Mais à quelles conditions les entreprises occidentales pourront-elles continuer à faire du business avec des dictatures ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Un chef d’entreprise ou un investisseur peut prendre des risques liés à la concurrence, mais à condition que cette concurrence soit loyale.
Un chef d’entreprise ou un investisseur peut prendre des risques liés à la concurrence, mais à condition que cette concurrence soit loyale.
©Flickr/Victor1558

Atlantico Business

Au-delà des responsabilités environnementales et sociales, la mondialisation impose désormais aux chefs d’entreprises de nouvelles contraintes morales liées aux contextes politiques.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

Voir la bio »

Il va être de plus en plus difficile pour les chefs dentreprise de faire du business avec la Chine ou lIran et demain, avec la Russie quand la guerre sera terminée.

Avec la crise pandémique, la crise climatique et la guerre en Ukraine, la mondialisation sest découvert des contraintes qui vont fortement freiner la croissance mondiale, sauf à ce que les acteurs acceptent des changements de comportement personnel et même politiques importants.

Jusqualors, les économistes ont rarement pris en compte les questions morales. Une entreprise ne fait pas de morale, elle na pas à en faire. Elle créé de la richesse et son obligation première est de générer du résultat. Alors, les chefs dentreprise étudient les arbitrages, les incitations et les interactions, mais ils laissent les jugements de valeur à la sphère politique et sociétale.

Par contre, les jugements moraux, eux, n’épargnent pas le domaine de l’économie sauf que ces jugements portent le plus souvent sur les chefs dentreprise et il ny a rien danormal dans cette habitude de sinterroger sur la morale des patrons.

Les chefs dentreprise ont une responsabilité personnelle et ça nest pas parce quils sont chefs dentreprise quils pourraient s’épargner de respecter les valeurs qui normalement simposent à tout le monde :

- La justice, la loyauté honnêteté, la générosité et la responsabilité individuelle sont des idéaux supérieurs auxquels on croit important dobéir.  De même quil faut respecter la liberté des autres et « ne pas faire aux autres ce qu'on ne veut pas qu'ils nous fassent ». Autant de règles fondamentales de conduite qui font que la vie en société est régulée pour être le plus souvent agréable.

En clair, et cest dans lADN des systèmes capitalistes, les entreprises ne font pas de moral mais les chefs dentreprise doivent avoir un comportement moral dans lexercice de leur fonction. 

Alors si les entreprises ne font pas de morale, elles ont un certain nombre de règles à respecter, que la société redéfinit en permanence. Le droit social et commercial a imposé des contraintes qui fixent les conditions de travail et le droit commercial a établi un code qui permet les échanges commerciaux. Le respect de ces codes ne relève pas dun comportement moral, mais dun comportement juridique.

Depuis quelques années, on a vu les entreprises se soumettre à des obligations nouvelles qui ne leur étaient nullement imposées par le droit, puis le droit est venu organiser et définir avec précision la nature des obligations nouvelles : dans lorganisation du travail, les conditions demploi et de salaires et surtout dans toutes les questions environnementales et sociales.

Mais dans ces domaines-là, le droit ou la règle sont venus encadrer des pratiques poussées par les contrepouvoirs dans lentreprise.  

Les syndicats, les consommateurs et les actionnaires ont beaucoup œuvré pour obliger lentreprise à se donner dautres objectifs que loptimisation financière. Aujourdhui, assez peu dentreprises ne soccupent pas de leur empreinte Carbone, de recyclage de leur déchets et de la traçabilité de leurs composants.

La RSE ne relève pas de la morale, la RSE relève de la nécessité commerciale et industrielle  avant même de répondre à des incitations ou des risques de pénalisation.

Ce qui est nouveau depuis la pandémie, la crise climatique et surtout la guerre en Ukraine, cest que la société va de moins en moins accepter quune entreprise occidentale se soustrait à ses engagements sociétaux en allant travailler ou sapprovisionner dans des pays émergents ou autoritaires qui ne respectent aucune norme sanitaire, environnemental, sociale et qui peuvent en permanence poser des risques juridiques importants.

En termes clairs, une entreprise occidentale peut toujours vérifier que ces productions en provenance de pays lointains respectent les normes écologiques, les normes sociales. Elles peuvent en payer le prix et inciter le pays producteur d’évoluer dans le sens dune RSE.

Mais une entreprise occidentale ne pourra jamais demander des comptes à un pays qui ne respecte pas les droits de l’Homme, la liberté individuelle. Ce sera pour elle très compliqué parce que lentreprise na pas à se mêler de lorganisation politique du pays dans lequel elle travaille.  

Ça va être compliqué, sauf dans les pays franchement autoritaires qui ne respecteraient pas les contrats internationaux, le droit de la propriété, la liberté de faire du commerce.

En Russie aujourdhui, aucun investisseur étranger nira sengager dans le pays tant quil naura pas abandonné les pratiques terroristes et réparer les dommages de guerre qu’il a commis.

LIran sera interdite et la Chine sous surveillance parce la Chine na pas toujours respecté les accords de réciprocité auxquels elle s’était engagée en signant son entrée dans lOMC.

Les dégât considérables provoqués par la guerre, les dégât provoqués par un covid qui est né en Chine, les dégât climatiques quand on pourra les évaluer, toutes ces crises vont donner lieu à des kyrielles de procès que des milliers davocats vont plaider pour pouvoir jouer au commerce international dans des conditions de sécurité acceptable.  

Un chef dentreprise ou un investisseur peut prendre des risques liés à la concurrence, mais à condition que cette concurrence soit loyale. Aucun chef dentreprise ne prendra le risque de faire de affaires avec un État voyou, terroriste ou dictatorial qui ne garantirait pas la sécurité.

Si les chefs dentreprise prenaient ses risques-là, ils seraient très vite sanctionnés par leurs consommateurs, leurs salariés ou leurs actionnaires.

Le comportement moral en Occident est garanti par lEtat de droit. Mais un comportement immoral à linternational sera sanctionné très rapidement par le marché, cest-à-dire les clients, les salariés et les actionnaires.

Cette pression-là est nouvelle, elle va changer singulièrement la donne à la mondialisation.  

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !