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Mais puisque les sondages et toute la gauche vous répètent qu’il est fini… François Hollande saura-t-il encore une fois faire mentir ceux qui n’ont cessé de penser qu’il était un gros nul ?
©Reuters / Pool New

Insubmersible

Souvent critiqué tout au long de sa carrière politique, que ce soit à l'Elysée ou dans les arcanes de la rue de Solférino, François Hollande n'en demeure pas moins un redoutable tacticien loin d'être maladroit lorsqu'il s'agit d'arriver à ses fins.

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Maud Guillaumin

Maud Guillaumin

Journaliste à Europe 1, BFM, ITélé, Maud Guillaumin suit pour le service politique de France-Soir la campagne présidentielle de 2007. Chroniqueuse politique sur France 5 dans l’émission Revu et Corrigé de Paul Amar, puis présentatrice du JT sur LCP, elle réalise également des documentaires : « Les Docs du Dimanche », « Les hommes de l’Élysée » sur les grands conseillers de la Ve République et « C’était la Génération Mitterrand » transposé de son livre Les Enfants de Mitterrand (Editions Denoël, janvier 2010). Elle écrit également dans la revue littéraire Schnock. Elle est l'auteur de "Le Vicomte" aux éditions du Moment (2015).

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Atlantico : Tout le monde pense que François Hollande est nul. D'où vient cette légende ? Est-ce si vrai que cela ?

Christelle Bertrand : De nombreux surnoms ont, en effet, entretenu cette légende. De la "fraise des bois" de Laurent Fabius au célèbre "capitaine de pédalo" de Jean-Luc Mélenchon en passant par le "Flanby" d'Arnaud Montebourg. Tous ces surnoms imposent l'idée d'un homme malléable, sans charisme et sans talent. Les rondeurs de François Hollande sont souvent passées pour de la faiblesse, c'est en tout cas ce que ses adversaires ont voulu sous-entendre et c'est pour gommer cette image que François Hollande s'est astreint à un régime drastique avant la campagne des primaires. Casser cette image de mollasson un peu bonne-patte était essentiel pour devenir crédible, incarner le personnage. Faire Président. Mais il a toujours eu du mal. Pourtant, il y a un monde entre son image et la réalité. Le locataire de l'Elysée, loin d'être mou, n'hésite pas à tuer ses adversaires ou plutôt à les pousser à s'entretuer pour rester seul au final. Hollande est un fin politique, fin tacticien qui sait mieux que personne naviguer au milieu des courants du PS, donner des gages aux uns sans vraiment se mettre à dos les autres. Et c'est aussi cette manière de ne jamais trancher qui donne le sentiment de flou. Pourtant, François Hollande arrive souvent à ses fins en suivant son cap obstinément. Ainsi, comme le rappellent Charlotte Chaffanjon et Bastien Bonnefous dans un livre récent (1), en 1985 François Hollande défendait déjà la baisse des prélèvements obligatoires et souhaitait "lever les barrières qui protègent les secteurs assistés". François Hollande, c'est un peu le roseau de la fable de la Fontaine, il plie mais ne rompt pas.

Maud Guillaumin : Je ne dirais pas que cette "légende" est si vraie : au Parti socialiste il a longtemps été Premier secrétaire, avec des tas de sensibilités et de susceptibilités qu'il a réussi à faire converger. Sa grande force est justement de toujours faire croire qu'il vous a entendu et qu'il a écouté ce que vous avez dit. Grâce à cela, il a très souvent réussi à ce que le PS n'explose pas et reste uni. Tout le monde lui reconnaît cette capacité.

Il a ce côté rond, sympathique et bonhomme. Jean-Luc Mélenchon le disait très bien à l'époque : il disait que lorsque vous sortiez de son bureau au PS, vous étiez persuadé qu'il vous avait bien entendu et qu'il allait appliquer ce qu'il vous avait dit. En réalité, il ne dit jamais oui, il ne dit jamais non, mais il le dit avec tellement d'assurance et il vous inspire tellement confiance que du coup, il vous roule dans la farine. C'est sa grande force. Quand on est à la tête d'un parti politique, réussir à associer plein de gens qui se détestent et qui pensent parfois de manière totalement différente, c'est un talent.

Ce n'est pas un leader, un meneur d'homme qui affirme telle ou telle idée, mais bon an mal an il arrive à faire taire les tensions et faire avancer les troupes derrière lui. C'est un jeu de culbuto.

>>>> A lire aussi : François Hollande, l'homme qui voulait protéger (certains) Français

Les propositions des frondeurs, de Martine Aubry ou d'Aurélie Filipetti, ont du mal à passer dans l'opinion. Ce manque d'écho ne va-t-il pas finalement aider François Hollande ?

Christelle Bertrand : Je ne suis pas convaincue que les idées de la gauche du PS soient majoritairement rejetées par les électeurs de gauche. Ainsi, un sondage réalisé par l'Ifop il y a une semaine révèle que si François Hollande ne se représentait pas, les électeurs de gauche voteraient majoritairement pour Martine Aubry (51%) alors que les tenants de la droite du PS font moins bien : 42% pour Emmanuel Macron et 46% pour Manuel Valls. La gauche du PS a surtout un problème de leadership, ses représentants ont peu de charisme et n'arrivent pas à s'unir. C'est sur ce handicap que reposent les espoirs de François Hollande. Et il le sait, sa seule chance d'être présent au second tour de l'élection présidentielle c'est de tuer, avant le premier tour, tous ses concurrents de gauche. Il a déjà presque étouffé Cécile Duflot, reste Jean-Luc Mélenchon. Mais un frondeur, plus téméraire que les autres, pourrait aussi lui barrer la route même en ne réunissant que 3 ou 4% des suffrages.

Maud Guillaumin : Il est vrai qu'aujourd'hui, nous avons l'impression que les personnalités issues de la gauche de la gauche crient sur le Gouvernement mais ne proposent rien de particulier. Il n'y a pas assez d'idées concrètes, de positions qui paraissent très différentes. Ils dénoncent le tournant libéral du Gouvernement mais sans vraiment proposer autre chose. Leurs voix retombent donc complètement comme un soufflé. Ne pas répondre est aussi la tactique de François Hollande, il y a chez lui une sorte de neither complain nor explain à l'anglaise. Il ne répond jamais aux attaques. Si jamais les propositions de ses adversaires faisaient mouche tout de suite dans l'opinion, il serait peut-être obligé, mais comme ce n'est pas le cas pourquoi s'évertuerait-il à essayer de riposter ?

Les Français n'aiment pas le Président et, comme ils l'ont fait pour Nicolas Sarkozy, lui  reprochent sa personnalité. Mais au final, les idées et l'action ne sont-elles pas plus importantes ?

Christelle Bertrand : En politique, les idées sont aussi importantes que la personnalité des leaders : il ne suffit pas d'avoir de bonnes idées, il faut aussi convaincre, emporter l'adhésion populaire pour faire avancer un pays. On ne gouverne pas à la schlag, à coup de 49.3, ça c'est la solution de facilité. On gouverne en agrégeant des gens derrière soi. En faisant de la pédagogie, or un bon pédagogue est aussi quelqu'un de charismatique, que l'on a envie d'entendre, de suivre. La politique, c'est aussi l'art de la parole, de la séduction. L'art de convaincre. Or, c'est son manque de charisme que de nombreux Français reprochent à François Hollande. S'il est drôle et aimable en privé, ça n'est pas un leader. On l'a vu en janvier après les attentats de Charlie Hebdo, ça n'est pas à lui que l'on doit les grands discours sur l'unité de la Nation, il s'est aisément fait voler la vedette par son Premier ministre Manuel Valls. De François Hollande, on ne retient qu'un seul grand discours, celui du Bourget et puis plus rien. Son ami Jean-Pierre Mignard ose cette comparaison (1) "De Gaulle en 1940 c'était la tempête. Hollande ne peut pas se contenter d'être Paul Raynaud". Alors président du Conseil, Paul Raynaud, qui refusait l'armistice avec l'Allemagne, par tactique politicienne, accepta de démissionner permettant ainsi l'arrivée de Pétain au pouvoir.

Maud Guillaumin : Je pense vraiment que ce n'est pas tellement sa personnalité que les gens reprochent à François Hollande, mais plutôt son manque d'action. Au départ, François Hollande n'est pas complètement détesté, cela s'est fait petit à petit via ses affaires personnelles et son manque d'action. On a l'impression aujourd'hui que la France n'est pas gouvernée. C'est cela que les gens lui reprochent.

Nicolas Sarkozy, au contraire, avait une manière très personnelle d'exercer le pouvoir, caractérisée par une suractivité dans tous les sens. Pour le coup, je pense que sa chute progressive dans les sondages était vraiment dû à sa propre personne.

Personne n'a vu venir François Hollande, même au PS beaucoup l'ont sous-estimé. N'est-ce pas ce qui a fait sa force ? Au fond, il a réussi à garder le pouvoir rue de Solférino. Est-ce que ce sera encore le cas cette fois ?

Christelle Bertrand : C'est cet art consommé pour la gestion des courants qui lui a permis de tenir aussi longtemps à la tête du PS. Aujourd'hui encore, il joue cette partition mais à l'échelle du pays en vidant la droite de son corpus idéologique. Plutôt que d'incarner les leaders charismatiques, d'insuffler un espoir au peuple de gauche, plutôt que de refaire "le coup du Bourget", il préfère déstabiliser ses adversaires, les pousser à la faute. De plus, François Hollande, qui pense bien sûr à la présidentielle de 2017, se dit que si Nicolas Sarkozy est le candidat de la droite il doit être, lui, en capacité d'attirer les électeurs modérés de droite, ceux qui seraient allés voter pour Alain Juppé et fait le pari qu'à gauche, ses électeurs, refusant un nouveau quinquennat de Nicolas Sarkozy, iront eux aussi voter pour lui, même s'il les a déçus. C'est un pari audacieux, même franchement téméraire, mais pas totalement impossible.

Maud Guillaumin : En 2005-2006, au moment de la première primaire, François Hollande n'était pas dans les starting-blocks mais il essayait jusqu'au bout de voir si cela pouvait coller pour lui. On pensait qu'il pourrait faire partie des futurs candidats, mais le référendum de 2005 sur la constitution européenne a complètement cassé son élan après avoir été Premier secrétaire du PS.

En 2011, il n'y avait qu'un seul et unique candidat dans la tête des socialistes : Dominique Strauss-Kahn. On parlait un peu de Martine Aubry, mais elle était à la tête du PS donc c'était compliqué pour elle. On n'avait pas vu venir François Hollande. Pourtant, je me souviens avoir essayé de l'interviewer en mars 2011, et l'on m'a dit que son agenda était complètement booké pour cause de tournées dans toute la France pour les primaires. Cela signifie qu'il était déjà officiellement candidat et avait commencé un travail de fond, même si personne n'y croyait au sein des sections socialistes. Ses concurrents n'ont pas voulu voir jusqu'en juin, jusqu'à ce qu'on se rende compte que la candidature de Strauss-Kahn tombait à l'eau et qu'il fallait que quelqu'un d'autre apparaisse. Il y a notamment cette anecdote dans laquelle Strauss-Kahn va le rencontrer en lui disant en substance "il paraît que tu fais campagne, maintenant ça suffit range-toi derrière moi". Comme d'habitude, François Hollande n'a pas mal pris la chose, car il ne s'énerve jamais. Mais il ne répond pas, ni par l'affirmative ni par la négative, et continue son petit bonhomme de chemin avec sa méthode de toujours.

(1) Le Pari, Charlotte Chaffanjon et Bastien Bonnefous (Plon)

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