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Le PIB est au plus bas, et pourtant le chomage britannique est passé de 8,4% à 7,7%...
Le PIB est au plus bas, et pourtant le chomage britannique est passé de 8,4% à 7,7%...
©Reuters

Paradoxe

Mais comment font donc les Britanniques pour créer des emplois tout en étant dans une situation globale aussi catastrophique que la nôtre ?

Le nombre de demandeurs d’emploi au Royaume-Uni a reculé contre toute attente en décembre 2012, d’après des chiffres officiels publiés le 23 janvier dernier.

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès est maître de conférences à Sciences Po (gestion publique & économie politique). Il a notamment publié Réformes: mission impossible ? (Documentation française, 2010), L’âge d’or des déficits, 40 ans de politique budgétaire française (Documentation française, 2013). et récemment Le Logement en France (Economica, 2017). Il tient un blog sur pfgouiffes.net.
 

Vous pouvez également suivre Pierre-François Gouiffès sur Twitter

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Atlantico : Alors que le PIB de la France stagne, son taux d’emploi baisse dangereusement. Nos voisins britanniques quant à aux semblent victimes d’un étrange paradoxe : une baisse du 0,3% du PIB au dernier trimestre qui cohabite avec un baisse du taux de chômage. Comment expliquer ce paradoxe ?

Pierre-François Gouiffès : Le PIB britannique est encore à ce jour 3% plus faible qu’en 2008, le point haut du cycle, et le pays est menacé d’un « triple dip recession » (trois séquences de récession très rapprochées dans le temps). Le pays semble sur le point de retourner dans la dépression après le troisième trimestre 2012 (+0,9%) avec un effet lié aux jeux olympiques. Il n’y a pas de sortie de crise et une stagnation qui semble durable, avec un débat vif sur l’ampleur de l’ajustement par la baisse de la dépense publique.

Concernant le chômage, l’office des statistiques constate depuis le début de l’année 2012 une tendance inverse a priori peu intuitive : passage d’un taux de chômage de 8,4% à 7,7% (-10% ! en un an). Avant d’essayer d’expliquer la conjonction apparemment paradoxale d’une récession-stagnation et de hausse de l’emploi, il faut rappeler que le taux de chômage britannique a tout de même très fortement augmenté depuis 2007 (+45% avec un taux de 5,3% en 2007 !).

Plusieurs explications sont avancées pour expliquer ce phénomène : acceptation par les salariés d’une forte modération salariale génératrice de baisse du niveau de vie, développement des emplois à temps partiel. Mais à ce jour ce « miracle » ne concerne que l’année 2012.

Ce taux d’emploi positif en pleine dépression peut-il être le moteur de redémarrage économique du Royaume-Uni ? Est-ce au contraire un générateur de pauvreté et de sous-consommation ?

Cette évolution favorable – uniquement sur 2012 à ce stade –correspond à mon sens davantage à l’adaptation du marché du travail britannique à un cycle durable de croissance quasi nulle, une sorte d’antithèse britannique de la « préférence française pour le chômage » énoncée il y a vingt ans par Philippe d’Iribarne, plutôt qu’à quelque chose contribuant en tant que tel au redémarrage conjoncturel. Plusieurs observateurs de l’économie britannique évoquent ainsi une économie « jobs without growth » où l’ajustement de l’emploi à la stagnation économique se fait par la baisse parallèle du niveau de vie et de la productivité.

Une telle situation serait-elle possible, et surtout enviable en France ? Le paradoxe britannique actuel est-il la démonstration des dangers du chômage partiel ?

Il y a à mon sens des différences tout à fait considérables entre les marchés du travail des deux côtés de la Manche. Il existe par exemple 20 points d’écart entre le taux d’emploi des jeunes en France (30,8% en 2010) et au Royaume-Uni (50,9%) : la France est marqué comme presque tous les pays d’Europe du Sud par un chômage massif des jeunes, 2,5 fois plus élevé que la moyenne. Le marché du travail britannique semble donc moins segmenté et moins dual que le marché français. Concernant le temps et le chômage partiel, cela semble une modalité de fonctionnement de la partie flexible du marché du travail en place dans les deux pays, avec par exemple le phénomène français du temps partiel subi.

Que penser alors de la focalisation du gouvernement français sur les politiques d’emploi plutôt que sur la création d’un contexte économique attractif ?

L’évolution du taux de chômage et sa production mensuelle ne peut être qu’un point majeur d’attention pour l’exécutif, surtout dans le contexte français de sa croissance ininterrompue depuis 2008. N’importe quel gouvernement ne peut pas éluder ce sujet central d’inquiétude des français tout en menant – plus ou moins – des politiques parallèles de compétitivité, comme le tente le gouvernement Ayrault en préemptant le discours sur la compétitivité et la réforme du marché du travail.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Bonaventure

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