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Manque de place, décomposition des corps, désintérêt des familles… Où en sont les cimetières français ?
©Reuters

Toussaint

En France, la gestion des cimetières dépend des mairies, qui font souvent usage de logiciels spécifiques pour en assurer le suivi.

Franck  Lehuédé

Franck Lehuédé

Franck Lehuédé est chef de projet senior au sein du département Consommation du CREDOC (Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de Vie).

Economiste, il analyse les comportements de consommation en France.

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Claire Sarazin

Claire Sarazin

Claire Sarazin est une thanatopracteur indépendante, chef d’entreprise, responsable du cursus Thanatopraxie au sein de l’Institut Français de Formation des Professions du Funéraire (IFFPF), formatrice, contributrice au magazine Résonance et conseillère Thanatopraxie à Funéraire Info.

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Richard Feret

Richard Feret

Richard Feret est directeur général délégué de la confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie (CPFM).

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Atlantico : le dimanche 1er novembre marque la Fête catholique de la Toussaint pendant laquelle les croyants ont coutume d'aller prier en mémoire de leurs morts et fleurir les cimetières. Mais les mairies, chargées d'entretenir ces cimetières et de garantir une place pour chaque nouveau défunt, ont parfois du mal à répondre aux besoins. Où en est-on de la gestion des cimetières français? Où manque-t-on le plus de place ?

Richard Feret: Plus que manquer de place, c'est surtout le mode de gestion des cimetières qui pose problème car leur utilisation est est différents de ce qu'il se passait il y a 20 ou 30 ans. Auparavant, lorsqu'un cimetière de ville était plein, la mairie en ouvrait un nouveau en périphérie de la ville. Aujourd'hui, l'emprise foncière et le coût rend difficile l'ouverture de nouveaux cimetières. Les municipalités se sont donc mises à effectuer des rotations de concessions, et ce depuis une dizaine d'années. Après, il est certain que plus une ville est petite, moins il y a de problème à ce niveau-là.

Qu'en est-il de l'intérêt des Français pour la visite des sépultures pendant la Toussaint ?

Franck Lehuédé : En termes de fréquentation des cimetières à la Toussaint, il y a aujourd'hui environ 55% des plus de 40 ans qui nous disent qu'ils iront au moins de temps en temps au cimetière ce jour-là, ces derniers étant composés de 39% qui déclarent y aller systématiquement, et 16% un peu moins souvent. Cette fréquentation a donc tendance à diminuer puisque en 2007, ce chiffre était à 61%. L'érosion touche particulièrement ceux qui y vont systématiquement. Qu'est-ce qui l'explique ? Les modes de vie principalement, car les distances sont parfois trop importantes entre le cimetière où sont enterrés les défunts et ceux qui ont pour projet de les visiter. Il y a d'autres éléments conjoncturels aussi. Par exemple, cette année, la Toussaint tombe sur un dimanche, ce qui peut compliquer les retours et le lendemain il y a école. Le deuxième élément, c'est le fait qu'il peut être reproché un caractère commercial -achat de fleurs etc- à ce rendez-vous. 55% des gens qui pourraient matériellement se déplacer disent qu'ils n'y vont pas à cause de cette dimension commerciale.

Ils expriment par ailleurs le fait qu'ils peuvent se rappeler de leurs proches à d'autres moments. Ce dernier élément est intéressant, et nous amène à un autre clivage entre ceux qui sont croyants, catholiques, pour lesquels le cimetière est un moment où par tradition on honore ses morts. Cette population se déplacera quoiqu'il arrive, apportera des fleurs, et entretiendra la tombe. De l'autre côté se trouvent les athée pour qui la Toussaint ou le cimetière ne sont pas indispensables pour se remémorer les membres de sa famille ou les amis décédés. La religion étant en perte de vitesse dans le pays, la Toussaint est dans le même temps moins pratiquée et une dissociation s'opère entre honorer ses morts et aller au cimetière. 

Une autre dimension joue aussi, c'est le fait que la pratique de la crémation se développe dans la population française. Un tiers des décès aujourd'hui donnent lieu à des crémations, ce qui constitue une hausse. Et quand on pose la question aux plus de 40 ans, 55% d'entre-eux choisissent la crémation, contre 34% pour une inhumation. Derrière, il y a aussi l'idée de ne pas imposer à ses proches l'entretien d'un monument funéraire. Baisse de la religion catholique et développement de la crémation participent à cette baisse de la fréquentation.

La décomposition des corps est aujourd'hui plus longue selon certains thanatopracteurs. Sait-on pourquoi ?

Claire Sarazin : Il y a plusieurs causes possibles. L’obésité, due aux changements d’habitudes alimentaires peut en être une. La pratique des soins de conservation employant le formaldéhyde également, mais les conséquences de la démocratisation de la Thanatopraxie -surevenue en France il y a 15 ans- ne seront vraiment visibles que dans quelques décennies. Il est à noter que la nature du sol joue également un rôle dans la conservation des corps, mais sous nos latitudes il y a assez peu de cas de momification naturelle.

Richard Feret A ma connaissance il n'y a pas eu d'étude qui démontre de manière scientifique ce fait. L'acidité des sols, les liquides de conservation des corps ont été évoqués, mais il n'y a pas de preuve scientifique.

Que peuvent faire les collectivités territoriales pour mieux gérer les sépultures ?

Richard Feret Elles font un constat de l'état des sépultures dans les cimetières. La procédure de reprise administrative est très encadrée par la loi et cela prend généralement 3 ans, jusqu'à 4, avant que la sépulture soit reprise et transformée.

Il existe des logiciels de gestion des cimetières, plus la mairie est importante, plus elle aura informatisé cette gestion. Mais une grande ville gère souvent plusieurs dizaines de milliers de sépultures et elles n'enregistrent que les  nouveaux défunts. Cela manque d'exhaustivité. Une démarche de recensement exhaustive des tombes est coûteuse pour une mairie.

Cette gestion peut faire l'objet d'une délégation de service public (DSP), est-ce courant ? Quelles conséquences sur le coût pour les familles?

Richard Feret Les mairies n'ont que rarement franchi ce pas. Le cas du cimetière d'Issy-les-moulineaux est une exception. La DSP en matière de gestion des cimetières reste un épiphénomène. En revanche, les collectivités délèguent parfois à des acteurs privés le gardiennage voir l'entretien des cimetières.

Propos receuillis par Adeline Raynal

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