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Livret A, Exit tax, ISF, Flat tax, sortie en capital : l’anti-ruissellement macronien
©CHRISTIAN HARTMANN / POOL / AFP

Business plan

Emmanuel Macron ne veut pas être le Président des Très très riches… mais de ceux qui le seront dans dix ou vingt ans !

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Emmanuel Macron ne veut pas être le Président des Très très riches… mais de ceux qui le seront dans dix ou vingt ans ! Ceci aurait lieu dans une France dont le poids dans le PIB mondial résisterait mieux, avec la naissance de nouvelles grandes entreprises mondiales, avec un maillage de PME et surtout d’ETI renforcé. Pourquoi donc ? Parce que la France n’est pas un pays des très très riches, même si elle est obsédée par l’égalitarisme. Elle ne compte que 40 milliardaires sur un total mondial de 2 208 (selon Forbes), soit 1,8% du total pour une économie qui pèse 4% du PIB mondial. Et le poids de cette France est évidemment menacé par la montée des émergents, montée qui s’explique par leur politique économique, notamment fiscale, et plus encore par la création de richesses par les réseaux, où le nombre de clics fait tout.

La nouvelle richesse ne ruisselle pas, elle remonte ! La nouvelle richesse américaine est celle des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), ces entreprises jeunes qui ont lancé la mondialisation de la communication. Nous n’en sommes plus au monde des automobiles, de l’énergie, du pétrole, de l’industrie… Ces vielles valeurs sont celles de la précédente révolution industrielle, avec des rendements décroissants. Nous voilà dans le monde des réseaux, avec des rendements croissants. La valorisation boursière de ces leaders est fonction du carré du nombre de leurs adhérents. S’ils réussissent, ils étouffent leurs concurrents à la traîne (the winner takes it all). Ils achètent ceux qui pourraient compléter leur puissance (et qui deviennent des apps, apps pour applications ou pour appendices), plus les couveuses qu’ils financent, pour être les premiers à voir naître les poussins, et s’assurer ainsi de la paternité des plus prometteurs.

La nouvelle richesse ne ruisselle pas, comme le prétend une théorie qui voudrait légitimer la richesse ancienne du fameux 1%, sinon du 1% du 1%, par les emplois qu’ils créent, plus leurs dons. La richesse nouvelle remonte, à partir de garages (Apple), de chambres d’étudiants (Facebook) et d’anciennes gares (station F). Et elle remonte sur un énorme tas de tests, d’échecs, de ratages. C’est un monde plus sélectif que jamais, plus inégalitaire que jamais, donc plus socialement violent que jamais, si on ne forme et ne prépare pas les catégories sociales intermédiaires et les PME, et si on ne le finance pas.

Avec Emmanuel Macron, cette préparation au nouveau monde de la croissance (et de la richesse), dans son volet fiscal, commence avec l’ISF, devenu IFI. Il taxe l’immobilier mais pas la fortune mobilière, par nature mobile. 2,5 milliards d’euros sont ainsi en jeu, pour un impôt au rendement négatif, compte tenu des départs de richesses qu’il a suscités, et de son effet d’image négatif, pour repousser les entreprises et les cadres. Tout le monde le sait bien sûr, mais il s’agit d’un symbole, création de François Mitterrand puis aboli par Jacques Chirac qui lui attribuera son échec électoral, avant d’être réinstallé ! Qui le supprime perdra les élections ! Mais on aura oublié que l’ISF n’avait pas prévu la crise et la désinflation ! Son premier taux (0,7%), pour un patrimoine compris entre 1,3 et 2,57 millions d’euros, est aujourd’hui égal au rendement de l’emprunt public à 10 ans. Il est donc aujourd’hui, dès le premier taux de la grille, confiscatoire. Mais qui oserait le dire, sous peine d’être tenu pour ploutocrate ou, pire, pour leur défenseur ?

Avec Emmanuel Macron, l’histoire continue avec la flat tax et son taux forfaitaire unique à 30%. Entrée en vigueur le 1er janvier 2018, elle ne porte que sur les revenus du capital mobilier (intérêts, dividendes) et sur les plus-values mobilières. Avec évidence, elle favorise les placements en actions et a suscité une critique assez forte, mais peu reprise : celle où les hauts revenus réduiraient leurs salaires, pour percevoir plutôt des dividendes, moins taxés. Ce shifting creuserait dramatiquement les déficits budgétaires et sociaux. Il paraît cependant peu vraisemblable qu’il soit de grande ampleur, la retraite se faisant par répartition en France et ce mouvement éventuel se cantonnant aux entreprises de très petite taille. N’empêche que ce soutien aux dividendes poussera à une financiarisation des rémunérations, et donc des comportements.

Avec Emmanuel Macron, l’histoire se poursuit, plus compliquée, avec la fin de l’exit tax. Elle vient juste d’être annoncée par le Président Macron.  En cas de départ à l’étranger, l’exit tax agit comme un « fil à la patte ». Si « l’exilé fiscal » revend des actions qu’il possédait en France en vue de réaliser une plus-value, il sera en effet taxé par le fisc français à hauteur de 30%. Cet impôt s’applique à ceux qui détiennent au moins 50% d’une société ou 800.000 euros d’actifs financiers. Mais, si « l’exilé fiscal » ne revend pas ses parts, ou attend 15 ans, il n’est pas imposé. En fait, l’innovateur qui se lance, pour être très riche très vite, ira tout de suite là où la cession de son entreprise ne pèsera pas sur son patrimoine net ! En supprimant l’exit tax, il ne servira plus à rien de partir ou de vendre (on estime à 800 millions la part taxable de revenus que donnerait cette taxe si tous les exilés vendaient, donc à 2,4 milliards la plus-value potentielle). Sans que rien ne soit mécanique, les exilés pourraient ne pas partir, ne pas vendre, sinon revenir. Bruno Le Maire est plus direct pour expliquer ce choix : c’est « un cadeau pour l'attractivité de la France. Nous voulons être le pays le plus attractif en Europe pour les investisseurs et les entrepreneurs. Elle ne rapportait presque rien et c'était un repoussoir ».

Avec Emmanuel Macron, l’histoire continue, plus dramatique, avec le nouveau calcul du Livret A. Ce sera, en janvier 2020, la demi-somme de la moyenne des taux d’intérêt et de l’inflation hors tabac à six mois, avec un minimum à 0,5%. Si tout se passe bien en zone euro, avec plus de croissance et d’inflation, donc si la BCE monte ses taux, le taux du Livret A sera alors de 0,75%, comme aujourd’hui, pour remonter lentement ensuite. Mais ceci voudra dire que, pendant quatre ans, le taux du Livret A aura été inférieur à l’inflation, soit une perte de l’ordre de 10 milliards d’euros de pouvoir d’achat pour les 280 milliards abrités dans le Livret rouge ! Personne ne peste trop encore, parce qu’on sait que le Livret A protège en fait plus de l’impôt que de l’inflation les 5 millions de Français qui ont rempli leurs livrets et ne le bougent pas. Mais, pour eux, l’avantage fiscal risque de s’éroder, sachant que, pour les bas revenus, le LEP les attend, mieux payé (1,25%) pour 7 700 euros au maximum, avec des conditions de ressources.

Avec Emmanuel Macron, l’histoire est au fond assez simple : il faut plus d’actions, et donc plus de profit ! Les 4 000 milliards d’épargne des Français sont pour 2 800 milliards en produits de taux et 1 200 en actions. Il faut que cette composition bouge si on veut plus de nouvelle croissance, et donc rendre fiscalement plus intéressante l’épargne plus risquée en action. C’est celle qui va vers les entreprises et les start ups.

En Marche, vers la Bourse ! On peut ne pas aimer. On peut surtout ne pas aimer que la logique d’ensemble ne nous soit pas exposée dans son intégralité. On pourrait alors, peut-être, mieux la comprendre.

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