Loi Macron : ce que la France a déjà gagné avec l’élan libéral Hollande-Valls<!-- --> | Atlantico.fr
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Les réformes libérales du jeune ministre de l'Economie font souffler un vent nouveau sur la France.
Les réformes libérales du jeune ministre de l'Economie font souffler un vent nouveau sur la France.
©Reuters

C'est toujours ça de pris

Décriés par une partie de la gauche pour leur élan social-libéral, Manuel Valls et Emmanuel Macron apportent un vent nouveau sur le PS depuis qu’ils sont en responsabilité. Tour d’horizon des réformes menées ou mises en musique par le Premier ministre et le ministre de l’Economie qui impulsent une logique libérale…même si elles sont souvent imparfaites.

Alain Fabre

Alain Fabre

Alain Fabre est Conseil indépendant en Fusions & Acquisitions. Il est aussi expert économique auprès de la Fondation Robert Schuman, de l'Institut de l'Entreprise et du mouvement ETHIC. 

Il a récemment publié Allemagne : miracle de l'emploi ou désastre social?, Institut de l'Entreprise, septembre 2013. 
 

Il a publié pour l'Institut de l'Entreprise L'Italie de Monti, la réforme au nom de l'Europe et Allemagne : miracle de l'emploi ou désastre social

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Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Pour chaque mesure présentées ci-dessous, Jean-Yves Archer et Alain Fabre évaluent le caractère libéral des principales réformes économiques engagées par le gouvernementil, ainsi que les limites constatées dans leurs mises en pratique.

Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE)

Jean-Yves Archer : Les remontées du terrain attestent que l'outil est d'un maniement complexe et représente un différé de trésorerie incompatible avec les besoins actuels de bien des entreprises. De plus, tout le montant perçu ne va pas à la modernisation de l'outil de production et à la compétitivité mais sert parfois à des investissements directs à l'étranger ou à des réductions de recours à l'affacturage. En clair, le CICE a quelque peu raté sa cible et parait d'un coût élevé pour des avantages relatifs. On doit à Manuel Valls d'avoir su réfléchir sur ce sujet et réorienter le dispositif vers quelque chose de simple et d'efficace. Le Président Hollande a ainsi pu annoncer, lors de son entretien sur TF1, que le CICE serait converti en allègements de charges (version classique) dès 2017.

La pause fiscale 

Jean-Yves Archer : En matière fiscale, Manuel Valls a pris une position nette : il est manifeste qu'il reprend à son compte la phrase : "trop d'impôt tue l'impôt" (courbe de Laffer). Verra-t-on la promesse présidentielle – répétée récemment par le ministre Michel Sapin – de sincère pause fiscale ? Il est permis d'en douter compte-tenu de la conjoncture européenne et singulièrement française. En apparence, tant Manuel Valls que le ministre Emmanuel Macron ont quitté, dans ce domaine, la sphère de la social-démocratie (où l'impôt a une forte fonction redistributive) pour rejoindre la sphère du social-libéralisme. C'est d'ailleurs cette évolution qui a justifié les propos fameux de Frangy en Bresse tenus en août dernier par le ministre de l'Economie d'alors : Arnaud Montebourg.

La loi Macron

Jean-Yves Archer : A l'issue du conseil des ministres, nous saurons si la question des autoroutes fait partie des quelques 108 articles du projet de loi dit Macron. Pour l'heure, il semblerait que cette question ait été écartée du débat parlementaire et fasse l'objet de tractations en coulisses avec les six grands opérateurs concernés. Si les autoroutes devaient réintégrer le champ de la future loi Macron, cela serait dans un sens de donnant-donnant et de gagnant-gagnant. Donc, proche d'une vision apaisée et libérale des rapports Etats- grands groupes. Or, il a été communiqué hier soir un appel de 152 députés socialistes demandant au gouvernement "un puissant acte de gauche" (sic) en décidant de procéder au rachat des droits de concessions des autoroutes. On voit en premier lieu le vrai tiraillement, la vraie césure entre le tandem Valls – Macron d'une part et la moitié de sa majorité. Autant dire que la ligne politique de Monsieur Valls va être soumise à rude épreuve et que certains frondeurs veulent jouer au jokari avec le jeune ministre Emmanuel Macron dont le cuir va immanquablement se durcir d'ici avril. Oui, avril car si la loi vient en première lecture le 22 janvier à l'Assemblée Nationale, cela suppose – sauf recours maladroit à la procédure d'urgence – une navette parlementaire début mars après un examen sénatorial en février. Pour qui connaît le jeu des hémicycles, nul doute que l'opposition saura œuvrer face aux risques de divisions internes de la majorité socialiste ce qui contribuera à la réalité des délais précités.

Alain Fabre : Cette loi est d’inspiration libérale. Elle met l’accent sur le mécanisme de marché plutôt que sur un mécanisme d’économie administrée. L’un des principaux objets de cette réforme concerne les rentes de situation. Il s’agit donc de mettre en œuvre une logique de marché à la place d’une logique de statut protégé. On peut imaginer que cette loi fasse école ensuite et ait un effet d’entraînement sur la question de la fonction publique, de la réforme des retraites et du marché du travail.  

…et ses limites

Jean-Yves Archer : Les mesures d'inspiration libérale de cette future loi Macron sont en trompe-l'œil et influenceront le cours des choses à la marge. Libéraliser les lignes d'autocars sous prétexte de s'adresser à un public démuni, c'est faire l'économie d'une réflexion sur le prix du train en France et des vraies causes de ces surcoûts. On libéralise le car pour mieux statufier le train. N'est-ce-pas ? Libéraliser quelques aspects des professions règlementées, c'est oublier que Robert Badinter avait déjà posé la question dans les débats préalables au vote de sa loi du 25 janvier 1985 (relative à la prévention des difficultés des entreprises). Toute personne en liaison avec le monde des entreprises en faillite sait qu'il y a, depuis des décennies, des abus tarifaires chez les administrateurs judiciaires, les anciens syndics. Libéraliser, cela aurait consisté à réaliser une lecture critique des propositions de la commission Attali et de tenter de rédiger un texte acceptable par une "majorité d'idées" (Pierre Mendès-France) dépassant les clivages traditionnels. Sur 316 idées avancées par le groupe Attali, combien ont été écartées et pourquoi ?

La loi Pinel sur le logement

Jean-Yves Archer : Dès ses premières moutures, la loi ALUR a été largement contestée par une palette impressionnante de professionnels du secteur du logement. Pour des raisons de politique purement électorale (alliance avec les Verts), le président Hollande a laissé aller jusqu'à son terme cette loi contre-productive et l'a donc promulguée. Il faut rendre hommage à Manuel Valls d'avoir su faire procéder à la réécriture de telle ou telle section de ce texte devenu la loi Pinel. Cela me semble clairement un acte de lucidité économique qui n'effacera toutefois pas immédiatement les dégâts issus du dogmatisme de certains propos ou écrits de Madame Cécile Duflot.

Après avoir évoqué en première partie les principales réformes d’inspiration libérale, Jean-Yves Archer et Alain Fabre nous expliquent à présent les raisons qui ont convaincu le duo Valls-Hollande d'entamer cet élan réformateur libéral.

Atlantico : Le ministre de l’Economie Emmanuel Macron a déclaré vouloir assouplir les 35 heures en novembre. Dans quelle mesure peut-on dire que le discours évolue au PS et à gauche à l’épreuve du pouvoir, même s’il y a encore des fortes résistances notamment des frondeurs ? Quelles sont les raisons qui expliquent cet élan réformateur affiché ?

Jean-Yves Archer : Il y a effectivement un élan réformateur affiché mais qui se traduit en peu d'ambitions concrètes. Par exemple, sans bousculer à l'excès, la réforme des seuils sociaux aurait dû être introduite. De nombreux conjoncturistes ont estimé qu'il y avait là un gisement de 200.000 emplois. Plus que la question tabou des 35 heures, il aurait fallu se poser la question de la défiscalisation des heures supplémentaires dans la mesure où ce dispositif avait fait ses preuves. Il y a de l'élan mais pas d'audace politique alors que différents sondages montrent qu'une majorité franche de Français attendent et escomptent des réformes.

Alain Fabre : On peut faire la comparaison avec les années 1983-1985 quand François Mitterrand avait alors assumé un cap réformateur et européen. Là nous avons l’impression que François Hollande est moins à l’aise que François Mitterrand dans la gestion de ce tournant. Emmanuel Macron, qui a participé à la commission Attali, a envoyé plusieurs signaux sur différents sujets notamment les 35 h et la réforme des retraites, des sujets considérés comme tabous au PS. Emmanuel Macron croit multiplier les propositions sociales- libérales. Au pire, il est certain au pire de prendre des retours de flammes et au mieux il aura un petit texte sympa pour détendre la réunion à Bruxelles et Berlin, mais cela ne convaincra personne. Il faut assumer ses choix. Il n’y a rien de pire que de ne pas le faire sinon les mesures libérales seront toujours écrêtées ou aseptisées et ne produiront pas d’effet. Des demi-mesures donnent des résultats ambigus et prêtent le flanc aux critiques. Les réformes avancées comme la loi macron ou le CICE ont surtout une valeur symbolique et pédagogique : on teste des réformes libérales avec pour objectif un effet entraînement pour les prochaines.

Emmanuel Macron en particulier et Manuel Valls ont pris conscience qu’ils n’ont plus le choix, que la France est bord du gouffre avec des chiffres du chômage qui explosent. Le Premier ministre peut avoir des envies mais si le président opte pour un cap conservateur comme c’est le cas avec François Hollande cela bloque le système. Le discours de Manuel Valls dimanche soir prend acte du fait qu’en dernier ressort c’est François Hollande qui décide. Comme Manuel Valls a déclaré vouloir rester à Matignon jusqu’en 2017, il est obligé de s’aligner sur le cap de François Hollande qui essaye de cumuler les avantages des deux lignes.

Y-a-t-il toutefois un risque de "hollandisation" de Manuel Valls qui semble se déporter vers la gauche ? De la même manière, Emmanuel Macron peut-il être débranché par un François Hollande qui aurait peur d’un schisme avec l’aile gauche ?

Jean-Yves Archer : Manuel Valls est assez puissant pour ne se laisser aller que là où il le désire vraiment. La question est institutionnelle : chef de la majorité parlementaire socialiste, peut-il demander à celle-ci une vraie souplesse d'échine la conduisant à accepter de voter des mesures quasi-centristes ? En revanche, il est toujours possible à un président de la République de préférer le calme et le calumet de la paix avec sa majorité parlementaire au prix d'une séparation avec un ministre, fût-il une des deux têtes brillantes de Bercy.

Alain Fabre : On peut considérer cela comme une "hollandisation" ou alors que Manuel Valls a pris conscience de l’échec du quinquennat Hollande et qu’il se place dans l’optique de 2017. Dans ces deux registres ce n’est ainsi pas lui qui aura fait échouer le quinquennat mais François Hollande. Emmanuel Macron fait partie des gens qui se démènent pour sortir un texte de bonne qualité sur les rentes des professions réglementées mais son discours peut aussi être compris comme une volonté de construire dans le futur une force sociale-démocrate à gauche.

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