Mais où sont passés les résultats de l’Observatoire de la réponse pénale ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Justice
Un policier lors d'une manifestation à Rennes, en 2016, après l'attaque de policiers à Viry-Chatillon.
Un policier lors d'une manifestation à Rennes, en 2016, après l'attaque de policiers à Viry-Chatillon.
©DAMIEN MEYER / AFP

Bilan

C’était l’une des mesures du Beauvau de la sécurité organisé par le ministère de l’Intérieur.

Gérald Pandelon

Avocat à la Cour d'appel de Paris et à la Cour Pénale Internationale de la Haye, Gérald Pandelon est docteur en droit pénal et docteur en sciences politiques, discipline qu'il a enseignée pendant 15 ans. Gérald Pandelon est Président de l'Association française des professionnels de la justice et du droit (AJPD). Diplômé de Sciences-Po, il est également chargé d'enseignement. Il est l'auteur de L'aveu en matière pénale ; publié aux éditions Valensin (2015), La face cachée de la justice (Editions Valensin, 2016), Que sais-je sur le métier d'avocat en France (PUF, 2017) et La France des caïds (Max Milo, 2020). 

Voir la bio »
Matthieu Valet

Matthieu Valet

Matthieu Valet est commissaire de police et secrétaire national adjoint du Syndicat Indépendant Commissaires Police.

Voir la bio »

Atlantico : Le 10 mai 2021, à l’issue d’une réunion avec les organisations syndicales, Jean Castex annonçait, sur proposition du ministre de l’Intérieur, la mise en place d’un Observatoire de la réponse pénale portant spécifiquement sur les infractions commises contre les forces de sécurité intérieure. Comment cette décision, qui n’était pas le cœur du Beauvau de la sécurité, s’est imposée dans les débats ? Quel est le bilan de l’Observatoire depuis sa création ? Qu’a-t-il constaté jusqu’à présent ?

Matthieu Valet : La décision a été accélérée avec la mort d’Éric Masson, le 5 mai 2021, et c’est pour cette raison que le Premier ministre l’avait annoncé. Cela fait plusieurs années que les syndicats demandaient une évaluation fiable et non contestable de la réponse pénale : sanction encourue dans la loi, la sanction prononcée par le magistrat et la sanction exécutée dans les faits. L’Observatoire de la réponse pénale était donc conforme à nos attentes. Auparavant, les chiffres ne traduisaient pas la réalité vécue par nos collègues sur le terrain. Nous voulions des données irréfragables pour nous assurer que ceux qui s’en prenaient à nos collègues avaient la sanction adéquate. On a eu des premiers résultats à la rentrée de septembre 2021 et ils étaient éloquents : seul un individu sur 10 est réellement allé en prison après avoir porté atteinte à l’autorité et qu’une peine a été prononcée. Donc la réponse pénale est extrêmement faible. Cet observatoire corrobore les dires des syndicats qui disent que le manque de moyens, de magistrats, ne justifie pas tout et qu’il y a une certaine impunité des voyous.

À Lire Aussi

Des militants écologistes espionnés par la préfecture dans les Deux-Sèvres : ces inquiétantes dérives de l’Etat

Gérald Pandelon : Il est assez curieux que la proposition de notre Premier ministre soit intervenue si tardivement. En effet, non seulement le quinquennat, donc cinq années, constituait un délai suffisant pour se préoccuper de la question d'une réponse pénale efficace à apporter aux forces de l'ordre victimes d'infractions, mais également un Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) est un organisme français qui a déjà existé entre les années 2004 et 2020, lequel était chargé de rendre compte des évolutions des phénomènes criminels en France ainsi que des réponses pénales qui y étaient apportées. Les missions qui lui étaient assignées s'articulaient autour de trois pivots : d'abord, le recueillement et l'exploitation des sources de données disponibles sur la délinquance et les réponses pénales : police et gendarmerie, enquête sur les victimes, justice, administrations, universités, ordres professionnels, organisations internationales et instituts à l’étranger. Ensuite, la conduite d'études sous des angles statistiques, criminologiques, sociologiques et cartographiques. Enfin, la diffusion de travaux, par des publications régulières et illustrées, en format synthétique ou de recherche, par des interventions dans les médias, et en participant aux travaux du monde de la recherche. C'est dans ce contexte que le 10 mai 2021, à l’issue d’une réunion avec les organisations syndicales, M. Jean Castex annonçait, sur proposition du ministre de l’Intérieur, la mise en place d’un Observatoire de la réponse pénale portant spécifiquement sur les infractions commises contre les forces de sécurité intérieure. Une question peut toutefois être d'emblée soulevée. Pourquoi s'émouvoir de cette question aujourd'hui, à la veille de l'échéance suprême que constitue l'élection présidentielle, alors qu'au cours des cinq années écoulées la hausse des crimes et délits n'a fait qu'augmenter dans notre pays sans que cette situation ne conduise à la création de quelque institution ad hoc ? Nos gouvernants ont-ils un si profond mépris pour les forces de l'ordre ? Car, en France, les indicateurs de la délinquance enregistrée qui étaient en légère hausse sur l'année 2020 malgré le contexte de la crise sanitaire liée au Covid-19, vont se poursuivre voire s'accélérer au cours de l'année 2021, dépassant leur forte tendance haussière d'avant crise. Ainsi, le nombre de victimes de coups et blessures volontaires (sur personnes de 15 ans ou plus) enregistrées a augmenté très fortement en 2021 (+12 %, après +1 % en 2020 et +8 % en 2019) : +14 % pour les victimes de violences intra-familiales et +9 % pour les victimes d'autres coups et blessures volontaires. La hausse est également très nette pour les escroqueries (+15 %, après +1 % en 2020 et +11 % en 2019) et encore davantage pour les violences sexuelles enregistrées (+33 %, après +3 % en 2020 et +12 % en 2019). Concernant ces dernières, la part de faits anciens augmente (notamment pour les mineurs victimes) : en particulier, la proportion de violences sexuelles commises plus de 5 ans avant leur enregistrement est passée de 12 % en 2018, à 15 % en 2020, et 19 % en 2021. De la même manière que si les indicateurs de la délinquance enregistrée avaient légèrement reculé en 2020, en raison du contexte particulier lié à la pandémie du Covid, ces derniers enregistrent des évolutions plus modérées en 2021. C'est ainsi que les vols sans violence contre des personnes augmentent (+5 %, après -24 % en 2020) ainsi que les vols d'accessoires sur véhicules (+4 %, après -18 % en 2020) et dans une moindre mesure, les vols dans les véhicules (+1 %, après -17 % en 2020) et les destructions et dégradations volontaires (+1 %, après -13 % en 2020). Autrement dit, l'efficacité de l'action menée par notre ministre de l'intérieur reste toujours à démontrer. 

À Lire Aussi

55% des Français sont favorables à un ministère de la Remigration !

Ce nouvel observatoire apporte-t-il vraiment plus de visibilité sur la réponse pénale ? En intégrant uniquement les violences commises à l’encontre des forces de sécurité intérieure et en occultant d’autres types de délits, a-t-il des limites sur la quantification de ce qu’il se passe en France ?

Matthieu Valet : Non, parce qu’il y des statistiques à l’intérieur du ministère qui évaluent toutes les délinquances constatées sur le territoire national. Donc on avait déjà un panorama général de la délinquance et de la réponse policière apportée. On voulait mettre le focus sur les policiers et les gendarmes car les données dont on disposait avant étaient insuffisamment caractérisées. Nous avons une crise d’autorité dans le pays, c’est une réalité, et elle mène jusqu’à l’agression physique. Plus de 10.000 policiers et gendarmes ont été blessés ces dix dernières années. 

Gérald Pandelon : Ce nouvel observatoire n'apportera pas grand chose en termes de visibilité concernant la réponse pénale car, à mon sens, le problème est ailleurs. La justice pénale est, en effet, paradoxale. Elle est laxiste lorsqu'il s'agit de mineurs délinquants multi-récidivistes et peut s'avérer en revanche particulièrement sévère à l'encontre d'un élu dont le casier judiciaire ne porterait trace d'aucune condamnation ; elle est laxiste lorsque des policiers se font agresser voire, en raison de l'idéologie politique de certains magistrats, presque plus clémente à l'endroit du voyou agresseur qu'envers le policier qui a riposté en légitime défense ; elle est très sévère voire impitoyable lorsqu'un professionnel du droit commet la moindre faute non intentionnelle car le concernant la présomption d'innocence n'existe pas ("en tant que juriste, il ne pouvait pas ne pas savoir" constitue le credo de tout magistrat du parquet et de tout juge 'instruction, alors que cette assertion est en réalité très majoritairement fausse) ; elle est très laxiste lorsqu'il s'agira, en revanche, de poursuivre pénalement un collègue magistrat, même si ce haut fonctionnaire a commis une faute grave et donc intentionnelle. Par conséquent, une justice pénale très sévère lorsque parfois les délits présumés ne portent nullement atteinte à l'ordre public et relèvent de fautes involontaires ; en revanche, fort clémente à l'endroit d'incivilités qui empoisonnent pourtant le quotidien des honnêtes citoyens. Elle est en fait trop imprégnée d'idéologie, par conséquent ne peut faire montre d'une réelle objectivité ni impartialité. Notre justice est incapable de se soumettre au principe wébérien de "neutralité axiologique", c'est dire de faire abstraction de ses valeurs, de ses pensées, dans l'acte de juger. On retrouve en effet toujours la même dimension idéologique dans l'acte de juger car sur un plan symbolique, pour certains magistrats d'obédience socialiste, le délinquant demeure une victime même si son casier judiciaire porte trace de multiples condamnations alors que le "Bourgeois Gentilhomme" est nécessairement auteur, auteur d'infraction, car il a nécessairement "dû voler le pauvre pour en arriver là" ; auteur d'être, en définitive, trop bien né. Si le délinquant "non bourgeois"peut être responsable mais non coupable, le "non-délinquant bourgeois" est nécessairement coupable car nécessairement responsable de ses actes, il ne sera donc pas, lui, accessible au pardon. Et lorsqu'un juge d'instruction aura la conviction que cette personne n'a rien à se reprocher, elle le poursuivra quand même car "il faut bien qu'on puisse enquêter". Or, pareil raisonnement ne sera jamais conduit s'agissant d'une personne en apparence impécunieuse. C'est cette puissante idéologie qui fausse pourtant tout jugement éclairé en ne faisant que rarement preuve de discernement et en rendant possible, voire en favorisant, qu'invariablement la délinquance ne fasse qu'augmenter. C'est ainsi qu'en matière de lutte contre les stupéfiants, après avoir nettement baissé en 2020, le nombre de mis en cause augmente fortement en 2021 : +38 % pour usage dans un contexte de mise en place des amendes forfaitaires délictuelles et +13 % pour trafic. De la même manière que notre pays enregistre toujours de fortes hausses observées des coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans ou plus, dans ou en dehors du cadre familial, en outre des violences sexuelles et des escroqueries se retrouvent sur la quasi-totalité des régions ou départements. Qu'au surplus, les vols et cambriolages dépassant les 20 % voire 50 % sont à la hausse. Certains départements se démarquant en 2021, comme le Rhône, dont les augmentations contribuent fortement aux évolutions nationales pour les vols sans violence contre des personnes, les vols de véhicules, d'accessoires et dans les véhicules, et les vols violents sans arme. Or, en dépit de cette hausse de la délinquance tout se passe comme si depuis des décennies les principaux gouvernants avaient donné le sentiment de se préoccuper de la situation sans jamais changer toutefois de grille de lecture ; que par conséquent, en l'absence d'autocritique les choses s'étaient inexorablement aggravées. Et que sur le fondement de cet échec objectif cuisant, nos gouvernants, tous bords politiques confondus, n'avaient jamais eu la présence d'esprit ni le courage de reconsidérer leur philosophie pénale en termes de changement de paradigme, par conséquent de transformation de l'idéologie pénale. Tout se passe comme si la réalité n'avait aucune prise sur les idées, comme si le réel était insusceptible de conduire à la moindre remise en compte de nos décideurs publics en ce qui concerne le phénomène délinquantiel ; comme si l'accroissement des incivilités ne pouvait que relever d'un impensé du politique. Au fond, est-ce à dire, comme le pensait le philosophe Descartes, que les idées adéquates, au sens d'idées entièrement et parfaitement conformes à ce que sont les choses et leurs propriétés doivent résolument s'inscrire hors de notre pensée ? 

À Lire Aussi

Les attentats meurtriers se succèdent en Israël

En déplacement jeudi 31 mars en Charente-Maritime, le chef de l'Etat a réagi au fait divers survenu en Charente cette semaine : un agriculteur a été mis en examen pour meurtre, après avoir tiré mortellement sur un cambrioleur entré par effraction à son domicile. Il s’est dit “opposé à la légitime défense”. Cela démontre-t-il un problème de vision de la réponse pénale et plus largement de la justice française ?

Matthieu Valet : D’abord. C’est une erreur factuelle. L’article 122-5 du code pénal prévoit la légitime défense pour tous : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte.» Je pense que le président voulait parler de défense excusable ou d’auto-défense. Surtout, dans cette affaire, puisque des personnes sont entrées à son domicile de nuit pour commettre un vol par effraction, cela peut rentrer dans le cadre prévu par l’article 122-6 du code pénal sur la présomption de légitime défense. « Est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l'acte :

 1 - Pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité; 

 2 - Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. »

Dans ce cas-là, c’est à l’accusation de démontrer qu’il n’y avait pas légitime défense. Le débat aujourd’hui, c’est : faut-il autoriser tous les citoyens à la présomption de légitime défense ?  ce qui signifie changer de cadre. Et comment éviter de remettre en cause le monopole de la violence légitime. Aujourd’hui ce qui est certain, c’est que la légitime défense n’est plus suffisamment protectrice pour le gendarme. Il n’y a pas de droit à l’erreur chez les policiers. Souvent il préfère se mettre en danger parce qu’il craint d’être mis en accusation par la société, même s’il utilise la force légitime. Pour protéger le policier, il faut songer à généraliser la présomption de légitime défense. En revanche, l’autodéfense, nous n’y sommes pas favorables car la légitime défense doit pouvoir suffire. Aujourd’hui, le policier est présumé coupable.

À Lire Aussi

Ce que la personnalité borderline de l’assassin d’Yvan Colonna révèle des redoutables angles morts de la psychiatrie et de la justice française

Gérald Pandelon : Le concept de légitime défense suppose qu'il incombe à la partie alléguant d'un fait justificatif exonératoire de la responsabilité pénale, d'en rapporter la preuve. Il est ainsi assez surprenant que des représentants des forces de l'ordre dont la vocation première est la préservation de la tranquillité publique doivent être soumis aux mêmes exigences que certains délinquants pouvant invoquer, pour des motifs parfois moins louables, le même principe. Pire encore, il est choquant que cette présomption de légitime défense ne soit pas admise comme un postulat à une époque où le rapport de forces s'est déplacé et que ce sont, bien souvent, davantage les délinquants qui attaquent ouvertement les fonctionnaires de police que le contraire. En effet, vous me concèderez aisément qu'il est particulièrement rare de voir un policier se réveiller un matin en se disant "je vais tuer un délinquant" ; en revanche, l'inverse est chose assez courante. Outre le fait qu'il est particulièrement rare, sinon inédit, qu'un policier agresse violemment et de façon arbitraire un honnête citoyen dans la rue ; or, l'inverse, et pas uniquement dans les zones de non-droit, est devenu assez banal. Il faudrait vraiment qu'un certain nombre de responsables politiques souvent de gauche cessent de placer sur un même plan le voyou et le représentant des forces de l'ordre car, n'en déplaisent à certains acteurs politiques, toujours les mêmes, il s'agit d'un réflexe intellectuel assez fréquent ; le policier étant, pour certains d'entre eux, l'incarnation du capitaliste sans pitié venant opprimer les pauvres victimes de la société que constituent les délinquants. Je rajoute que l’invocation de la présomption de légitime défense n’est pas interdite aux agents des forces de l’ordre, puisqu’elle n’est pas liée à une personne, mais à des circonstances. Cependant, les cas de présomption, en particulier du premier alinéa de l’article 122-6 du code pénal, sont assez rares lors des interventions. En outre, il ne faut pas oublier que la présomption étant simple, les conditions classiques seront vérifiées en cas de contestation. C'est ainsi que l’idée de créer une présomption de légitime défense spécifique pour les forces de l’ordre a été plusieurs fois avancée ces dernières années. Encore le 2 avril dernier, la proposition de loi déposée le 11 février par M. Eric Ciotti a d’ailleurs été discutée avant d’être abrogée. Sur ce point, plusieurs critiques sont généralement invoquées concernant une présomption propre aux forces de l’ordre. Ainsi, selon les tenants d'un discours parfois "anti-flic" ce serait instaurer une présomption liée à la qualité de la personne, ce qui ne serait pas souhaitable. De plus, la présomption demeurerait simple avec le risque que les agents des forces de l’ordre, se sentant protégés, utilisent la force, y compris armée, dans des situations qui ne seraient pas jugées comme entrant dans les conditions de la légitime défense. En présence d’une telle mesure, la Cour de cassation pourrait également être plus exigeante envers les forces de l’ordre. Je crois surtout qu'il conviendrait désormais que, face aux menaces de plus en plus importantes que constituent l'accroissement constant du phénomène délinquantiel, s'opérât un changement de paradigme afin que la vérité, le réel, c'est dire l'adéquation entre la chose et l'esprit, au sens cartésien, devienne le seul critère pouvant fonder une authentique politique publique en matière de lutte contre la criminalité. 

À Lire Aussi

Scandale des Ehpad Orpea : l'Etat décide de saisir la justice

Comment expliquer que la question de la réponse pénale au sens large n’ait pas été davantage abordée pendant la campagne présidentielle, alors que les questions pénales, de la magistrature, sont des thèmes majeurs ? A quel point est-ce important pour un pays de savoir quelle justice il veut ? 

Matthieu Valet : Je suis content de vous l’entendre dire. Il y a énormément à faire sur les questions de sécurité et de justice. Nous avons plusieurs propositions. Par exemple classifier les mortiers comme une arme D2 au même titre qu’un couteau ou qu’un coup de poing américain. Comme cela, cela constituera un délit et permettra de dresser un fichier. Nous proposons aussi les peines minimales, par exemple pour les atteintes aux forces de l’ordre. Sur la prison, mon syndicat propose des établissements de courtes peines pour que les peines soient vraiment effectuées et pour éviter de donner un blanc-seing avec le sursis. Accorder la présomption de légitime défense aux policiers permettrait de mieux les protéger. Ce serait lui montrer qu’on lui fait confiance. On propose aussi la présence d’un avocat tout au long de la procédure, comme c’est actuellement le cas pour personnes en garde à vue. Il y a aussi une vraie question de cadre d’enquête et procédure pénale. La limite entre flagrant délit et préliminaire est aussi un thème à interroger. Dans le premier cas, le policier a beaucoup plus de pouvoir de coercition et d’autonomie. 48h après, il doit demander l’autorisation pour tout. Il y a énormément de sujets à évoquer mais cela ne l’est pas. Il y a des petites phrases mais aucun débat. Entre le Covid et la crise ukrainienne, et leurs conséquences sur la vie des Français, on ne se pose pas ces questions.

À Lire Aussi

Retrouvez l’intégralité de l’émission de CNews avec Eric Zemmour et sa visite à la Porte de La Villette

Gérald Pandelon : Lorsque les questions pénales sont soulevées cela concerne bien souvent des problématiques qui sont soit déjà prévues dans les textes, soit qui intéressent somme toute peu les français. Prenons l'exemple de la question de la durée des enquêtes préliminaires. L'objectif, louable sur le principe, est de raccourcir ces procédures ; en pratique, l'économie générale du dispositif va contribuer progressivement à les allonger mais sous une autre forme. En matière économique et financière notamment, l’effet de substitution entre, d'une part, l’information judiciaire et l’enquête préliminaire est susceptible d’être plus important que dans le contentieux généraliste (plus de dossiers seront ouverts à l’instruction spécialisée à la suite de la limitation de la durée des enquêtes préliminaires), D'autre part, l’effet de saturation sera accru (les dossiers techniques seront distribués sur un nombre plus restreint de cabinets d’instruction spécialisés). Enfin, l'’augmentation de la durée globale des procédures sera également encore plus significative, à supposer, bien sûr, que le système parvienne à supporter une telle montée en charge, ce qui, au vu des hypothèses de travail chiffrées, n’est pas certain. Dès lors, il est possible de douter que dans les conditions actuelles de fonctionnement de l’institution judiciaire, l’exigence de rationalité devant présider à l’élaboration de la loi soit pleinement satisfaite. Au vu de l’insuffisance des informations quantitatives – pour ne rien dire de leur exploitation par les parties prenantes de l’œuvre législative –, et s’agissant des éventuelles conséquences de la réforme sur l’ensemble de la chaîne pénale, conclure au respect de l’objectif à valeur constitutionnelle de bonne administration de la justice serait audacieux. Je crois que si la question de la réponse pénale n'a pas constitué, loin s'en faut, l'agenda prioritaire de notre actuel ministre de la justice c'est sans doute aussi parce que notre Garde des Sceaux se retrouvait en pure logique dans une situation intenable. Comment pouvait-il, sans se déjuger, faire montre de sévérité dans la réponse pénale à apporter aux actes délinquantiels alors qu'au cours de sa carrière cet avocat avait fait de La Défense des voyoux sa priorité  ?  Comment pouvait-il appeler désormais à un strict maintien de l'ordre public alors qu'il avait prêté son concours à la défense des terroristes les plus sanguinaires ? Comment pouvait-il soutenir avec la dernière énergie une présomption de légitime défense des fonctionnaires de police en tant que ministre de la justice alors qu'avocat il avait sans relâche décrier les bavures policières ? Comment, lui, a-t-il pu être nommé ministre de la justice alors qu'il avait malmené durant plus de quarante ans dans les prétoires les magistrats, fussent-ils du siège ou du parquet ? Sa position ne pouvait relever que d'une antinomie structurelle au sens kantien. Et, à y regarder de près, notre Garde des Sceaux aura été davantage victime qu'auteur de cette désignation, il fut victime de celui qui l'avait fait roi. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !