Lutte contre le terrorisme : le coup de gueule des syndicats de police adressé à M. Cazeneuve<!-- --> | Atlantico.fr
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En un peu moins de dix ans, 36 policiers ont trouvé la mort en mission et 112 en service.
En un peu moins de dix ans, 36 policiers ont trouvé la mort en mission et 112 en service.
©Reuters

Info Atlantico

Le ministre de l’Intérieur ne tiendrait pas suffisamment compte des desiderata et avis des policiers en matière de lutte contre le terrorisme. C’est ce que vient de faire savoir, dans une lettre très critique, l’UNSA-FASMI, qui regroupe le syndicat des commissaires de la police nationale (très majoritaire), les officiers ainsi que les gradés et gardiens de la paix, à Bernard Cazeneuve. Le torchon brûlerait-il entre policiers et la place Beauvau ? Dossier - sensible - à suivre.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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Les pouvoirs publics emploient-ils vraiment tous les moyens pour lutter contre le terrorisme ? La question peut paraître à la fois brutale et incongrue. Et pourtant, à lire la lettre de deux pages – dont Atlantico a eu connaissance- adressée le 8 septembre par la Fédération autonome des syndicats du Ministère de l’Intérieur (UNSA-FASMI) - qui regroupe le syndicat des commissaires de la police nationale (très majoritaire), les officiers ainsi que les gradés et les gardiens de la paix- au ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, la question est parfaitement légitime.

D’emblée, évoquant les différents chantiers, notamment de la sécurité, qui font l’objet de concertation avec les syndicats de police, les auteurs de la lettre écrivent : "Nous relevons avec étonnement l’absence de la problématique qui sévit durablement au cœur de notre société, faisant peser une menace grave sur les citoyens en général, et les effectifs de police en particulier"… Une phrase lourde de sens qui fait allusion au lourd tribut payé par les policiers lors des attentats de janvier 2015 qui firent deux morts parmi les fonctionnaires de police ainsi qu’une policière municipale.

Puis, la missive adressée au Ministre, après avoir regretté que pas le moindre arbitrage n’ai été rendu sur l’adoption d’une arme puissante "capable de rivaliser avec les armes de guerre dont sont porteurs les terroristes" en vient au sujet épineux, celui qui fâche : la question de la légitime défense. A chaque fait divers sanglant qui voit un policier riposter et tuer un individu potentiellement dangereux, la question, tel un serpent de mer, resurgit. Eric Ciotti, député UMP des Alpes-Maritimes a déposé, en février 2015, une proposition de loi qui a pour objectif d’aligner le système de légitime défense pour les policiers à celui dont bénéficient les gendarmes. En effet le Code de la défense protège le gendarme qui peut tirer après sommation, alors que la loi en matière de légitime défense s’applique aussi bien pour le policier que pour le citoyen. A savoir que ce dernier ne peut tirer sur son agresseur qu’en cas de nécessité absolue et à condition que sa riposte soit proportionnelle à la dite attaque. Le député des Alpes-Maritimes souhaite, dans sa proposition de loi, que le policier puisse tirer sur un individu "en cas de danger imminent" ou encore lorsque le fonctionnaire subit des "violences graves." 

Rappelons qu’en un peu moins de dix ans, 36 policiers ont trouvé la mort en mission et 112 en service. Des statistiques qui ne peuvent laisser indifférents. A la notion de "danger imminent", l’UNSA- FASMI, dont le secrétaire général est Philippe Capon propose, avec sagesse, toujours dans sa lettre adressée à Cazeneuve d’aménager les règles de la légitime défense en leur donnant pour cadre "les périodes de danger absolu." Pour ce faire, la fédération aurait souhaité que les équipages de policiers soient entrainés aux tirs et aux techniques de sécurité… Hélas, cette suggestion n’a pas été retenue. Décidément remontés contre le ministre de l’Intérieur, les rédacteurs de la missive poursuivent : "Ce décalage entre le temps administratif et l’intensité de la préoccupation de nos collègues est particulièrement délétère au vu de l’importance des enjeux. S’y ajoute le paradoxe consistant à encourager le dépôt de l’arme de service dans des casiers individuels [mesure destinée à lutter contre les suicides, véritable fléau] et à retirer leur titre de circulation aux policiers parisiens au moment où il paraitrait indiqué de rechercher la présence en tous lieux – et particulièrement les transports en commun- des personnes formées à l’intervention, fussent-elles hors service."

Conclusion, guère surprenante : "Il en résulte pour nos collègues un fort sentiment d’incompréhension." Qui peut nier que le gouvernement Valls a pris la dimension du terrorisme djihadiste qui menace le pays ? Témoin, par exemple, le plan Vigipirate placé au plus haut niveau et les 10 000 militaires mobilisés sur l’ensemble du territoire national. N’en déplaise à certains esprits un peu trop angéliques, l’arsenal juridique voté il y a quelques mois pour éradiquer le terrorisme était nécessaire.

L’attentat déjoué le 26 août dans le Thalys- Amsterdam-Paris qui aurait pu être un carnage sans l’intervention de quelques héros qui ont réussi à neutraliser Ayoub El Khazzani, un marocain de 26 ans, démontre aussi que la loi peut être encore renforcée. Désormais, l’opinion l’a compris : nous sommes en guerre contre le terrorisme. Une guerre qui n’est pas prête de se terminer. Sauf que, c’est l’ultime reproche adressé au ministre de l’Intérieur, l’UNSA-FASMI a du mal à comprendre l’intérêt à créer des strates successives pour lutter contre le terrorisme. Récemment, Bernard Cazeneuve a mis sur pied cet été, dans l’urgence, un Etat-major opérationnel pour la prévention du terrorisme (EMOPT). Or existe déjà depuis 1984, l’Unité de coordination de lutte contre le terrorisme (UCLAT) qui a largement fait ses preuves. Dès lors, comment en pratique, vont fonctionner ses deux structures, d’autant que la DGSI a elle aussi comme mission d’éradiquer le terrorisme ? N’y aura-t-il pas une concurrence absurde pouvant nuire à l’efficacité ? L’UCLAT dépend du directeur général de la police nationale, tandis que l’EMOPT qui doit veiller notamment à ce que les suspects terroristes ne passent pas à travers les mailles du filet policier dépend exclusivement de Bernard Cazeneuve. C’est même son bébé. Tout est dit… 

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