Les paradoxes de l’outing de Florian Philippot à l’ère du mariage pour tous<!-- --> | Atlantico.fr
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Florian Philippot a été outé par Closer
Florian Philippot a été outé par Closer
©Reuters

Contradictions

Ce n'est pas tant contre la violation de la vie intime par le magazine Closer que les personnalités politiques de tous bords se sont indignées, que contre le fait de révéler au grand public l'homosexualité du vice-président du FN. Une réaction qui prouve qu'une loi ne change pas la société en un tour de main.

Vincent Viollain

Vincent Viollain

Vincent Viollain est président délégué de GayLib, un mouvement associé à l'UDI qui milite pour les droits des personnes LGBT.

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Atlantico : A la suite de la publication par le magazine Closer d'une photo montrant le vice-président du FN Florian Phillipot avec son compagnon, l'ensemble de la classe politique, depuis le FN jusqu'au Front de gauche en passant par l'UMP et le PS, s'est indigné de cet "outing". Pourtant, la loi sur le Mariage pour tous ayant établi qu'il n'existe pas de différences entre homosexualité et hétérosexualité, les critiques ne devraient-elles pas porter uniquement sur l'atteinte à la vie privée ?

Vincent Viollain : Depuis le début de cette affaire, c'est la meilleure question que l’on m'ait posée. Sans hésitation, la réponse est "oui". La notion "d'outing" faisait sens, avait une légitimité dans les années 1980-1990. L’outing nous ramène au temps d’Act up, puis de la mobilisation pour le Pacs, quand on cherchait à "débusquer" les gens. Or de quoi est-il question depuis ce vendredi ? D'un journal people qui s’appelle Closer, qui il n’y a pas si longtemps a montré des photos de François Hollande se rendant à scooter chez Julie Gayet. Si le débat portait sur la "peopolisation" de la politique, ce serait tout à fait normal, mais il se trouve qu’une immense partie du corps politique, réunie en un chœur de vierges, ne cesse de répéter qu’il est scandaleux de "faire un outing". Cela prouve précisément qu’ils établissent une différence entre homosexualité et hétérosexualité. Lorsque la relation entre Arnaud Montebourg et Aurélie Filippetti a été révélée par un magazine du même acabit que Closer, les commentaires ont uniquement porté sur cette question de la peopolisation de la vie politique. Si les photos avaient été celles de Florian Philippot avec sa compagne, personne n’aurait eu les réactions que nous avons pu observer tout au long de cette journée. "L’outing" est donc un terme dépassé, et les réactions sont exagérées. 

Si donc l'homosexualité n'est plus pénalisante au niveau social comme cela pouvait être le cas il n'y a pas si longtemps, de quoi le fait que les "outing" et les "coming out" suscitent toujours autant de réactions est-il révélateur ?

Il ne faut pas non plus avoir un discours fermé ou en dehors de la réalité. Dans bien des cas, il est encore difficile pour un certain nombre de personnes de faire son coming out. Ce que je veux, dire, c’est que titrer comme l’a fait Closer, sous l’angle de l’outing, cela revient à faire le jeu du Front National, dont on connaît la position constante sur l’homosexualité : pour les frontistes cela relève exclusivement du privé. Jean-Marie Le Pen avait déclaré "on ne fait pas la police de la braguette", autrement dit, tant que la chose est cachée, ce n’est pas grave. Sauf que l’évolution de ces dernières années vient contredire ce type de posture, désormais la vision de l’homosexualité est majoritairement positive, il n’est plus question de la renvoyer au rang de ces choses qu’il faut dissimuler à la face du monde. Comme nous nous trouvons dans une société à forte peopolisation, et bien que je n’approuve pas ce que fait Closer par exemple, ce type de médiatisation est difficilement évitable, et toute personne publique sait qu’elle n’est pas à l’abri. 

Si même les défenseurs de la cause gay s'offusquent de la mise en avant de l'homosexualité de Florian Phillipot par Closer, cela ne revient-il pas pour eux à reconnaître en creux que le fait d'être gay en France pose encore des difficultés ?

Par leurs récriminations, ils l’ont fait inconsciemment. Que des personnalités de gauche, qui ont soutenu le Mariage pour tous, ne se rendent pas compte qu’elles mélangent la question de l’homosexualité et de la publicité de la vie privée, cela m’attriste. Toutes ces personnes ne pensent pas pointer du doigt le fait qu’il y a un problème avec l’homosexualité, mais sans s’en rendre compte, c’est ce qu’elles font. Plus globalement, je constate qu’aujourd’hui les médias s’attachent de plus en plus à mettre en évidence tout écart entre l’image publique et la vie privée. On l’a vu avec Thomas Thévenoud ou Aquilino Morelle sur les questions d’argent, et maintenant avec Florian Philippot, qui appartient au FN, parti dont on sait qu’il s’oppose aux droits des homosexuels.  

Le débat sur le mariage pour Tous a été très long, il a traversé la société française pendant des mois, de manière puissante et réelle. Pourtant, cette affaire révèle qu’une loi ne peut pas faire le travail de la société. En revanche la loi fait apparaître par décalque des réflexes qui restent ancrés. La société bouge, et l’on ne se rend pas compte que l’outing a vieilli, que c’est un réflexe d’un autre temps. 

Pierre Palmade avait provoqué une polémique en septembre 2013, lorsqu'il s'était dit "triste d'être homo", notamment parce qu'il regrettait de ne pas pouvoir construire une relation avec une femme. Cette question-là aurait-elle dû être abordée lors du débat sur le Mariage pour tous ? Pourquoi ?

Une société démocratique a vocation à aborder tous les sujets, sans tabou. Il n’est pas interdit d’aborder la part du refoulé, de la tristesse, car il ne faut pas nons plus dresser un tableau trop idyllique. C’était le droit de Pierre Palmade que de faire part de son mal-être, cependant je ne pense que cette question aurait dû être posée dans le cadre du débat sur le Mariage pour tous. Le projet de loi, au fond, était assez simple, et ne soulevait donc pas cette question. Dans d’autres circonstances, la société a vocation à se saisir des questions soulevées par Pierre Palmade. Mais il s’agit de deux temporalités différentes.  

Propos recueillis par Gilles Boutin

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