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Mais qui contrôle vraiment la sécurité de nos installations nucléaires alors que Greenpeace dénonce un déficit historique de protection de nos centrales ?
©Reuters

Nucléaire

L'ONG Greenpeace a publié un extrait seulement d'un rapport concernant la sécurité des réacteurs nucléaires et des piscines d'entreposage du combustible dont le constat est plus qu'alarmant, surtout pour la sécurité des piscines de stockage.

Jean-Claude Delalonde

Jean-Claude Delalonde

Jean-Claude Delalonde est le président de l'ANCCLI (Association nationale des comités et commissions locales d'information). L'ANCCLI est une association regroupantles Commissions Locales d'Information auprès des installations nucléaires. L'ANCCLI est sollicitée par l'ASN en tant qu'organisme représentatif de la population civile.

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Atlantico : Que penser de ce rapport, peut-on s'y fier et le cas échéant, comment expliquer la situation et que faire pour y remédier ?

Jean-Claude Delalonde : Les piscines sont protégées mais avec une enceinte de confinement qui n'a rien à voir effectivement avec celle des réacteurs qui ont été étudiées et renforcées au cours des décennies en fonction du danger que représentent les réacteurs.

Concernant les piscines, elles se sont remplies au fil des décennies. Les lieux de stockage des déchets étant arrivés à saturation, les piscines se sont rempli de facto ce qui peut donc poser un problème. Puisque les enceintes sont moins résistantes, aujourd'hui la question de la sécurité est d'autant plus à poser avec la période d'actes terroristes que nous connaissons aujourd'hui sur notre sol, ce qui n'était pas le cas il y a 40 ou 30 ans et n'était pas une préoccupation. 

La société civile et nous-mêmes nous inquiétons maintenant à la fois de la saturation des enceintes de confinement mais aussi du risque terroriste.

Greenpeace va plus loin en disant qu'en cas d'attentat, des gens peuvent atteindre plus facilement les piscines des combustibles qui sont tout aussi dangereuses dans les suites que pourraient avoir un attentat que le cœur du réacteur lui-même. Si le refroidissement ne se fait plus, si les piscines ne permettent plus ce refroidissement il y aurait des rejets radioactifs qui seraient tout aussi conséquents que dans le cas d'une attaque du réacteur. 

Le problème c'est qu'on est encore dans le cadre du secret et dès que l'on pose une question en matière de nucléaire, les services de la sécurité publique, donc le ministère de l'Intérieur avec EDF et l'ASN, disent : "circulez, il n'y a rien à voir". 

Toujours selon le rapport de Greenpeace, malgré les rapports détaillants les failles des centrales nucléaire en terme de sécurité (chute d'un avion de ligne, attaque de drones…) EDF n'a "pas procédé aux renforcements nécessaires" et pointe du doigt le silence de l'entreprise ainsi que des autorités. Comment expliquer le cas échéant ce comportement ?

Je n'ai pas d'informations particulières qui me permettent de dire qu'il n'y a pas eu de renforcement. Dans toutes les centrales que l'on a sur le territoire, on dépense beaucoup d'argent pour faire vieillir ses centrales, soit les mettre aux normes conformément aux exigences de l'ASN que ce soit pour les réacteurs, les piscines, les groupes Diesel qui permettent d'assurer la maintenance en cas de coupure électrique…  Je pense, qu'il y a quand même des protections qui existent. Le ministère de la Défense et de l'Intérieur a déployé autour de chaque centrale des organisations humaines et techniques pour assurer la sécurité et éviter des actes terroristes importants mais on peut certainement aller plus loin. Quand Greenpeace a réussi à grimper sur les toits cela nous fait questionner la sécurité effective des centrales. 

S'il faut revoir la sécurité des piscines et des centrales nucléaires, en prenant l'exemple de l'EPR de Flamanville, on peut dire que c'est une affaire d'années. Il faut agir donc de façon urgente pour que les éléments de défense en profondeur qui pourraient être touchées le soient moins. C'est du rôle de l'ASN avec l'IRSN de dire "nous exigeons cela" et à l'exploitant de le faire  sans rechigner car la sécurité et la sureté nucléaire ne se négocie pas. Et les élus au niveau national qu'ils soient gouvernementaux ou institutionnels seraient coupables et responsables de ne rien faire.

Mais nous, la société civile, on veut savoir si les investissements sont suffisants. Pour cela il faut des expertises indépendantes, que les élus locaux soient informés. On ne peut pas se contenter des rapports d'EDF.  Les précédents incidents montrent que la confiance est aujourd'hui limitée et que les rapports comme celui de Greenpeace arrivent au bon moment et permettent aux élus locaux de poser des questions qui fâchent peut-être mais d'avoir des réponses qui nous permettent d'être un relai d'information par rapport à la population qui va exiger de nous que tout se passe bien.

Les élus qu'ils soient locaux ou nationaux seraient considérés comme responsables ou coupables si on ne dénonçait pas les éventuels manques et si on n'exigeait pas que les autorités nationales fassent tout pour que la sureté et la sécurité nucléaire soit présente. Peut-être que ce rapport exagère le trait, l'avenir le dira, mais on ne peut pas rester comme on l'était il y a 40 ans dans la période du secret absolu.  EDF a quand même changé son fusil d'épaule comme le ministère de l'Intérieur avec l'affaire des drones (rapport de 2014 de John Large).  Depuis on sent qu'il y a un peu plus de transparence mais on dit à l'ANCCLI qu'elle est toujours insuffisante.

Maintenant est-ce qu'on peut tout faire par un claquement de doigt? Sûrement pas. Est-ce que le danger est extrême ? Je ne le sais pas. Mais peut-être qu'il faut souvent dans ce pays exagérer le trait pour  faire en sorte que les choses bougent.

Greenpeace a fait le choix de ne pas rendre le rapport public en raison des informations sensibles qu'il contient et évidemment que le silence est nécessaire dans une certaine mesure mais dénonce l'omerta de EDF et des pouvoirs publics. Comment interpréter ce silence ?

D'abord Greenpeace a eu la réaction adéquate en ne rendant pas le rapport public, cela ne veut pas dire qu'il faut maintenant arrêter d'en parler.  Le HCTISN (Haut Comité pour la Transparence et l'Information sur la Sécurité Nucléaire) dont je fais partie peut se saisir de questions comme celle-ci. Il peut être saisi par le gouvernement, par le ministre Hulot ou l'office parlementaire de ce problème et sans que cette dernière instance n'ai connaissance  de l'intégralité du rapport qu'il en soit débattu. Où l'on se retrouve avec les syndicats des exploitants, avec l'IRSN, l'ASN, les parlementaires les représentants de la société civile et les exploitants. Il suffit, que le gouvernement ou les parlementaires saisissent le Haut Comité pour que l'on puisse avoir un minimum d'information tout en respectant les questions de sécurité industrielle et de sécurité défense. C'est évidemment une nécessité.

L'omerta, même si elle est tentante pour certains, n'a pas lieu d'être, nous avons des organisations nationales qui permettent de faire en sorte qu'elle n'existe pas. Encore faut-il les actionner.

Vous imaginez les élus de communes qui habitent dans un rayon de 10 à 20 km autour des centrales et qui apprennent la situation avec ce rapport de l'ONG? Ils ont quand même le droit d'avoir un minimum de retours, d'explications et d'assurances. Qui va la donner ?  EDF de lui-même ne donnera des retours qu'avec parcimonie mais nos élus nationaux ont l'obligation d'étudier le dossier et réunir les instances nationales qui existent. 

La généralisation du secret constitue un piège redoutable et il faut que l'on y soit attentif. Il est indispensable que les principes démocratiques en matière de sécurité publique restent vainqueurs.

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