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Serge Schweitzer publie "Le libéralisme : autopsie d'une incompréhension".
Serge Schweitzer publie "Le libéralisme : autopsie d'une incompréhension".
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

"Autopsie d'une incompréhension"

Serge Schweitzer, dans son ouvrage "Le libéralisme : autopsie d'une incompréhension", démontre la cohérence de la pensée libérale et revient sur son ancrage dans la philosophie des Lumières et son extraordinaire efficacité pratique.

Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Serge Schweitzer publie le second opus de sa trilogie sur le libéralisme. Une trilogie qu’on pourrait, en pastichant Adam Smith, appeler « Recherches sur la nature et les causes du désamour du libéralisme ». Car c’est, me semble-t-il, l’enjeu du travail de l’auteur.

Dans « Le libéralisme : autopsie d’une incompréhension », l’auteur analysait la désunion des Français avec le libéralisme sous l’angle politique et médiatique, et démontrait que critiquer le libéralisme relevait d’une stratégie efficace pour légitimer le rôle des dirigeants et assoir la crédibilité des intellectuels.

Avec « Le Libéralisme : fragments d’une reconsidération », Serge Schweitzer entend à présent démontrer non seulement la cohérence de la pensée libérale mais aussi son ancrage dans la philosophie des Lumières et son extraordinaire efficacité pratique.

Revenant sur les fondements de la philosophie libérale, il met en évidence son caractère rationnel, profondément humaniste et fondamentalement tolérant et démontre, à grands renforts de références historiques et d’anecdotes surprenantes, l’évidente filiation qui existe entre libéralisme, Lumières et christianisme. Ainsi, le libéralisme naît bien d’une démarche philosophique, fondée sur la raison, et ayant pour but l’émancipation de tous les hommes. Il s’agit là d’un point essentiel de l’ouvrage car, en filigrane, il éclaire l’étrange situation du libéralisme actuel.

Cette pensée, aujourd’hui considéré comme l’éloge de l’individualisme forcené et la revendication de la loi du plus fort, n’est pas apparue en réaction à la philosophie des Lumières ; au contraire, elle en était l’expression la plus communément partagée. Rien de plus étranger au libéralisme que la loi du plus fort ou l’anarchie ; ce que l’ouvrage explique clairement en accordant une large place au lien entre libéralisme, justice et droit. Du point de vue libéral, le droit est essentiel. Il garantit la bonne coordination des hommes et des femmes, offrant une alternative aux attitudes violentes, pacifie les interactions et favorise la découverte de nouveau arrangement chaque fois qu’un problème social se fait jour. A condition bien sûr d’être un droit dynamique et stable, capable de garantir certains principes tout en évoluant avec les mentalités et les changements techniques.

Raison pour laquelle le libéralisme promeut le droit, mais un droit plus jurisprudentiel que législatif, produit par les interactions humaines et non par une autorité, un droit d’en bas et non par le haut. De cette conception découle le reste de l’organisation sociale : le marché pour les affaires économiques, la société civile pour les affaires publiques, la souveraineté de chacun dans sa sphère privée. Et cela fonctionne ! Comme en témoignent de multiples références et auteurs, tout au long de l’ouvrage, c’est bien cette organisation qui a rendu possible l’extraordinaire prospérité de nos sociétés.

Par ces rappels et ces développements, Serge Schweitzer démontre non seulement l’extrême cohérence du libéralisme mais aussi son incomparable efficacité pour produire de la richesse. Et voilà bien tout l’intérêt d’un tel ouvrage : synthétiser en une centaine de page une pensée trop foisonnante, souvent aride et bien souvent incomprise, pour lui redonner tout son crédit et son lustre.

Reste une incertitude. Un tel ouvrage saura-t-il convaincre les plus jeunes ? Parce qu’il revient aux fondements du libéralisme, il peut exciter l’attention des chercheurs et des lecteurs avides théories et de concepts, c’est certain. Mais ce faisant, il n’accorde que peu de place aux enjeux les plus actuels et qui inquiètent le plus la jeune génération. Le libéralisme est-il une solution crédible face au réchauffement climatique ? Qu’a-t-il à dire sur la montée des identitarismes et communautarismes ? Y a-t-il un lien entre libéralisme et la polarisation politique en ligne ? Et quid des inégalités, pas seulement financières mais aussi culturelles et sociales ?

Un tel ouvrage n’avait pas pour but de répondre à ces questions, et on ne saurait lui reprocher de les avoir évincées. Mais pour réellement reconstruire une pensée libérale séduisante, il faudra sans doute en passer par là. Peut-être dans le dernier opus de la trilogie ? Il s’appellera « Le libéralisme : matériaux pour une reconstruction ».

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