Les vacances c'est le bonheur... Mais est-ce une bonne idée économique ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les vacances ont un coût économique
Les vacances ont un coût économique
©REUTERS/Alessandro Bianchi

Le nettoyeur

Nous sommes le 1er août. La plupart des Français vont prendre leurs vacances ce mois-ci. Des départs en masse qui ne sont pas sans conséquences économiques.

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry

Pascal-Emmanuel Gobry est journaliste pour Atlantico.

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Internationalement, la France est connue pour son amour du farniente. Le monde entier associe la France aux 35 heures et aux longues vacances que nous promet notre Code du travail—en tous les cas pour ceux qui ont la chance d'avoir un CDI. 

Est-ce une bonne idée de travailler si peu ? 

Economiquement, il y aurait beaucoup de raisons de le penser. 

Tout d'abord, l'évidence : plus on travaille—du moins en théorie—plus on produit. Moins on travaille, moins on produit. Et étant donné que l'économie dépend, au moins en partie, de la production, cette attitude expliquerait une partie de notre chômage de masse et de notre croissance anémique. 

Ensuite, il faut signaler que ces “acquis sociaux” des 35 heures et des mois de vacances sont moins des droits sociaux que des privilèges de castes. Ceux qui ont des emplois stables—fonctionnaires et titulaires de CDI en grandes entreprises, particulièrement celles régies par des conventions collectives plus favorables encore que le Code du travail—ont tous ces avantages sociaux. Mais beaucoup d'autres ne les ont pas, qu'il s'agisse des travailleurs indépendants, qui payent toujours un coût pour prendre des vacances ou, évidemment, de notre énorme lumpenproletariat de la précarité.

Loin de représenter une France progressiste qui accorde des droits sociaux à tous, ces divers avantages représenteraient une autre France : la France de l'Ancien régime, qui crée des privilèges. En augmentant le coût—financier et non-financier—de l'embauche, les diverses réglementations qui entourent le CDI garantissent le sous-emploi. Et, évidemment, ceux qui n'accèdent pas au CDI, sont invariablement les gens déjà marginalisés : les travailleurs avec moins de compétences, les classes ouvrières, les immigrés ou enfants d'immigrés. Le CDI représente alors une société de caste et l'injustice sociale. 

Et puis, on pourrait également citer la logique de Thomas Philippon, qui décrit l'économie française comme fonctionnant sur la base d'un “capitalisme d'héritiers” qui crée des relations sociales déplorables. En France, les capitalistes sont des héritiers, soit littéralement, soit par notre système de reproduction sociale de caste. Ceci fait que dans de nombreuses entreprises, les promotions ne sont pas faites au mérite. Ce qui engendre un climat de suspicion entre patrons et salariés (cf. par exemple la tradition française de syndicalisme conflictuel si différente de la tradition allemande). Si les Français veulent travailler aussi peu, c'est parce que le travail se passe mal, à cause de nos biais culturels français. Si nous avions un système un peu plus méritocratiques, les Français verraient moins leur emploi comme un sale moment à passer pour pouvoir se payer des vacances. 

Tout cela est vrai.

Tout cela est vrai...et pourtant...

L'image de l'économie la plus répandue, image que je considère comme foncièrement fausse, est l'image du productivisme : l'économie est une espèce de grande machine qui produit des biens et des services et fait des consommateurs de biens et services ; la seule chose qui compte, c'est de continuer à acheter et à vendre ; au final, peu compte ce qui est acheté ou vendu, ce qui compte c'est simplement de faire tourner la machine à plein régime. 

Ma vision de l'économie—la seule vision qui explique la Révolution économique, comme l'a expliqué l'économiste et historienne Deirdre McCloskey—est différente : l'économie est un système vivant qui permet (ou pas) à chacun d'exprimer ses talents et sa créativité pour résoudre les problèmes des gens. Une économie créative, ce n'est pas une économie qui fait en sorte que chacun ait un cheval ; c'est une économie qui remplace le cheval par la voiture. Ou un Nokia par un iPhone. 

Dans ce contexte, ce qui compte ce n'est pas tant la quantité de production que sa qualité. Et on peut penser que pour qu'une économie vraiment créative se développe, surtout au 21ème siècle, il faut encourager la créativité des acteurs économiques. Et qu'une vie stakhanoviste, enchainée au bureau, n'est pas forcément ce qui prête le plus à la créativité. Dans ce sens—même indépendamment qu'on doit travailler pour vivre, et non vivre pour travailler, ce qui n'est pas négligeable—un rythme de travail plus modéré, avec des pauses et des respirations, est peut être ce qu'il y a de mieux pour une économie créatrice.

Mais ça pose un problème. En France, nos réglementations sur le temps de travail et de vacances créent indubitablement du chômage. Mais aux Etats-Unis, où le travail est moins réglementé, la pression de la concurrence fait que le rythme de travail est peut être trop effréné. Comment faire cette quadrature du cercle? Voici une question intéressante...

Pour ma part, j'y penserai pendant mes vacances... 

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