Loi travail, bouclée... Vraiment ? Mais comment Macron a-t-il fait pour éviter les couacs, les bugs et convaincre les syndicats de jouer le jeu ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Loi travail, bouclée... Vraiment ? Mais comment Macron a-t-il fait pour éviter les couacs, les bugs et convaincre les syndicats de jouer le jeu ?
©Pixabay

Réforme

A l’issue des derniers arbitrages et négociations, le texte des ordonnances sera finalisé et présenté au parlement. La réforme du droit du travail sera bouclée avant septembre.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Après les derniers arbitrages avec les syndicats qui ont été reçus par la ministre du Travail, il semble bien que le gouvernement pourra finaliser le texte des ordonnances qui sera ensuite soumis au parlement à la fin du mois d’août. Exactement comme prévu et annoncé.

Alors que la loi El Khomri avait littéralement permis aux syndicats et à l’opposition de droite comme de gauche de pourrir la fin du quinquennat de François Hollande et l’image de Manuel Valls qui a du mal à s’en remettre, Emmanuel Macron a réussi à boucler le dossier dans les temps qu’il avait programmés. Or, ce dossier est  important, parce qu‘il représente les fondations d’un chantier de restauration de la compétitivité industrielle.

La loi travail change le code du travail, le simplifie, introduit un peu plus de flexibilité dont les entreprises ont besoin pour répondre aux contraintes de la modernité, de la mondialisation et de la révolution digitale. Un peu plus de flexibilité et une meilleure sécurité pour tout le monde. Pour le patron comme pour le salarié.

Les trois modules de cette loi travail sont quasiment au point.

1e module, l’inversion de la hiérarchie des normes entre l’entreprise et la branche. Alors que la branche laissait aux syndicats l’essentiel du pouvoir de fabriquer le droit social, c’est au niveau de l’entreprise, au plus près du terrain qu’il faudra désormais négocier. La branche conservera les questions sacrées et sanctuarisées qui portent sur la fixation des minimas sociaux et des contraintes chantiers (normes d’hygiène, de santé et de protection de l’environnement)

2e module, la simplification du dialogue social en regroupant certaines instances, comité d’entreprise, représentants du personnel, et délégués syndicaux ... selon la taille des entreprises. La question des petites entreprises qui n'ont pas de syndicats sera résolue par la nomination ou l’élection d’un salarié qui sera ainsi mandaté pour négocier. Ce point-là fait problème parce que les syndicats ont peur de se faire court-circuiter.

3e module, la sécurisation du travail, pour le salarié comme pour le patronat qui réclamait des plafonds d’indemnités en cas de licenciements et de recours aux prudhommes. On s’est mis d’accord sur un plafond qui représentera un mois de salaire par ancienneté.

Les textes de loi, les décrets seront prêts et le calendrier sera respecté. Dans un pays qui a la réputation de ne pas être réformable, c’est un exploit. Cette loi était attendue par les entreprises et par les investisseurs étrangers parce qu’elle devait accroitre la visibilité et faciliter l’activité.

Pour beaucoup,  c’est la mère de toutes les réformes parce qu‘elle porte en germe une réforme radicale du modèle social en ouvrant la porte aux syndicats à des logiques de compromis, alors qu’ils étaient jusqu'à maintenant enfermés dans des logiques de conflit ou de rupture.

Le plus gros progrès dans cette affaire, c’est le changement d’attitude des syndicats. Ils ont tous accepté de discuter des compromis nécessaires et surtout de ne pas bloquer ce projet. C’est le cas de la CFDT, de la CFTC, de FO, de la CGC, de tous les organismes patronaux. La seule organisation qui promet une rentrée difficile, c’est la CGT nationale, mais parce que localement on sait bien que la CGT a voté la plupart des accords de compétitivité, on ne croit pas à un embrasement général. 

Par quel miracle, par quel process, des syndicats qui animaient la résistance de rue à la loi El Khomri ont – ils soudainement changé d’avis et collaboré à la production de ce nouveau droit du travail?

Pour trois raisons : 

La première repose sur la légitimité politique totale et absolue dont jouit Emmanuel Macron, élu président de la République, puis l’Assemblée nationale, sans parler d’une opposition en miette. La droite est aphone et l’extrême gauche est difficilement audible. Les syndicats n’avaient aucune chance de mobiliser les foules contre le projet. La CGT a bien fait quelques essais mais elle a abandonné très vite.

La deuxième repose sur le caractère incontournable du changement. Tous les outils anti chômage ayant échoués, l’opinion publique s’est résolue à l’issue de la campagne électorale finalement assez pédagogique, à accepter des remèdes d’ordre libéral qui ont marché dans d’autres pays. Par ailleurs, la loi travail voulue par Macron ne fait rien d’autre que de s’adapter aux contraintes de la modernité.

La troisième raison est que la plupart des syndicats ont compris que l’heure était venue de s’adapter à la logique de compromis. « On ne change pas les faits, disait Lénine, on adapte la théorie ». Et dans une logique social-démocrate, les syndicats ont évidemment un rôle de contrepouvoir à jouer. Emmanuel Macron leur a offert de jouer ce rôle. La CFDT l’avait compris depuis longtemps, mais la CFDT était la seule. Il a fallu convaincre FO et les autres.

Dans cette logique de compromis, les syndicats peuvent trouver une place, offrir des prestations de services, et gagner du grain à moudre.

Se développer. Revers de la médaille, ils seront en concurrence. Beaucoup ont compris que la concurrence syndicale dans l’entreprise peut être un facteur de progrès.

Cette évolution a été favorisée par l’annonce d’un calendrier de réformes de tout le modèle social. Le système paritaire doit prendre un coup de jeune, l’assurance santé, l’assurance retraite et l’assurance chômage qui sont co-gérés actuellement par les syndicats, seront eux aussi obligés de se réformer compte tenu des besoins et des moyens qui ont beaucoup changés. Les syndicats savent que leur métier va changer. Mais quand on voit le métier des syndicats anglosaxons, on ne peut pas dire que leur influence et leur pouvoir ait diminué. La CFDT est le premier à l’avoir compris. La CFDT est devenue le premier syndicat de France depuis cette année. Cette performance n’est évidemment pas étrangère à leur stratégie de compromis

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !