Lost in deflation : pourquoi le gouvernement se perd dans l’analyse des signaux envoyés par l’inflation<!-- --> | Atlantico.fr
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L'inflation, bonne ou mauvaise chose ?
L'inflation, bonne ou mauvaise chose ?
©Reuters

Où vais-je ?

A occasion de sa déclaration de vœux au corps diplomatique, le Président a pu féliciter la Banque centrale européenne d’avoir atteint une inflation nulle. Pourtant, il s’agit précisément d’un des symptômes les plus profonds de la crise économique que connait la zone euro depuis 2008.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Cette fois, François Hollande fait vraiment très fort. En déclarant le 16 janvier que "la croissance, c'est aussi ce que recherche la Banque centrale européenne, qui sur le plan de l'inflation a atteint tous ses objectifs, puisqu'elle est quasiment nulle aujourd'hui en Europe. Et je veux saluer son action", le Président démontre une chose : la politique monétaire est une notion qui lui est totalement étrangère.

Car le jour même, et venant ainsi confirmer les dires du Président, Eurostat annonçait l’entrée de la zone euro en situation de déflation (En affichant une baisse des prix de 0.2% pour le mois de décembre 2014 en rythme annualisé). Mais contrairement à ce que semble croire François Hollande, ce n’est ni l’objectif de la Banque centrale européenne, dont l’objectif est de maintenir l’inflation à niveau "inférieur mais proche de 2%", ni même une bonne nouvelle. Puisqu’il s’agit précisément du symptôme le plus évident de la crise que connaît la zone euro depuis 6 ans.

Mais cette surprenante déclaration pourrait être la résultante de la difficulté actuelle de lecture des chiffres de l’inflation. Car en effet, la baisse actuelle des prix est le produit de plusieurs facteurs. Entre la baisse des prix du pétrole et une tendance générale de baisse des prix, si les conséquences sont identiques, les causes restent totalement opposées.

La Baisse du prix du pétrole

Depuis plusieurs mois maintenant, et notamment en raison de la forte hausse de la production pétrolière aux Etats-Unis et de l’activitisme de l’Arabie Saoudite, les prix de l’énergie ont subi une baisse considérable, pour ne pas dire un écroulement. Lorsque la cause de la baisse des prix est due à une hausse de l’offre, ou à une hausse de la productivité, les consommateurs en sont les premiers bénéficiaires. Ici, pas de doute, la nouvelle est bonne et la baisse des prix qui découle de ce phénomène peut être perçue comme une amélioration. L’argent "économisé" par les agents économiques sur la facture pétrolière peut servir à consommer d’autres biens ou services, ou à investir. Par contre, la Banque centrale européenne n’y est strictement pour rien, elle n’a rien à voir avec la hausse de la production de pétrole. Et il n’y a aucune raison de la féliciter pour cette portion positive de la baisse des prix.

La Baisse des prix généralisée – La Déflation

Ici, les choses sont différentes. Car dans un tel contexte, il n’est plus question de hausse de la productivité ou de la découverte de nouveaux gisements pétroliers. La baisse des prix est la conséquence de l’action des agents économiques qui doivent faire face au très faible niveau de leurs ventes. Les carnets de commande sont vides. Lorsqu’un vendeur de biens ne vend plus assez, il peut recourir à la baisse de ses prix afin d’essayer de toucher une plus large clientèle. La faible demande est ici la cause de la déflation, et cela n’est évidemment pas une bonne nouvelle.

En ajoutant les licenciements, les salaires qui stagnent, et les anticipations de croissance défavorables, le gâteau économique ne fait que se rétrécir au fur et à mesure dans un cercle vicieux. Pour survivre, La compétition entre entreprises devient toujours plus vive, et la guerre des prix s’accélère. Les plus fragiles disparaissent progressivement. Il s’agit d’un phénomène déflationniste du type des années 30, une amorce de dépression. Et c’est ce que l’Europe subit depuis 2008, la confirmation d’une telle configuration.

Contrairement à ce que semble croire François Hollande, il ne s’agit pas d’une bonne nouvelle qui mérite des félicitations puisqu’il s’agit, ni plus ni moins, de la cause de la stagnation économique européenne depuis 6 ans, et donc de la cause du chômage de masse qui frappe le continent depuis lors.

La confusion

Mais pour éviter de se prendre les pieds dans le tapis et confondre les deux causes de la baisse des prix, il suffit de prendre en compte l’indice d’inflation sous-jacente, qui selon la définition de l’INSEE correspond à "l'évolution profonde des coûts de production et la confrontation de l'offre et de la demande".

Et malheureusement pour la France, l’indice d’inflation sous-jacente est passé en territoire négatif à la fin 2014, ce qui n’est rien d’autre que le signe d’une très faible demande sur le territoire français. Il suffit d’ailleurs de comparer cet effondrement de la demande intérieure française à travers cet indice d’inflation sous-jacente,  et de le comparer à la hausse du nombre de chômeurs en France :

Ainsi, lorsque François Hollande félicite la Banque centrale européenne d’avoir atteint l’inflation 0, il ne fait rien d’autre que la féliciter d’avoir atteint le chiffre de 3.5 millions de chômeurs. Un grand bravo. Aussi bien à la BCE pour ce résultat, que pour François Hollande et son aveuglement.

Inflation et croissance sont les deux faces de la même pièce, et cette pièce s’appelle la demande. En ignorant ce fondamental, François Hollande manifeste une nouvelle fois son incapacité à établir un diagnostic économique correct sur la crise qui frappe la zone euro. Voilà pourquoi les résultats tardent à arriver.

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