […] Mais plus je pensais, plus j’étais sûre de moi. Quarante ans plus tard je sais que ma décision était la bonne. » 

Bien que Denis Thatcher soit divorcé, l’Église méthodiste indulgente finit par l’autoriser à ce nouveau mariage. La cérémonie sera bénie en 1951 à la chapelle de Wesley, à Londres par les révérends Spivey et Reuben F. Skinner, un ami de la famille originaire de Finkin Street. Les mariés se dirigent vers l’autel accompagnés de l’hymne Guide-nous Père divin, Guide-nous et Water music de Händel, très prisé par l’ancien chef du gouvernement. Après cet événement majeur, Margaret Thatcher rejoint le courant anglican, délaissant le méthodisme. 

Selon elle, le christianisme fait partie intégrante de la culture britannique. « La religion chrétienne qui naturellement inclut les grandes vérités spirituelles et morales du judaïsme est une part essentielle de notre héritage national », affirme-t-elle. Avec un discours d’ouverture et de tolérance sur les autres religions, « bienvenues à condition de respecter l’essence de notre propre identité ». Et elle expliquait : « Nous sommes une nation dont les idéaux sont fondés sur la Bible. Il est tout à fait impossible de comprendre notre histoire ou la littérature sans saisir ce fait. Très concrètement, il faut veiller à ce que les enfants en classe reçoivent une formation adéquate de la tradition judéo-chrétienne qui a forgé nos lois, nos mœurs et nos institutions. Comment pouvons-nous donner un sens à Shakespeare sans une telle connaissance fondamentale ? » 

Son action politique trouve ses racines dans « la parabole des talents ». L’économie, loin d’être stigmatisée, doit être à l’honneur d’une vie, car un homme digne de ce nom et doté de dons par Dieu ne doit pas les laisser dépérir et se doit de les utiliser à bon escient, selon ses possibilités.

Elle a adopté le credo de saint Paul : « Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus13. » Pour Margaret Thatcher, l’argent n’est pas blâmable. « Ce n’est pas la création de la richesse qui est mauvaise, mais l’amour de l’argent pour lui-même, affirmait-elle. La dimension spirituelle vient du choix que l’on fait de ses biens. Comment pourrions-nous répondre aux nombreux appels à l’aide des nécessiteux, ou investir dans des projets d’avenir, ou soutenir des artistes merveilleux ou des artisans de talent dont les œuvres sont à la gloire de Dieu si auparavant nous n’avons pas travaillé dur et utilisé nos talents pour créer la richesse nécessaire ? » 

Elle aimait à prendre pour exemple le bon Samaritain : « Personne ne se souviendrait de lui s’il avait eu de bonnes intentions, mais la bourse vide. » Le thatchérisme issu du méthodisme est résumé dans l’un de ses discours : « L’économie est une méthode, la manière de faire évoluer l’âme. » La manière pour « la Dame de fer » – son surnom Iron Lady lui a été donné par les Russes – de transformer les valeurs de la société anglaise à travers le marché libre. Très décriée sur le plan social, Thatcher prêche cependant la responsabilité personnelle à propos de la solidarité. Cette responsabilité ne doit pas être déléguée à l’État. Elle cite volontiers l’Évangile : « Tu ouvriras ta main à ton frère, au pauvre et à l’indigent dans ton pays. » Dans l’esprit de Margaret Thatcher, cette aide à autrui est indissociable du devoir de l’individu et non soumise à l’État. Il faut dire que le méthodisme, c’est le rejet de la prédestination, l’avènement du libre arbitre et de la grâce de Dieu. 

Thatcher possède des convictions très fermes sur Dieu et la morale. Ambassadeur du capitalisme au service d’une éthique protestante, elle est laïque dans sa gouvernance et critique même les Églises qui se mêlent de politique alors que ce n’est pas leur rôle. L’Église établie d’Angleterre rejette par ailleurs vivement « l’Évangile du thatchérisme ». 

Le chef du gouvernement britannique est très critiqué ainsi que son action, lors de la grève des mineurs de la guerre des Falklands, et de son opposition à une certaine Europe – l’Europe devant être un outil de libre-échange et en aucun cas un super État.

Extrait du livre de Christine Goguet, "Les grands hommes et Dieu", publié aux éditions du Rocher

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