Lorsque le pape met les parlementaires français face à leur devoir<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
Le pape François a reçu ce week-end plusieurs parlementaires français au Vatican.
Le pape François a reçu ce week-end plusieurs parlementaires français au Vatican.
©Reuters

Leçon papale

Alors qu'il recevait samedi 15 juin une délégation de sénateurs et de députés français au Vatican, le pape a invité les parlementaires à "abroger" des lois et à ne pas légiférer en fonction des "idées du moment".

Gérard Leclerc

Gérard Leclerc

Gérard Leclerc est un philosophe, journaliste et essayiste catholique. 

Il est éditorialiste de France catholique et de Radio Notre-Dame.

Il est l'auteur de l'Abécédaire du temps présent (chroniques de la modernité ambiante), (L'œuvre éditions, 2011). 

 

Voir la bio »

Atlantico : Le pape François a invité samedi les parlementaires français à ne pas hésiter à "abroger" des lois et à ne pas légiférer en fonction des "idées du moment". Le tout, sans jamais faire référence à des textes précis. Faisait-il allusion à la loi sur le mariage pour tous ? De quelles autres lois pouvait-il être question ?

Gérard Leclerc : Le pape n’a pas parlé ouvertement de mariage homosexuel. Je pense néanmoins qu’il visait l’ensemble des lois sociétales, justement comme le mariage pour tous ou encore la Procréation médicalement assistée (PMA). C’est tout cela qui se dessine en filigrane de ses propos. D’autres projets de loi peuvent être visés, notamment sur la fin de de vie et l’euthanasie ou encore sur la recherche sur l’embryon.

Sans précisément désigner une loi, tout le monde aura compris à quoi le pape faisait référence. Peut-on parler d'une stratégie ? 

Les papes procèdent toujours de cette manière. Il s'inscrit dans la tradition de ses prédécesseurs car il s’est tenu de rappeler des principes généraux. Il est resté dans le domaine des principes qui est le sien en tant que pape, puis d’estimer qu’il revenait aux parlementaires d’agir en leur âme et conscience. En quelque sorte, il a mis ces législateurs devant leur devoir sans leur dicter pour autant ce qu’ils avaient à faire. Le pape ne prétend pas légiférer à la place des législateurs français.

Le contexte était par ailleurs particulier. Si lors d’une rencontre en tête à tête avec un Chef d’Etat le pape peut se permettre d’être plus direct, face à une cinquantaine de parlementaires, cela ne s’y prêtait pas.

Est-ce étonnant qu’un pape s’adresse de cette manière à des politiques ?

Je pense que Benoît XVI aurait fait exactement la même chose, tout comme Jean-Paul II. Le pape François peut parfois surprendre car il est très direct mais cela n’a pas été le cas cette fois. Je pense notamment à sa déclaration aux évêques italiens, lorsqu’il avait exhorté ces derniers à ne pas être "des fonctionnaires paresseux". Il avait également montré du doigt les catholiques ne voulant qu’un enfant pour des raisons de confort, pour pouvoir "partir en vacances" ou "s'acheter une maison". Voilà des choses que Benoît XVI n’aurait jamais dites. Mais dans ce cas, le pape François a bien veillé à maintenir la distinction des domaines.

Par ailleurs, ses prédécesseurs s’étaient également permis de rappeler des principes aux hommes politiques. Saint Thomas d’Aquin déjà expliquait  qu’on ne pouvait pas légiférer comme si tous les hommes étaient des Saints et estimait qu’il fallait ainsi une loi de pauvres pécheurs pour des pauvres pécheurs. En somme, que la loi devait être à la hauteur morale des hommes.

L'Eglise "désire apporter sa contribution spécifique sur des questions profondes qui engagent une vision plus complète de la personne et de son destin", a-t-il également déclaré. Une contribution que l'Eglise souhaite donner au niveau "anthropologique ou sociétal, mais aussi dans les domaines politique, économique et culturel". Comment l'Eglise peut-elle s’y prendre ?

Dans ces domaines il existe une doctrine sociale de l’Eglise énoncée dans des grands textes. L’encyclique Caritas in Veritate écrite par  Benoît XVI rappelle des principes économiques. L’Eglise a dans ce domaine une pensée qui concerne la justice et l’Etat. Elle est hostile au libéralisme absolu et a toujours défendu le principe de subsidiarité. L’Eglise reconnait l’importance de l’Etat mais estime qu’il ne doit pas se mêler de tout. Elle a également toujours défendu  la destination universelle des biens dans le but de venir en aide aux plus pauvres. L’Eglise a une morale sociale mais avec une distance en ce qui concerne la pratique. Elle laisse en revanche la charge de l’application aux intéressés.

Le pape François reste donc dans la ligne de ses prédécesseurs mais avec sa personnalité propre. Il ne cesse de rappeler sa proximité avec les pauvres. Il le fait avec un engagement singulier. Ce n’est pas un universitaire comme Benoît XVI. Cela se caractérise par la façon qu’il a de parler qui se veut simple, que les gens comprennent. Nous sommes loin des leçons intellectuelles données par Benoît XVI et Jean-Paul II. Le Pape François bien que cultivé reste un homme de terrain. 

Propos recueillis par Carole Dieterich.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !