Les mannequins plus size : l’opération marketing loin d’un véritable changement de mentalité<!-- --> | Atlantico.fr
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L'édition 2015 du célèbre calendrier Pirelli prévoit pour la première fois l'apparition d'un mannequin aux formes affirmées, Candice Huffine.
L'édition 2015 du célèbre calendrier Pirelli prévoit pour la première fois l'apparition d'un mannequin aux formes affirmées, Candice Huffine.
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Too big to fail ?

Jenny Runk pour H&M, Miss Dirty Martini et Crystal Renn pour Karl Lagerfeld, Robyn Lawley, Jada Sezer, Shareefa J et la blogueuse mode Gabi Fresh pour Sports Illustrated... Allons-nous vers une acceptation du corps féminin sous toutes ses formes ? Pas vraiment.

Bernard Andrieu

Bernard Andrieu

Bernard Andrieu est philosophe, Pr. en Staps Université Paris Descartes, Directeur du laboratoire EA 3625 TEC, http://recherche.parisdescartes.fr/tec/auteur de Sentir son cors vivant. Emersioliogie 1, Paris, Vrin, 2016

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Atlantico : L'édition 2015 du célèbre calendrier Pirelli prévoit pour la première fois l'apparition d'un mannequin aux formes affirmées, Candice Huffine. Cet événement s'inscrit dans une tendance croissante de la part de l'industrie de la mode à faire apparaître des mannequins grande taille, à savoir mettant des vêtements de taille 40, 42, 44 et plus. Peut-on parler d'une hypocrisie marketing de la part de l'industrie de la mode ou d'un véritable changement dans les mentalités de la société ?

Bernard Andrieu : Aucun éditeur de revue ou de site d'informations ne met en avant des corps différents et des modèles qui ne seraient pas conformes au standard économique du marché des tops. Les courbes des femmes doivent rester encadrées dans des stéréotypes esthétiques de ce que serait la beauté. En l'occurrence, les mannequins grande taille apparaissent dans ce type de magazines ou sur les podiums afin de parler à un marché économique, et non pour changer les mentalités.

Les mentalités actuelles ne correspondent pas au marketing car la multitude des corps ne se réduit pas à des images de vêtements culturellement différents si ce sont les mêmes types de corps qui sont présentés. Avec 20% de personnes en surpoids et de plus en plus de personnes âgées, il y a un effacement de ces extrêmes par le marketing afin de privilégier le corps standard épuré de ces différences. On arrive finalement à une sorte de morphotype standard.

Pourquoi la France n'est-elle pas prête à accepter des courbes plus marquées chez les femmes ? Et dans d'autres pays du monde ?

A l'étranger, et notamment en Allemagne, certains magazines comme Brigitte ont choisi de montrer des amatrices mannequin, des femmes avec des cicatrices d’ablation du sein suite à un cancer, des femmes fortes et d’autres avec des rides. En France, on attend encore la révolution esthétique dans nos magazines qui subissent eux-mêmes la pression des annonceurs dont l’objectif est de cibler leurs ventes.

Pour autant ces opérations marketing ne permettent-elles pas de modifier quelque peu les mentalités au sein des sociétés ?

Pas vraiment, car une fois de plus, il en est du volume des corps comme de la couleur ou de l’âge. Plus il y a de personnes en surpoids et de personnes âgées dans la société, moins le marketing le prendra en compte, maintenant ainsi un idéal corporel qui se tient pourtant bien à l’écart de la majorité.

A l'instar de Beth Ditto qui a défilé pour Jean-Paul Gaultier en 2010, peut-on également parler d'une certaine fascination, d'un sensationnalisme à montrer des formes très généreuses ?

Tout à fait. La démesure reste une catégorie d’exception pour surligner dans les défilés une différence qu’on exalte ponctuellement, tout en faisant son marché sur des cibles convenues, tant dans le volume que dans le genre.

De plus, le sensationnalisme est un genre de spectacle.En montra nt le volume corporel différent d’une personne forte ou d’une femme âgée, on veut prolonger l’unité et l’homogénéité des formes en se privant des variations du vivant. On ne serait respectable que par son corps standard qui devient invisible puisque tout le monde aurait le même. Par ailleurs, la visibilité des transgenres comme Conchita Wurst, gagnante de l’Eurovision 2014, est bien plus confirmé et accepté par la culture mainstream. Ce sont en effet des corps standard sur le plan du volume et de l'érotisme. Il n’y a donc pas de transgression comme pour une personne de forte taille.

Pourquoi sommes-nous à ce point attachés aux formes longilignes, presque androgynes ?

L’attachement aux formes androgynes maintient l’unisexe et la confusion des genres et des âges, sans revendiquer pour autant le droit de changer de genre. Il s'agit de se maintenir dans le corset de la minceur.

Les courbes des femmes, quant à elles, sont réservées aux marges qui revendiquent la possibilité d’un autre corps. Dans la norme sociale, il y a une conjonction des politiques de prévention sur l’alimentation et sur l’activité physique afin de rejoindre le standard et d’être reconnu.

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