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Mais pourquoi personne ne se préoccupe-t-il de la proposition de rachat de la bourse de Londres par Hong Kong, faux nez de Pékin ?
©Reuters

Atlantico Business

Si la Chine communiste réussit via Hongkong à mettre la main sur la bourse de Londres, elle pourra envisager de racheter la Grande Bretagne toute entière. Pour les anti-Brexit, cette opération marquerait le début de la fin de l’empire.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Il faut croire que la perspective du Brexit permet toutes les audaces. Personne n’aurait pu imaginer qu‘un jour, des fonds d’investissement bourrés de capitaux chinois, propriétaires de la bourse de Hongkong, déposent une offre de rachat de la bourse de Londres, en proposant aux Anglais de la City 32 milliards de livres.

Les autorités du London Stock Exchange ont tenu à préciser qu’ils n‘avaient sollicité personne, qu‘officiellement la place de Londres n’était pas à vendre, mais ils reconnaissent cependant étudier sérieusement cette proposition. Coïncidence ou pas, cette offre chinoise arrive au moment où la bourse de Londres est sur le point de racheter pour 27 milliards de dollars, le fournisseur de données financière Refinitiv, une société mal connue mais qui gère un montant gigantesque de « datas financières et économiques  » concernant la plupart des grandes sociétés du monde capitaliste.

Ce projet est gigantesque avec des conséquences qu‘on a du mal à évaluer précisément, sauf qu’on sait que la City est encore aujourd’hui au cœur de la finance internationale (par son volume et son expertise, c’est la première place de cotation mondiale après New-York). On sait aussi que la City étudie toutes les solutions d’évolution de son activité dans l’hypothèse d’un Brexit sans deal qui ferait donc perdre à ses opérateurs la capacité de travailler sur le marché européen.

Tout se passe comme si les Chinois de Hong Kong avaient compris qu’allait s’ouvrir pour Londres une période d’extrême fragilité et que le moment était sans doute venu d’intervenir pour mettre la main sur cette caverne d’Alibaba.

Hong Kong a beau s’agiter avec des étudiants qui essaient de s’affranchir du joug politique de Pékin, il n‘empêche que les milieux d’affaires de Hongkong s’inquiètent, pour des raisons d’influence économique, de la montée en puissance de la voisine Shenzen. Ils savent aussi qu’ils tiennent une des portes qui permet à la Chine de faire des affaires avec l’Occident. Pékin ne s’y est pas trompé. Pékin utilise les moyens et le savoir-faire de Hong Kong pour gérer les formidables excédents financiers que son modèle économique lui permet de dégager. La Chine est un peu l’usine du monde, cela lui vaut d’amasser des capitaux qu’elle recycle en Occident, soit en achetant de la dette publique américaine soit directement des actifs industriels et financiers. Les Chinois font périodiquement leur marché en Europe, rachetant des ports et des aéroports en Italie, des grands crus en France ou des banques en Grande-Bretagne.

Le projet de mettre la main sur la City qui est le cœur du réacteur capitaliste leur convient parfaitement.  

Officiellement, à Hong Kong comme à Pékin, on a expliqué depuis 24 heures qu’un tel rapprochement reviendrait à créer un groupe financier dont l’assise serait mondiale, avec des actifs diversifiés, un positionnement géographique idéal et des connexions sur les marchés européens, américains et asiatiques.  

Pour les libéraux, le projet tient la route. Plus le marché mondial s’élargit, mieux c’est pour créer de la richesse. Le cours de l’action de la société cotée qui détient le marché de Londres s’est d’ailleurs envolé. Les actionnaires de Londres y voient une opportunité historique pour continuer à faire des affaires.

Du côté de Boris Johnson, on a essayé de rester discret mais on sait que ce type de dérégulation entre dans leur schéma. Pour les « Brexiters »  les plus durs, l’avenir appartient à l’élargissement du marché de Londres en s'affranchissant de toutes les normes fiscales et sociales auxquelles ils sont soumis aujourd’hui.

Une telle entreprise leur permettrait aussi de rentrer sur le marché chinois. Bref, on entrerait sur une mondialisation encore plus débridée qu‘aujourd’hui.  

Cela dit, l’opération n’aurait rien de scandaleuse si la Chine était un pays comme les autres. Mais la Chine est communiste avec un projet impérialiste qui fait peur dans la mesure où elle ne reconnaît aucune des valeurs occidentales, à commencer par la démocratie politique, le respect des libertés individuelles et des droits de l’Homme.

Alors, certains en Europe viennent dire que plus la Chine fera commerce avec l’Occident, plus elle nous empruntera des process et des principes d’efficacité, plus les dirigeants chinois devront accepter une évolution politique.

L’expérience qui se joue à Pékin depuis plusieurs année n’apporte pas la preuve d’une tendance à l’assouplissement politique. Au contraire, les rapports entre le monde occidental et la Chine se sont durcis et la faute n’en incombe pas exclusivement à la politique américaine.

Du côté européen, on s’opposera évidemment à un tel projet d’autant que la bourse de Londres possède des filiales très fortes en Italie (la bourse de Milan lui appartient, elle se nomme aussi Footsie). Mais d’une façon générale, l’Europe se protègera de ce risque fort d’ingérence.  

La suite qui sera donnée à ce projet sera intéressante à observer.

Si Londres continue de l’étudier et l’accepte, on n’aura plus aucun doute sur le projet caché des « Brexiters » durs et purs qui veulent déréguler au maximum le modèle britannique et en faire une machine de guerre économique. L’Europe ne pourra pas l’accepter.

Si Londres rejette cette offre, Londres enverra un signal fort pour rester dans l’Union européenne grâce à un deal qui viendra tempêter la violence du Brexit.  

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