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Les vegans devraient-ils aussi éviter les avocats et les amandes ?
©Sebastian Kahnert / dpa / AFP

Restrictif

Une émission satirique de la BBC a lancé l’idée que les avocats et autres amandes n’étaient pas vraiment vegan car on amenait dans les champs californiens des ruches pour les polliniser, un exemple typique d’exploitation d’espèce animale par l’homme. Des sites vegan ont aussitôt repris cette question philosophique : si on s’abstient de manger du miel par respect pour le travail des abeilles, peut-on alors manger des fruits ?

Bruno Parmentier

Bruno Parmentier

Bruno Parmentier est ingénieur de l’école de Mines et économiste. Il a dirigé pendant dix ans l’Ecole supérieure d’agronomie d’Angers (ESA). Il est également l’auteur de livres sur les enjeux alimentaires :  Faim zéroManger tous et bien et Nourrir l’humanité. Aujourd’hui, il est conférencier et tient un blog nourrir-manger.fr.

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Atlantico : On a découvert qu'en Californie, les avocats et les amandes étaient cultivés grâce à l'aide des abeilles, comment fonctionne cette culture ?

Bruno Parmentier : Belle découverte de gens ignorants ! La quasi-totalité des arbres fruitiers (et de plantes à fleurs) ont besoin de pollinisateurs pour que leurs fleurs produisent du fruit. Si on conjugue la quasi disparition des abeilles et autres pollinisateurs, et la création de grands vergers pour produire assez de fruits pour satisfaire la demande des urbains, les arboriculteurs passent évidemment des accords avec les apiculteurs pour qu’ils installent des ruches au milieu de leurs vergers au moment crucial de la floraison, qui ne dure que quelques semaines. C’est d’ailleurs comme ça qu’on trouve à la vente des dizaines de miels aux goûts fort différents : miels de citronniers, d’orangers, de tilleul, de châtaigner, de caféier, d’avocatier, d’amandier, de pommier, de lavande, d’eucalyptus, de thym, etc.

Les apiculteurs sont donc de grands déménageurs. Une ruche peut ainsi être installée successivement dans 5 ou 6 emplacements au cours d’une année. On les transporte évidemment de nuit, ruches fermées, et on laisse un moment de repos avant de rouvrir la ruche. Des ouvrières partent immédiatement en exploration, reviennent illico expliquer à leurs collègues où sont les sources de pollen les plus proches, et le travail commence. Une abeille peut visiter 250 fleurs par heure, quand elles sont proches l’une de l’autre. Avec des dizaines de milliers d’abeilles, une ruche peut « traiter » 30 millions de fleurs en une journée !

En fait, rares sont les abeilles qui vont réellement voir du pays car en moyenne elles vivent 3 à 4 semaines l’été (et 3 mois l’hiver, où justement on ne déplace plus les ruches, faute de fleurs à leur faire butiner). D’autant plus qu’au cours de leur courte vie elles remplissent également d’autre rôles : nettoyeuses, nourrices, architectes (construction des rayons), cirières ou gardiennes !

Notons au passage que si on déplace les ruches, il faut le faire franchement, de plusieurs kilomètres, pour en quelque sorte « remettre les compteurs à zéro ». Si on les déplace de quelques mètres, il n’y a pas de réorientation globale et les ouvrières meurent, ne retrouvant plus le chemin du bercail !

Cette information pose problème aux vegans car les avocats et les amandes sont alors cultivés en utilisant des abeilles, or ils souhaitent vivre sans exploiter aucune espèce animale. Mais est-il judicieux de considérer ce type de culture comme de l'exploitation ?

En matière d’éthique, chacun ses opinions ! Mais pourquoi « privilégier » les avocats et les amandes ? A ce compte-là il ne faudrait plus manger de fruit du tout, ou du moins aucun fruit issu de grands vergers où les ruches ne sont pas installées en permanence. Ou même issu d’aucun verger où il y a des ruches, si on considère que la ruche est un symbole de l’exploitation d’un animal… Et bien entendu aucun fruit ayant reçu des insecticides.

Y a-t-il d'autres exemples qui tendraient à montrer que le véganisme n'est qu'un idéal que certains pourraient vouloir atteindre, sans pouvoir respecter à la lettre tous ses adages ?

Si on mène le véganisme de façon jusqu’au-boutiste, la vie peut devenir très compliquée ! Monter à cheval est considéré par certains végan comme de l’exploitation animale. Avoir des animaux de compagnie également (mais pas recueillir des animaux abandonnés !!!). Il faut éviter les corridas bien sûr, mais aussi les cirques, les zoos et les aquariums.A la base, il ne faudrait porter aucun vêtement contenant du cuir, de la laine, de la soie, de la fourrure, de l’alpage, du cachemire, etc. Attentionaussi aux bijoux montés avec des perles, du nacre, des plumes ou de la corne. Bannir tous les cosmétiques contenant de la cire, du carmin, du collagène, de la kératine, etc., et les médicaments ou produits ménagers testés sur les animaux lors de leur conception. Et bien entendu ne pas manger de viande, de lait, d’œufs, de poissons ou crustacés, mais pas non plus de produits végétaux dont on suspecte qu’ils pourraient avoir été cultivés avec utilisation d’insecticides ou de fumiers.

Allons plus loin, certains Jains en Inde balaient devant eux en marchant pour ne pas écraser d'insectes et se masquent la bouche pour ne pas en avaler. Ils refusent aussi de s'alimenter avec des légumes racines (comme les carottes, oignons et pommes de terre) dont la cueillette pourrait avoir tué des organismes vivants. Ils n'empruntent pas non plus de voiture ni d'autobus, puisque les roues peuvent tuer des insectes en roulant.

En la matière, l’imagination humaine est sans limite !

Heureusement beaucoup de végétariens restent pragmatiques, et notent que la vache ne meurt pas quand elle donne son lait, et la poule ne meurt pas quand elle donne son œuf (au demeurant pas transformable en poussin s’il n’a pas été fécondé). Alors que, dans l’omelette aux lardons cuite avec du beurre, le cochon, lui, a du donner sa vie, ce qui fait une différence notable.

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