Mais au fait, que faisaient Bill Gates et Klaus Schwab au G20 ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le fondateur et président exécutif du Forum économique mondial, Klaus Schwab, à Davos le 24 mai 2022.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le fondateur et président exécutif du Forum économique mondial, Klaus Schwab, à Davos le 24 mai 2022.
©Fabrice COFFRINI / AFP

Invités de marque

Klaus Schwab, le président du conseil d'administration du Forum économique mondial, et Bill Gates étaient invités au sommet du G20 à Bali, en Indonésie.

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Atlantico : Bill Gates et Klaus Schwab étaient présents au G20 en Indonésie cette semaine. Leur présence a réactivé un certain nombre de théories du complot les concernant. Loin des hypothèses farfelues, que faisaient-ils réellement là ?

Cyrille Bret : Avec cette invitation, la société civile confirme son rôle dans les relations internationales. Dans le modèle classique, qui prévalait jusqu’à la fin de l’URSS, les acteurs des relations internationales étaient exclusivement les États et leurs alliances. Les corps intermédiaires n’étaient pas associés aux grandes rencontres : dans les sommets du G7 ou les Assemblées générales des Nations-Unies, les acteurs non étatiques restaient en dehors du forum. Les associations internationales comme Amnesty International, Oxfam, Médecins du Monde, les multinationales comme Microsoft, ou encore les réseaux professionnels (Journalistes sans frontières) étaient présents dans les médias mais pas dans les enceintes internationales.

Avec la mondialisation du 21ème, siècle certains acteurs privés ou non-publics ont acquis un role international considérable. C’est le cas du World Economic Forum créé par Klaus Schwab à Davos en 1971. A partir des années 2000, cette enceinte annuelle privées, destinée aux chefs d’entreprise a commencé à attirer systématiquement les leaders économiques. C’est là que bien des rencontres informelles, des discours marquants et des discussions ont été réalisées entre chefs d’Etats et de gouvernements. C’est à ce titre que Klaus Schwab est invité à participer à certains événements dans le cadre du sommet interétatique G20. C’est la réciproque d’une session du World Economic Forum au sens où les Etats invitent la société civile tout comme la société civile invite à Davos des chefs d’Etats.

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Quelle est pour autant la légitimité des hommes comme Schwab et Gates à assister à des réunions comme le G20 ?

Cyrille Bret : Soyons précis, les deux chefs d’entreprises ne participent pas au sommet interétatique lui-même. Seuls les représentants officiels étatiques élus ou nommés ont voix au chapitre pour mener les débats, prendre la parole au nom des nations, contribuer aux communiqués finals et, éventuellement, proposer des décisions communes. Les deux chefs d’entreprises participent à des consultations officielles en dehors du sommet lui-même. Cela correspond à une tendance de fond des enceintes internationales : dans le cadre de l’ONU, des institutions de Bretton Woods (FMI et Banque Mondiale), des COP ou encore des organisations internationales régionales (UE, Union africaine, ASEAN) les gouvernants ont souhaité associer les acteurs de la société civile. Ils le font sous la forme de panels, de discussion, de débats, etc. avec des associations, des ONG, etc. Mais les Etats gardent le monopole des relations internationales comme acteurs décisionnaires.

J’ai déjà abordé les raisons de la présence de Klaus Schwab, comme créateur d’une tribune privée mondiale pour les chefs d’Etat à Davos et dans les forums thématiques et régionaux dérivés qu’il a créé. Quant à Bill Gates, 4ème fortune mondiale selon le classement Forbes en 2021, il y participe au titre de la Fondation qu’il a créée avec son épouse Melinda. Dotée de plusieurs dizaines de milliards de dollar, cette fondation est un acteur clé de l’Aide Publique au Développement (APD) car il est souvent estimé qu’elle contribue à plus d’un quart de l’APD privée mondiale chaque année. Ses actions sont multiples dans les domaines humanitaires. La raison principale de l’invitation de Bill Gates à certaines réunions autour du G20 en Indonésie est le poids et le professionnalisme de la fondation dans ces programmes d’aide au développement. Aucune des deux organisations, le World Economic Forum et la Fondation Gates, ne sont des institutions publiques. Elles ont assurément des intérêts privés à défendre. Mais elles sont associées, par le biais de leurs créateurs, à la vie internationale que le G20 essaie, depuis sa création de renouveler afin qu’elle reflète les mouvements de mondialisations.

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Dans quelle mesure sont-ils, ou non, des interlocuteurs importants et influents pour les leaders mondiaux ?

Cyrille Bret : Les limites imposées aux marges d’action des gouvernants étatiques sont bien connues, surtout dans les sociétés démocratiques. Médias, Parlements, syndicats, crise des finances publiques, concurrence des grandes sociétés, etc. tous ces facteurs réduisent le poids des dirigeants nationaux sur la scène politique intérieure et extérieure. Les acteurs non étatiques (ONG, associations, fondations, entreprises, etc.) jouent un rôle très important en raison de leur puissance financière et de la concentration de leurs ressources sur quelques thématiques précises et médiatisées. Bien souvent, les dirigeants étatiques ont besoin des fondations privées pour réaliser certaines missions que les administrations classiques ont de la peine à faire.

Bill Gates et Klaus Schwab ne doivent pas être les arbres qui cachent la forêt. Dans les relations internationales, de nombreuses initiatives privées (entrepreneuriales, philanthropiques, médiatiques, intellectuelles, etc.) se développent avec un certain impact sur le destin des peuples. En particulier, la médiation privée, réalisée par des organisations privées pour résoudre des conflits, favoriser les cessez-le-feu, rendre possibles des échanges de prisonniers est devenue importante dans des zones de conflits latents de longue durée : dans les Balkans, dans le Caucase, en Amérique centrale ou encore en Asie du Sud-est.

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