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A la suite du Covid-19, les pénuries ont révélé au grand jour les lacunes créées par la désindustrialisation de notre pays.
A la suite du Covid-19, les pénuries  ont révélé au grand jour les lacunes créées par la désindustrialisation de notre pays.
©DAMIEN MEYER / POOL / AFP

Difficultés des entreprises

Afin d'encourager et de favoriser la réindustrialisation, de nombreuses mesures pourraient être appliquées afin de venir en aide aux entreprises et pour faciliter le développement du tissu industriel.

Franck Evanno

Franck Evanno

Franck Evanno est président de l’organisation professionnelle Minéraux Industriels-France (https://www.mi-france.fr) et dirigeant de l’entreprise Fulchiron.

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Selon une enquête récente de l’Usine Nouvelle largement reprise, la réindustrialisation serait bel et bien confirmée en France. D’après les journalistes, « Au 18 novembre, nous avons repéré 53 nouvelles implantations industrielles, des unités de production essentiellement, mais aussi des plateformes logistiques et des centres de R&D » A côté de ces ouvertures « il faut ajouter 31 extensions de capacités de production ainsi que 25 investissements significatifs de modernisation des outils de production, venant conforter des sites déjà existants » On ne peut que se réjouir de cette formidable reprise et France Relance y a contribué. Mais il ne faudrait pas que ces bonnes nouvelles agissent comme un écran de fumée qui masque les problèmes auxquels font face les entreprises déjà implantées, tel que de la cohérence du tissu industriel, l’accessibilité à l’énergie ou encore la visibilité fiscale et législative.

De l’importance de la chaîne de production

Alors que les décideurs se concentrent essentiellement sur ce qu’il y a de plus visible, ils en oublient parfois l’essentiel, sachant que celui-ci n’est pas facile à valoriser dans un message politique. A la suite du Covid les pénuries de masques, puis de certains médicaments, puis de matériel médical, ont révélé au grand jour les lacunes créées par la désindustrialisation de notre pays.

Les politiques se sont précipités pour dire qu’il fallait absolument ramener l’industrie pharmaceutique sur le territoire national. Mais derrière l’effet d’annonce on voit vite les problèmes s’amonceler et notamment cet impératif : toute entité industrielle s’insère dans une chaine de production. Dit plus clairement, un industriel qui voudrait produire des vaccins en France aura forcément besoin de flacons qu’il doit importer ou trouver en France. Sachant que pour fabriquer des flacons il faut produire du verre. Ce raisonnement nous met face à une nécessité : avoir sur notre territoire des carrières de sable extra siliceux, de carbonate de calcium etc.

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Dans cette logique, on trouve une quantité de « chaines de production » qui lient les industriels les uns aux autres. Un discours politique, plutôt que chercher à dire ce qui est essentiel, doit envisager la chaine de production dans sa globalité.

Pas d’industrie soutenable sans énergie abordable

Comme s’interroge l’expert énergéticien Samuel Furfari, « Lindustriel qui ne maîtrise pas sa consommation d’énergie produira forcément à un coût plus élevé que celui qui le fait et aura donc plus de difficulté à rester concurrentiel. » Or cette maitrise devient de plus en plus compliquée car grevée par la cherté du coût de l’énergie.

Courant décembre le prix de marché spot de l’électricité a atteint des records en France avec 442 euros le mégawattheure…  La flambée des tarifs de l’électricité est causée par un marché totalement dysfonctionnel qui nest pas basé sur des prix de production ; cela met la France dans une situation inédite - rappelons que le poste électricité a toujours été très accessible dans lhexagone et ce du fait de la compétitivité de notre industrie nucléaire ; cette situation est dautant plus difficile à comprendre que notre production électrique est décarbonée, alors que celle de nos voisins est encore dépendante du charbon.

Le prix du gaz est affolant également et pourtant nous sommes obligés de l’acheter. Comme l’explique l’expert Philippe Charlez : « Tous les pays européens garantissent à leurs voisins de leur fournir 100% de leur demande en électricité. La dernière source est la plus chère. Aujourd’hui, c’est le gaz. Si on refuse de l’acheter au prix fort, on risque le black-out. C’est tout simplement le principe de l’offre et de la demande. Si le gaz est la dernière option disponible pour obtenir de l’électricité, on doit l’acheter, peu importe le prix »

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S’ajoute à l’explosion des tarifs, une fiscalité énergétique pléthorique et qui risque de broyer des secteurs qu’elle épargnait jusqu’alors. Ainsi alors que la fabrication des minéraux industriels est exonérée pour la plupart des opérateurs, la nouvelle directive ETD, actuellement en cours de révision, impactera de plus 30 millions d’euros par an ces entreprises françaises. Les taxations vont augmenter pour viser une neutralité carbone dont les solutions proposées sont discutables

A ceci viennent s’ajouter les tensions sur le marché des quotas de CO2 dont les prix atteignent des records : la taxe CO2 est passée 28 euros à 74,79 euros la tonne et on prévoit en Europe un 200 euros la tonne… Une hausse funeste pour notre industrie sachant que le combustible représente entre 15 et 80 % du prix de production du minéral. Or, à ce jour il n’existe pas de solution technologique de substitution. il faut du gaz pour sécher ou calciner les minéraux. Il en va de même du transport : aujourd’hui il est impossible de se passer des véhicules thermiques.

Besoin d’un cadre juridique stable pour une transition maitrisée

La transition doit se réaliser dans des conditions acceptables par tous. Sans visibilité il est impossible de se projeter. La législation ajoute une couche supplémentaire à la fiscalité et aux tarifs de l’énergie. En juillet la commission européenne a promulgué « Fit for 55 »,12 propositions d’actions dont l’objectif est d’accélérer la lutte contre le réchauffement climatique. Il faut que chaque texte soit en articulation avec les autres propositions et quune double peine ne sapplique pas notamment aux secteurs énergo-intensifs et/ou aux secteurs déjà soumis à lETS. Il serait bien qu’une discussion ait lieu sur la globalité de ces textes qui manquent parfois de cohérence.

Mais les minéraux industriels courbent le dos et sattendent à de nouvelles contraintes. On imagine alors facilement les conséquences directes et indirectes : les 3000 emplois menacés de ce secteur, mais également le détricotage de notre tissu industriel… Comment justifier la ré-industrialisation d’un pays qui n’est pas en mesure de produire lui-même ses matières premières telles que du kaolin feldspath pour le carrelage, les éviers, de la diatomite pour la filtration du plasma sanguin, du talc pour le Doliprane, du sel pour les routes, du quartz pour les ordinateurs, du carbonate de calcium  pour les polymères comme le PVC des fenêtres, le plastique des tubes de respirateurs les flacons des médicaments d’interêt thérapeutique majeur etc….

On peut multiplier les exemples à l’infini de ces « industries invisibles », premiers maillons de la chaine de la ré-industrialisation française. Une chose est certaine si nous précipitons la transition, ce n’est pas la ré-industrialisation qui nous attend mais la catastrophe industrielle.

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