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LR peut-il profiter de la nouvelle campagne qui s’ouvre pour discrètement améliorer son score décevant du 1er tour ?
©Philippe LOPEZ / POOL / AFP

Elections municipales

Alors que Florence Berthout vient de rallier à nouveau LR et Rachida Dati pour le second tour des municipales à Paris, à quelles nouvelles alliances faut-il s'attendre pour Les Républicains pour les prochaines élections municipales ?

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico.fr : Alors que Florence Berthout rallie de nouveau LR et Rachida Dati pour le second tour des municipales à Paris, à quelles nouvelles alliances devrions-nous nous attendre pour les LR pour les prochaines élections ? 

Jean Petaux : On sait, en particulier depuis ce le documentaire d’Yves Jeuland « Paris à tous prix » (2001) devenu culte, combien la situation politique parisienne ne manque ni d’ingrédients ni de rebondissements. Une des vraies caractéristiques des élections municipales (on tend à observer la même chose avec les régionales, mode de scrutin oblige) réside dans la possibilité d’alliances entre les listes entre le premier et le second tour. Dans les communes de plus de 1000 habitants, une liste qui obtient entre 5 et 10% des suffrages exprimés peut fusionner avec une liste autorisée à se maintenir au second tour, autrement dit qui aura recueilli plus de 10% des suffrages exprimés. Ce que l’on sait moins par exemple c’est que c’est la tête de liste qui décide de la stratégie à adopter pour le second tour et a reçu, pour cela, mandat de ses colistiers qui lui abandonnent, en quelque sorte leur « destin ».  A Jarnac (16) par exemple, ces derniers jours, un jeune candidat tête de liste (celle arrivée en tête au soir du premier tour) a ainsi refusé de faire alliance avec une autre liste au prétexte que les prétentions de cette dernière étaient bien trop élevées. Il a claqué la porte de la négociation, préférant faire que sa liste ne passe pas d’alliances, à la grande surprise de sa première colistière qui n’a pu, dans la presse locale, que faire état de sa très grande surprise, commentant ainsi cette séquence : « C’est de la responsabilité du tête de liste, je le regrette mais je ne peux que m’incliner ».

Le scrutin municipal de 2020 a vu l’explosion des « listes divers quelque chose » ou encore « sans étiquette ». Pour la première fois dans l’histoire des élections municipales cette pratique du « désétiquetage » a été partagée par la droite et la gauche, voire l’extrême-gauche. Il n’y a guère que le RN qui a souhaité afficher ses couleurs. Mais le RN a été confronté à d’autres soucis : le manque de candidats au plan local, au point que, c’est une « première » à mon sens pour le premier parti politique de France, le RN n’a présenté aucune liste dans le département des Landes. Même les « Verts » ont eu tendance à mettre leur drapeau dans leur poche, essentiellement parce qu’ils étaient en coalition avec d’autres formations politiques et des candidats non-encartés dans un parti. On peut pourtant imaginer que l’heure étant au « Green » (en particulier chez les plus jeunes) il n’était pas forcément contre-intuitif de mettre en avant son « fanion » « Ecolo ». Depuis les Municipales de 1971, les forces de gauche que le Programme Commun d’Union de la Gauche (PS, PCF et MRG) allait « coaliser » de 1972 à septembre 1977 puis la « Gauche plurielle «  (PS, PCF, MRG, MDC et « Verts ») entre 1995 et 2002 avaient coutume, au plan local, d’afficher clairement leur tropisme politique, renvoyant les « sans étiquettes » à droite. Cette posture était tellement admise que les analystes eux-mêmes classaient « divers droite » les listes non-labellisées par un parti politique précis. En 2020, (conséquence de la départisanisation ou réplique du grand choc de 2017 avec l’explosion du PS et de LR ?), la floraison des « listes citoyennes » (appellation « cache sexe » de listes souvent pilotées par LFI) , « listes participatives » (mélange de Gilets Jaunes et de militants associatifs locaux) ou de « listes d’intérêt local » (plutôt marquées à droite celles-là) a amené la multiplication, au sein du Bureau des Elections du Ministère de l’Intérieur des fameuses « catégories » : LDIVG ; LDIVD ; jusqu’à l’étiquette improbable « LDIVC » (Liste divers centre) qui a été retoquée par le juge administratif, tellement elle procédait de la « granulologie électorale » et de l’étiquetage artificiel, à moins qu’elle ne cachait alors une « stratégie du coucou » assez grossière, consistant non pas à pondre ses œufs dans le nid des autres, mais à faire main-basse sur eux.

Dans un tel contexte Les Républicains (mais cela vaut aussi pour les Socialistes et, plus généralement pour les maires sortants) disposent de plus de latitude pour s’allier avec tel ou tel, au gré des situations locales, en « faisant », pourrait-on dire, « leur marché électoral » et en choisissant de se coaliser avec des listes (quantitativement plus nombreuses qu’en 2008 ou 2014, la scène locale étant très éclatée en 2020) « sur étagères » en somme. A condition qu’elles aient dépassé le seuil fatidique des 5% des SE. Pour s’allier avec une liste ayant franchi la barre des 10% la situation est plus complexe car elle autorise la liste « donneuse » à faire monter les enchères en terme de sièges à partager de la part de la liste « receveuse ». La première liste (celle qui devrait rejoindre) a ainsi toujours la ressource de se maintenir au risque de faire perdre celle (qui devrait accueillir) qui n’a pas voulu « ouvrir » sinon ses bras, du moins ses rangs (cas possible pour la situation de Jarnac citée plus haut).

Le « cas lyonnais » qui vient de connaître une sérieuse accélération ces dernières heures est-il, selon vous, significatif des stratégies d’alliance que peuvent passer LR ?

Vous avez raison d’évoquer la situation à Lyon car elle constitue un bon exemple de ce « maelström électoral ». Le « cas lyonnais » montre qu’il y a une pluralité de configurations possibles pour LR au niveau des coalitions. Chacune est spécifique en fonction des contextes locaux. Quand vous n’avez plus de ligne politique forte vous êtes « open » pour toutes les combinaisons et autres martingales.

On savait, depuis le célèbre aphorisme d’Edouard Herriot, indétrônable maire de Lyon pendant plus de 46 ans, que la « politique pour être réussie devait, comme l’andouillette, sentir la m… mais pas trop », Herriot s’y connaissait d’autant plus en andouillette qu’il était né à … Troyes. On a, ces dernières 24 heures, une drôle d’illustration de la citation d’Herriot grâce à Gérard Collomb, « boss » incontesté de la vie politique lyonnaise depuis 20 ans. On connait son parcours : PS puis premier soutien politique « de poids » d’Emmanuel Macron, reconnu comme tel en étant son premier ministre de l’Intérieur jusqu’à l’automne 2018. Cacique du PS pendant toute sa carrière politique mais suffisamment pragmatique pour, à travers ses réseaux transversaux et humanistes, avoir travaillé en bonne intelligence avec Raymond Barre à Lyon dont il fut un « opposant constructif », Gérard Collomb a sorti l’artillerie lourde pour empêcher fin juin une victoire des « Verts » arrivés en tête, en voix, sur la totalité de la ville de Lyon (28,46% des SE). Seulement troisième du premier tour, la liste Cucherat, dans laquelle figure Gérard Collomb), soutenu officiellement par LREM n’a obtenu que 14,92% des voix, soir 2,09% de moins que la liste LR. Si LREM n’avait pas été divisée avec la candidature dissidente de Georges Képénékian (11,98% des SE), Collomb aurait largement devancé LR. Les deux listes « LREM » (« l’officielle » et la « dissidente ») auraient même talonné avec près de 27% des voix, la liste écologiste. Il faut rappeler néanmoins que Lyon, l’une des trois métropoles au statut « PLM » avec Paris et Marseille dispose d’un mode de représentation des élus par arrondissement très complexe où le score obtenu en voix sur l’ensemble de la ville ne suffit pas à garantir une majorité en sièges au conseil municipal. La particularité de l’accord lyonnais tel qu’il semble se dessiner réside dans le fait que la liste LR arrivée en deuxième position se désiste en faveur de la liste LREM qui la suit. On pourrait se dire que les électeurs Les Républicains ne vont pas comprendre la manœuvre, hormis qu’il s’agit-là d’un « donnant-donnant » : « à vous (LR) la présidence de la Métropole du Grand Lyon, à nous (LREM) la conservation de la ville », ce sont les termes du « deal » passé. Pas certains néanmoins que les électeurs lyonnais n’avalent cette « quenelle ». Déjà, sur l’ensemble de la ville, le 15 mars dernier, l’abstention a dépassé les 60% des inscrits (61,05% précisément). Dans le 8è arrondissement elle a dépassé les 67% et dans le 9è les 66% au point que, dans ce secteur, la liste conduite par Gérard Collomb lui-même, arrivée deuxième, a à peine dépassé 7% des inscrits (7,29%). Si on ajoute les petits arrangements entre « amis » aux effets abstentionnistes du Covid-19, il y aura à coup sûr une sérieuse attaque virale contre la démocratie locale en terre lyonnaise. Le « Baron Gérard » pourrait bien faire les frais de cette opération de sauvetage. Une « fin de partie » politique assez peu glorieuse à titre personnel et carrément désastreuse pour ses alliés. Pour revenir à LR c’est le principal risque qu’ils encourent. Mais, eux aussi, ont-ils d’autres choix ?

Après la crise du Covid 19 qui a mis à mal la majorité présidentielle, les élus LR peuvent-ils espérer faire un meilleur score au second qu'au premier tour des municipales ? 

Je ne dirais pas que les LR ont fait un mauvais score au premier tour. Tout dépend de ce que l’on compare. En 2014 les Municipales ont été plutôt très favorables à l’UMP de l’époque, devenue LR en 2015. Organisées deux ans après l’élection présidentielle de François Hollande, elles correspondaient pleinement à la définition des « élections intermédiaires » qu’a pu donner Jean-Luc Parodi, s’inspirant de la catégorie nord-américaine des « mid-terms elections ».  Il est donc évident qu’en 2020, les LR remettaient en jeu davantage de mairies gagnées en 2014 que leurs concurrents. Ne parlons même pas de LREM qui partait de zéro aux Municipales de 2020, ne dirigeant (et pour cause…) aucune cité en 2014. Il y a eu néanmoins des maires sortants étiquetés LREM aux Municipales de 2020, ceux qui s’étaient ralliés à Emmanuel Macron depuis 2016 et surtout après la séquence « présidentielle – législatives » de 2017. Cette étiquette ne les a guère aidés au premier tour, fonctionnant plus comme un « boulet » que comme un « booster ».

Pour revenir aux LR, ceux-ci prenant plus de risques que les Socialistes (moins nombreux parmi les sortants) ils ont forcément été plus « chahutés » au premier tour le 15 mars dernier que le PS et ses alliés. Mais il n’en demeure pas moins que la traditionnelle prime au sortant, bien que moins forte du fait du « crash » de la participation qui a surtout touché une population de plus de 65 ans, généralement très « civique » et surtout plutôt légitimiste au sens de largement favorable au maire sortant et à ses colistiers (qui visitent les EHPAD ou sont très présents dans les fêtes de personnes âgées et les « clubs Seniors »), la prime au sortant donc a, encore une fois, bien fonctionné. Une des hypothèses que l’on peut formuler pour le potentiel second tour prévu le 28 juin, c’est que cette prime s’appliquera encore plus compte tenu du fait que les élus en place et sortants n’ont pas chômé depuis le 17 mars, premier jour du confinement. Ils trouveront peut-être dans la mobilisation de leurs électeurs traditionnels, toutes étiquettes politiques confondues, entre LR, MODEM, PS et PCF, un renfort électoral qui les fera passer du statut de « sortants » à celui de « réélus ».

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