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Macron en Guyane : pourquoi rien ne changera sans un courage politique qui dépasse de très loin un simple affichage de fermeté
©jody amiet / AFP

Bombe démographique

Six mois après le mouvement social guyanais, Emamnuel Macron est en visite en Guyane, où il a déclaré qu'il ne prendra pas d'engagements "irréalistes".

Jacques  Ménardeau

Jacques Ménardeau

Jacques Ménardeau est juriste de droit public ainsi qu'un haut fonctionnaire ayant été en poste en Outre-mer. Il écrit pour Atlantico sous pseudonyme.

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Atlantico : Emmanuel Macron a martelé lors de sa visite en Guyane que lui n'accumulerait pas les promesses mais tiendrait ses engagements à la différence de ses prédécesseurs. A quel point la Guyane comme les autres Territoires d'outre-mer ont-ils reçu des promesses non suivies d'effets dans le passé ?

Jacques Ménardeau : La Guyane a le plus haut niveau de vie d'Amérique latine. Les paroles d'Emmanuel Macron relève de la logique classique "mes prédécesseurs étaient des incapables". La situation n'est pas bonne dans le département d'outre-mer donc il accuse ceux d'avant. Ce sont des paroles de politiciens.

Dans les gouvernements précédents, il n'y a pas eu beaucoup de promesses formalisées en accords normalisés. Les derniers accords en dates sont ceux qu'il y a eu dans les derniers mois de la présidence Hollande. Ces accords prévoyaient un milliard supplémentaire pour la Guyane et le gouvernement s'est engagé à voir ce qu'il en serait des deux milliards supplémentaires demandés par les collectifs. Cet engagement a été pris par l'état français en avril dernier et a été renouvelé par Emmanuel Macron.

Macron tient un discours convenu mais il ne peut pas faire dire autre chose parce qu'il ne peut pas faire autrement que ses prédécesseurs. Mettre plus d'argent risque d'être compliqué pour des finances françaises qui ne sont pas en forme.

Pourquoi la Guyane est-elle confrontée à de tels problèmes sociaux ? La logique d'assistance et de perfusion financière de l'Etat central adoucit-elle la situation ou l'aggrave-t-elle ?

Les problèmes du territoire sont d'abord la démographie. Elle est bien plus supérieure à celle de la métropole et bien supérieure à celle des Antilles aussi. À cela s'ajoute une immigration très pressante. Il y a de plus en plus de monde en Guyane : c'est très difficile d'avoir un chiffre exact mais on peut estimer la population de 230 000 à 240000 habitants avec la perspective d'une population qui atteindrait le demi-million en 2030. Les collectivités locales ont une large liberté d'action mais n'ont pas beaucoup d'argent (ce qui est problématique pour les écoles qui accueillent beaucoup : la population est très jeune). Et par ailleurs il y a une réelle insécurité qui ne cesse d'augmenter et les collectifs ont raison de le dire. En parallèle, les coûts économiques de production en Guyane sont très élevés car les standards sont européens (et elle ne peut donc pas vendre ses produits à ses voisins avec des coûts si élevés). Rien ne fonctionne.

Au regard des contraintes budgétaires françaises, quelles seraient de véritables solutions durables ?

Il n'y a pas de solutions pour remédier à ces problèmes. À propos de la démographie, la forte natalité dépend des groupes ethno-sociaux : c'est très difficile de faire quelque chose. En parallèle, l'immigration est très difficile à contrôler aussi. Peut-être faudrait-il optimiser les salaires des fonctionnaires. L'économie de la Guyanetourne autour des fonctionnaires qui ont des surprimes et des commerçants qui pratiquent des prix élevés pour accaparer les surprimes. Il a été de nombreuses fois questions de diminuer les primes des fonctionnaires mais les guyanais n'en n'ont pas très envie, forcément.

La France va mettre un peu plus d'argent, comme toujours. On met plus d'argent pour calmer le jeu jusqu'aux prochaines protestations. Structurellement c'est la réalité de la Guyane, un territoire français de droit communs dont les structures économiques essentielles ne lui permettent pas un développement autocentré. Il faudrait qu'une large partie des fonctionnaires guyanais, des citoyens français, natifs pour la plupart, noirs ou créolisant, acceptent qu'on leur retire quelques avantages. Un fonctionnaire en Guyane touche 40% de plus qu'un fonctionnaire en métropole. Cela se répercutent sur la plupart des prix des marchandises : le département importe la plupart des biens dont il a besoin et ce qu'il produit est trop élevé pour être vendu au Brésil, au Surinam ou ailleurs. Le département reste en parallèle très attractif pour les immigrants (et notamment les haïtiens).  

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