LR : ce que veulent vraiment les électeurs de droite <!-- --> | Atlantico.fr
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Christian Jacob, président des Républicains, prononce un discours lors d'une réunion au siège du parti, à Paris, le 6 juillet 2021.
Christian Jacob, président des Républicains, prononce un discours lors d'une réunion au siège du parti, à Paris, le 6 juillet 2021.
©ALAIN JOCARD / AFP

Attentes des citoyens

L’examen des résultats électoraux des 20 dernières années comme des déclarations faites dans les enquêtes d’opinion donne une idée beaucoup plus précise que ce que les dirigeants du parti semblent avoir en tête. 

Luc Rouban

Luc Rouban

Luc Rouban est directeur de recherches au CNRS et travaille au Cevipof depuis 1996 et à Sciences Po depuis 1987.

Il est l'auteur de La fonction publique en débat (Documentation française, 2014), Quel avenir pour la fonction publique ? (Documentation française, 2017), La démocratie représentative est-elle en crise ? (Documentation française, 2018) et Le paradoxe du macronisme (Les Presses de Sciences po, 2018) et La matière noire de la démocratie (Les Presses de Sciences Po, 2019), "Quel avenir pour les maires ?" à la Documentation française (2020). Il a publié en 2022 Les raisons de la défiance aux Presses de Sciences Po. Il a également publié en 2022 La vraie victoire du RN aux Presses de Sciences Po. En 2024, il a publié Les racines sociales de la violence politique aux éditions de l'Aube.

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Atlantico : Une réunion importante pour l’avenir des Républicains et pour les contours de la campagne présidentielle s’est déroulée dans la soirée de mardi. Si l’on regarde les résultats électoraux passés du parti dans les élections nationales, quelles sont les configurations idéologiques et programmatiques qui ont vraiment mobilisé les électeurs ?  Qu’est-ce qui a séduit dans le programme de Nicolas Sarkozy en 2007, mais pas en 2012, qui a permis à François Fillon de résister aux affaires ou contribué au score médiocre de Bellamy en termes de programmes/valeurs ?

Luc Rouban : Il faut tout d’abord faire attention à trois faits centraux avant de réfléchir aux contenus idéologiques. Tout d’abord, les élections présidentielles se jouent sur le fil du rasoir depuis 2012. La défaite de Nicolas Sarkozy s’est jouée à 3,3 % de différence avec François Hollande. L’impossibilité pour François Fillon d’accéder au second tour en 2017 s’est jouée, elle, à 1,3% près avec Marine Le Pen. La tendance en faveur de la droite parlementaire de l’électorat français est forte, et encore plus si on ajoute les voix qui se sont portées sur Nicolas Dupont-Aignan et les petits candidats.

Ensuite, l’élection européenne de 2019 s’est déroulée dans la foulée de la crise des Gilets jaunes, suscitant un réflexe électoral d’une partie de la droite en faveur de LREM afin d’envoyer un message de soutien à Emmanuel Macron et aux institutions de la Vᵉ République fort décriées par un mouvement très contestataire. On peut ajouter à cela que François-Xavier Bellamy était très jeune, inconnu du grand public et sans doute trop raffiné pour une compétition électorale. En ce qui me concerne, j’écarterais donc du débat les européennes, aux enjeux souvent assez flous, pour me concentrer sur l’élection présidentielle.

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Le troisième facteur est l’évolution du contexte économique et international. En 2007, Nicolas Sarkozy a déjà une grande expérience politique derrière lui et se revêt d’une image d’homme de droite moderne, disant clairement ce qu’il pense, sans doute un peu populiste mais dont le franc-parler signifie qu’il est là pour réformer le pays en sortant de l’immobilisme qui caractérise le dernier mandat de Jacques Chirac. Son programme est libéral sur le plan économique et entend durcir le ton sur le terrain régalien et de la lutte contre le crime et la délinquance. Mais ce programme sera laminé par la crise économique de 2008, en appelant à la défense des filets de sécurité que constituent l’intervention de l’État dans l’économie et les régimes sociaux. Ce compromis, nécessaire et imposé par les faits, lui a sans doute coûté la victoire en 2012 puisque le thème de la protection sociale avantageait son adversaire socialiste.

François Fillon fut également porteur d’une parole de libéralisme économique, passant pour trop radicale d’ailleurs aux yeux d’une partie de l’électorat de droite, et notamment de ceux qui avaient soutenu Alain Juppé lors de la primaire. Mais il était également sur des positions très conservatrices en matière de libéralisme culturel, ce qui a pu attirer une partie des électeurs modestes mais pas ceux des catégories supérieures qui ont préféré choisir Emmanuel Macron pour sa capacité à défendre à la fois le libéralisme économique et le libéralisme culturel. La faiblesse politique de Nicolas Sarkozy comme de François Fillon se trouvait dans leur posture trop libérale sur le plan économique, car le niveau de libéralisme économique moyen de l’électorat français est faible. Et, dans les deux cas, c’est bien le programme d’antilibéralisme culturel, autrement dit de répression pénale et de contrôle rigoureux de l’immigration, qui a séduit leur électorat sans tomber dans le nationalisme trop radical ou la fermeture des frontières que promeut le RN.

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Le problème est que l’électorat de droite n’est pas homogène et reste traversé par un débat de fond sur l’intensité à donner au libéralisme économique. Les élections constituent donc toujours des moments de construction d’un compromis dans l’offre politique afin de rassembler un maximum d’électeurs ayant des valeurs au moins compatibles. Le problème ne vient pas des élections mais de la définition d’une ligne politique claire portée par LR. C’est d’ailleurs autour du gaullisme et de son héritage que LR a trop longtemps été divisé. La conversion au néolibéralisme, qui se voulait être une mise en phase avec la mondialisation, tournait le dos à la formule gaullienne, laissant beaucoup plus de place à l’État, au moment même où la demande de protection interne ou externe au sein de l’ensemble de l’électorat français augmentait.

Après bien des incertitudes, la ligne politique dominante de la droite parlementaire, telle qu’elle peut être incarnée, par exemple, par Xavier Bertrand, semble renouer avec une forme de solution gaullienne alliant le retour de l’État, dont le rôle s’est avéré crucial dans la crise sanitaire, et une forme de proximité aux milieux économiques non pas de la grande finance mais bien de l’entrepreneuriat et notamment celui que constitue le tissu des PME. Le problème est que l’électorat potentiel de LR, à savoir les enquêtés s’estimant proches de ce parti, comme le montre la dernière vague de mai 2021 du Baromètre de la confiance politique du Cevipof, reste le plus libéral sur le terrain économique, bien avant celui de LREM ou du RN. Sur le fond, c’est bien cet électorat qui associe le plus un haut niveau de libéralisme économique avec un faible niveau de libéralisme culturel alors que l’électorat LREM est libéral sur les deux registres et que l’électorat RN, très peu libéral sur le plan culturel, reste divisé entre les libéraux économiques et les antilibéraux économiques.

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En fait, l’électorat de la droite parlementaire est tiraillé en interne, comme celui du RN, par un conflit sur les valeurs économiques à défendre. Mais le second point de convergence, et donc de concurrence, entre ces deux formations vient de leur défense d’une politique peu libérale sur le plan culturel. Il faut cependant prendre garde au fait que la demande de conservatisme culturel se concentre sur les questions migratoires et la délinquance, pas sur les questions de pratiques procréatrices ou sexuelles qui, elles, font l’objet d’un assez grand consensus dans le sens de la tolérance.

Dans la perspective de 2022, quels sont les points qui devraient figurer dans la candidature de LR si elle veut mobiliser son électorat ? Quels sont les sujets sur lesquels il n’y a pas d’enjeu à droite et au contraire ceux qui pourraient faire basculer l’élection ? 

Le glissement à droite de l’ensemble de l’électorat sur les questions pénales et migratoires est très sensible et touche même des électorats de gauche comme celui de LFI. C’est sur ce terrain que la droite peut réunir son électorat, se distinguer du centre et de LREM et se positionner pour contrer Emmanuel Macron. Elle peut également prendre ses distances avec le RN sur ce terrain en développant des solutions plus humanistes permettant d’accueillir l’électorat centriste.

La formule économique est plus complexe à élaborer car le macronisme a évolué en lançant sa politique du « quoi qu’il en coûte » pour aider la société à absorber le choc de la pandémie. Les aventures néolibérales semblent donc bien appartenir au passé ou seraient annonciatrices d’une défaite électorale. La grande question reste posée de savoir comment et dans quelles conditions la dette sociale et la dette nationale vont être remboursées. C’est donc bien sur le terrain des réformes structurelles, comme celles des régimes de retraite ou d’assurance-maladie, que peut s’organiser un débat où Emmanuel Macron pourrait être pris au piège de son réformisme en prenant le risque de vouloir terminer son mandat sur des réformes historiques. Mais du côté de la droite, il faudra trouver des solutions innovantes qui évitent la fiscalisation ou la réduction des droits sociaux. Et cela risque d’être assez difficile.

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