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Louis Hausalter : "L'histoire de Marion Maréchal éclaire l’état de décomposition et de recomposition du paysage politique"
©BORIS HORVAT / AFP

Biographie

Louis Hausalter publie "Marion Maréchal, le fantasme de la droite" aux éditions du Rocher. Car même retirée de la vie électorale, Marion Maréchal reste un personnage politique à part entière.

Louis  Hausalter

Louis Hausalter

Louis Hausalter est journaliste politique à Marianne, après avoir travaillé pour Europe 1. Il intervient régulièrement dans des émissions de télévision et de radio.

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Atlantico.fr : Vous publiez « Marion Maréchal, le fantasme de la droite » aux éditions du Rocher. En quoi Marion Maréchal reste une personnalité politique à part entière ? Qu’apporte le rôle de Marion Maréchal avec son statut d’électron libre, hors du carcan d’un parti ?

Louis Hausalter : Marion Maréchal n’a pas cessé de faire de la politique. Sa mise en retrait de la vie électorale en 2017 pour se lancer dans ce qu’elle appelle la « métapolitique » participe d’une continuation de sa vie politique par d’autres moyens, à savoir une école de sciences politiques lancée à Lyon (l’Issep), ainsi qu’un travail de réseau et une stratégie médiatique de cartes postales adressées aux sympathisants qui se situent entre la droite et l’extrême droite. Son rôle politique est donc toujours important. 

Si j’ai voulu m’intéresser à cette personnalité, c’est parce que, alors même qu’elle n’a plus de mandat électoral, elle reste en général dans le top 10 des baromètres politiques en termes de notoriété. Les Français en ont majoritairement une mauvaise opinion, mais la très grande majorité d’entre eux la connaissent et sauraient résumer à grands traits ce qu’elle pense. Il est extrêmement rare qu’une personnalité politique émerge en si peu de temps et acquière aussi rapidement une forte notoriété.

Concernant son rôle d’électron libre, je raconte dans le livre la façon dont elle ne se sentait pas à l’aise à l’intérieur du Rassemblement National. Le désaccord principal entre Marion Maréchal et Marine Le Pen repose sur l’interrogation suivante : à qui faut-il s’adresser pour accéder au pouvoir ? Marine Le Pen s’inscrit dans une logique « ni droite ni gauche », et dans son esprit, il existe des réserves de voix à gauche. Elle s’était notamment adressée aux électeurs de Jean-Luc Mélenchon en 2017. Marion Maréchal considère qu’il faut plutôt mettre l’accent sur le libéralisme économique et les marqueurs identitaires pour séduire une droite qui se retrouve d’ailleurs éparpillée façon puzzle depuis l’élection d’Emmanuel Macron.

C’est ce désaccord stratégique et un certain ras-le-bol de la vie partisane, ajoutés à des raisons privées, qui l’ont conduite à quitter la scène électorale et à faire de la politique en dehors du RN. On a encore vu récemment qu’elle ne se privait pas de donner quelques coups de boutoir de l’extérieur pour rappeler sa position, à savoir que le « camp national » doit parler aux électeurs de droite pour arriver au pouvoir.

Alors que selon un sondage de l’Ifop en juin 2019, 36% des Français souhaitaient son retour en politique, Marion Maréchal va-t-elle pouvoir capitaliser et bâtir un projet suite à la Convention de la droite ? Marion Maréchal cherche-t-elle réellement à établir l’union des droites ?

En réalité, la Convention de la droite a été un échec. Il y a eu un grand malentendu autour de cet événement. Les organisateurs, qui rêvaient de la fameuse « union des droites », souhaitaient donner une nouvelle impulsion à travers cette convention. Marion Maréchal y a participé en prononçant un discours. Mais trois jours après, elle twittait qu’elle ne serait pas candidate à la présidentielle de 2022, ce qui a quelque peu refroidi l’ambiance !

Comme elle me l’a expliqué quand je l’ai rencontrée pour ce livre, elle ne voulait absolument pas que cet événement donne prise à l’idée d’un retour électoral et donc d’une rivalité avec Marine Le Pen. Elle ne veut surtout pas s’opposer publiquement et frontalement à sa tante. Par ailleurs, elle trouve que la Convention de la droite a été très mal organisée. C’était donc un coup dans l’eau. Et à ce jour, toutes les tentatives pour réaliser la fameuse « union des droites » ont échoué, à quelques exceptions près au niveau municipal, comme Robert Ménard à Béziers. Les proches de Marion Maréchal qui s’activent autour de ce projet d’union organisent surtout des colloques dans les salons parisiens. C’est d’autant plus laborieux que leur héroïne refuse d’en être l’incarnation.

La stratégie de Marion Maréchal, encore dans l’incertitude, a-t-elle une chance de réussir ? A-t-elle intérêt à jouer la carte de l’apaisement plutôt que de séduire des électeurs déjà acquis ?

Marion Maréchal n’est pas dans une guerre frontale. Les tensions avec Marine Le Pen sont aussi liées à des caquètements d’entourages. Elle est sur une ligne de crête. Elle exprime publiquement ses désaccords stratégiques avec Marine Le Pen, et elle l’a fait d’ailleurs un peu plus fortement ces derniers temps. Et en même temps, elle évite absolument de l’attaquer personnellement, et elle n’a aucune intention de se présenter contre elle ou de fomenter une sorte de putsch ou de complot contre sa tante.

Je n’aime pas beaucoup « psychologiser » la politique, mais il faut en passer par là pour comprendre cet aspect. Comme je le raconte dans le livre, il y a une relation affective extrêmement forte entre Marion Maréchal et sa tante. Marion Maréchal est née d’une mère célibataire et Marine Le Pen s’est beaucoup occupée d’elle dans son enfance. Elles ont habité au même endroit, à Montretout. Et Marine Le Pen a volontiers expliqué que Marion était comme sa fille. Si on ne comprend pas cela, on ne saisit pas complètement l’attitude de Marion Maréchal lorsqu’elle dit qu’elle ne veut pas affronter sa tante et reproduire les divisions et les psychodrames qui ont agité la famille quand Jean-Marie Le Pen dirigeait le Front National.

Qui plus est, Marine Le Pen s’est déclarée candidate à la présidentielle de 2022 au début de l’année, ce qui a tendance à figer les choses. Mais rien ne se passe jamais comme prévu. Et il ne faut pas oublier que Marion Maréchal a récemment déclaré qu’elle ne soutenait personne pour 2022. C’est assez significatif. Elle se sent très libre et estime qu’elle ne doit rien à sa tante ni au RN.

A travers le portrait que vous dressez dans votre ouvrage, toute votre enquête, de manière plus générale, que nous révèle le parcours de vie, le parcours politique et l’évolution de Marion Maréchal sur l’état actuel de la vie politique française et de la classe politique ?

Cela confirme d’abord que le RN reste une affaire familiale. Si Marion Maréchal a été élue députée à l’âge de 22 ans en 2012, c’est surtout parce que son grand-père l’a envoyée dans l’une des circonscriptions les plus favorables à son parti. Celle qui n’était qu’une étudiante est rapidement devenue la chouchoute des militants frontistes. Et si elle a été rapidement projetée sur le devant de la scène, c’est en partie parce que le petit monde médiatique a glosé en la comparant à longueur de commentaires à sa tante, a fortiori quand des tensions sont apparues entre ces deux femmes au caractère bien trempé. Cela s’inscrit dans cette tendance qui consiste à mettre en scène des polémiques entre personnalités, au détriment des appareils partisans qui avaient bien plus de poids auparavant.

Son histoire éclaire également l’état de décomposition et de recomposition du paysage politique, particulièrement sur son flanc droit. Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, des électeurs de droite déçus par son action - ou son manque d’action - sont partis vers le Front National. C’est ce qui a gonflé les voiles de Marine Le Pen, arrivée troisième à l’élection présidentielle de 2012. Cinq ans après, l’élection d’Emmanuel Macron a signé la deuxième lame : François Fillon ne s’est pas qualifié pour le second tour et les sympathisants de la droite libérale se sont déportés vers Macron, une tendance qui s’est accentuée depuis le début du quinquennat.

Cette double lame qui a ratiboisé l’électorat de la droite classique va plutôt dans le sens de ce que prônait Marion Maréchal : une scission entre la droite nationaliste et conservatrice, appelée à rejoindre le « camp national », et la droite plus libérale et progressiste. Sauf que cela s’est produit au bénéfice d’Emmanuel Macron. En l’état actuel des choses, on peut penser qu’un nouveau duel Macron-Le Pen en 2022 achèverait ce délitement de la droite classique. Mais décomposition et recomposition ne sont pas achevées : les plaques tectoniques bougent toujours !

Louis Hausalter vient de publier « Marion Maréchal, le fantasme de la droite » aux éditions du Rocher.

Découvrez deux extraits de l'ouvrage publiés ce weekend sur Atlantico :

Plongée dans les coulisses de l’organisation de la Convention de la droite : l'engagement de Marion Maréchal et Eric Zemmour en faveur de l’union des droites

OPA sur la droite : le pari risqué de Marion Maréchal

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