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Selon les autorités marocaines, les relations avec la France ne sont "ni bonnes ni amicales".
Selon les autorités marocaines, les relations avec la France ne sont "ni bonnes ni amicales".
©CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / PISCINE / AFP

Diplomatie

Alors qu’Emmanuel Macron venait de qualifier ses relations avec Mohammed VI d’amicales, Rabat a fait savoir que "les relations ne sont ni amicales ni bonnes, pas plus entre les deux gouvernements qu’entre le Palais royal et l’Élysée".

Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé

Jean-Baptiste Noé, historien, spécialiste de l’histoire du christianisme. Il est rédacteur dans la revue de géopolitique Conflits. Dernier ouvrage paru Géopolitique du Vatican (PUF), où il analyse l'influence de la diplomatie pontificale et élabore une réflexion sur la notion de puissance.

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Atlantico : Alors qu’Emmanuel Macron venait de qualifier ses relations avec Mohammed VI d’amicales, Rabat a fait savoir que « les relations ne sont ni amicales ni bonnes, pas plus entre les deux gouvernements qu’entre le Palais royal et l’Élysée ». Comment expliquer cette réponse cinglante de la part des autorités marocaines ?

Jean-Baptiste Noé : Les relations entre la France et le Maroc se sont dégradées depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Élysée en 2017. Ce dernier a pris le parti de l’Algérie, dès la campagne présidentielle de 2016 ; en vain, car la France n’a rien obtenu. Mais au Quai d’Orsay et à l’Élysée, une petite musique persistante diffuse une image négative du Maroc : passage des migrants, trafic du cannabis, épisode Pegasus avec l’espionnage des téléphones, etc. 

Alors que le roi du Maroc se rend régulièrement en France, et y séjourne souvent, les deux gouvernements ont très peu de relations. Emmanuel Macron a fait le choix de l’Algérie, contre le Maroc et cela déteint aujourd'hui. Les relations personnelles entre les deux chefs d’État sont par ailleurs inexistantes.

Les présidents français ont entretenu de bonnes relations avec le Maroc par le passé. Dans quelle mesure Emmanuel Macron a-t-il une part de responsabilité dans la dégradation de ces relations ?

Non seulement les présidents français, mais l’ensemble de la société civile. Le Maroc n’a jamais rejeté la France et ne l’a jamais attaquée, contrairement à l’Algérie. Les liens économiques et culturels sont nombreux.

Emmanuel Macron a un problème avec l’Algérie. Alors qu’il n’a pas connu la guerre d’Algérie et qu’il n’est pas issu d’une famille de rapatriés, il est obnubilé par ce pays. Il s’y est rendu souvent, sans aucun succès diplomatique. Il y a récemment envoyé son Premier ministre et la moitié de son gouvernement, sans rien obtenir. Pire, l’Algérie bloque désormais la délivrance de laissez-passer consulaires pour ses citoyens expulsés de France, ce qui bloque leur expulsion. Il a voulu créer une commission regroupant des historiens français et algériens pour travailler sur l’histoire des deux pays, comme si les historiens français attendaient un mandat présidentiel pour effectuer leurs recherches, comme si la bibliographie n’était pas déjà surabondante sur le sujet. En faisant le choix d’Alger contre Rabat, il a perdu le Maroc et il n’a rien gagné en Algérie.

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Quels sont les intérêts diplomatiques, économiques, financiers, voire géopolitiques, pour la France d’entretenir de bonnes relations avec le Maroc ?

Nombreuses sont les entreprises françaises implantées au Maroc, que ce soit dans l’industrie automobile, le textile, l’outillage. Mais les liens vont bien au-delà. Le Maroc est le pays le plus stable et le plus riche du Maghreb. Sa frontière plonge au Sahara, jusqu’au Sahel. Tanger Med est le premier port d’Afrique et la jeunesse marocaine est la plus formée d’Afrique.

Outre le tourisme, nullement négligeable, nombreux sont les Français qui travaillent avec des Marocains sur des sujets juridiques ou financiers. De même, les échanges universitaires et culturels sont très importants.

Se couper du Maroc est une folie. Celui-ci joue un rôle majeur dans le monde musulman grâce à son islam malékite. Il forme de nombreux imams et il est le seul à avoir connu un gouvernement d’islamistes, légalement élus, qui sont partis après une défaite dans les urnes, sans heurts politiques. Nous sommes très loin du chaos algérien et de l’effondrement social et politique de ce pays.

Alors que la France est également en froid avec l’Algérie, la France peut-elle encore peser au Maghreb ?

Il reste certes la Tunisie, mais c’est peu quand il y a encore vingt ans, la France pesait de l’Atlantique à Suez. Or le Maghreb est une région beaucoup plus importante, à tous égards, que le Sahel ou l’Afrique de l’Ouest. Se fâcher avec le Maroc n’est que l’un des derniers avatars de l’aveuglement diplomatique français. 

Jean-Baptiste Noé, docteur en histoire, est rédacteur en chef de Conflits.

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