Les leçons des élections britannique à l’attention des adeptes du référendum<!-- --> | Atlantico.fr
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David Cameron, le Premier ministre britannique, devrait être reconduit au 10 Downing Street.
David Cameron, le Premier ministre britannique, devrait être reconduit au 10 Downing Street.
©REUTERS/Darren Staples

London calling

Les élections législatives au Royaume-Uni, dont on connaît aujourd'hui les premiers résultats, ont été prises dans un double étau. D'un côté la menace d'une sortie de l'UE en cas de victoire des conservateurs, de l'autre celle d'une percée des indépendantistes écossais en cas de victoire de la gauche. Des menaces émanant de promesses de référendum, qui servent parfois des intérêts plus politiques.

Christophe Biseux

Christophe Biseux

Christophe Biseux est professeur à l'université de Cergy-Pontoise, spécialisé en civilisation britannique et en politique contemporraine du Royaume-Uni. Il a notamment travaillé avec Monica Charlot (1933-2005), spécialiste reconnue de l'histoire et de la civilisation de la Grande-Bretagne.

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Atlantico : Le Premier ministre britannique sortant, le conservateur David Cameron, est sur le point d'obtenir un nouveau mandat à la tête du Royaume-Uni, suite aux élections générales au Royaume-Uni. L'autre vainqueur du scrutin est le parti national écossais, le SNP, qui remporte 56 des 59 sièges mis en jeu en Ecosse. Les hommes politiques britanniques sont pris en étau par deux promesses de référendum qu’ils ont faites. La première concerne celle d’une sortie de l’Union européenne en cas de victoire des conservateurs, un « brexit » inimaginable auparavant et qui pourrait coûter cher au pays. Cette décision a-t-elle été prise sans considérer l’effet boomerang ?

Christophe Biseux : Cette décision a surtout été prise en en considérant les effets bénéfiques et en occultant les effets négatifs potentiels. Pour les conservateurs l’effet bénéfique est surtout de calmer la frange eurosceptique du Parti conservateur, et faire revenir dans son giron les électeurs qui, un par un, se sont mis à voter pour le parti UKIP. C’est surtout de cet ordre-là, reprendre des thématiques du UKIP comme le départ de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, mais aussi la lutte contre l’immigration. Les conservateurs occultent de nombreux effets négatifs, parmi lesquels la colère de la City et du patronat, qui n’est pas du tout d’accord avec cela, et qui constitue une frange non-négligeable de l’électorat des Tories. Ceux-là sont tout à fait contre car ils bénéficient des échanges économiques et financiers avec l’Europe, quand on sait que les principaux partenaires du Royaume-Uni dans les échanges commerciaux sont les pays de l’Union, et non plus des pays de l’extérieur, il y a donc des bénéfices au marché unique, à la disparition des droits de douane, des barrières tarifaires.

L’une des philosophies du Parti conservateur est le pragmatisme, c’est ce qui gouverne leur politique, contrairement à un certain nombre de partis en Europe qui ont une véritable grille de pensée, une idéologie. Donc, entre deux maux, ils ont décidé de choisir le moindre : ils sont conscients de l’impact négatif possible, mais ils pensent que les avantages du point de vue politique sont bien plus importants de leur côté. Et n’oublions pas que la City est le premier centre financier européen, et qu’elle le demeurera, de même la Grande-Bretagne est le premier pays européen pour les investissements extra-européens, et je suis quasiment certain qu’elle le restera malgré tout. Donc, il y a les inconvénients déjà nommés, mais dans une décision politique il n’y a jamais que des avantages. Selon moi, la question a été posée de cette façon, peut-être qu’ils se fourvoient, et pourtant la balance pèse de leur côté.

De l’autre côté, c’est l’héritage du référendum raté sur l’indépendance de l’Ecosse qui pose problème. Le parti nationaliste écossais, le SNP, est en position de force et ne compte pas en rester là. Cela repose-t-il sérieusement la question d'un référendum sur l'indépendance de l'Ecosse ?

Sophie Pedder : A court terme, non, car la question a déjà été tranchée l'année dernière. Par ailleurs les nationalistes évcossais n'auront aucun rôle dans l'exécutif, puisque les Conservateurs se révèlent plus forts qu'on ne l'imaginait. David Cameron ne risque donc pas de se retrouver à courte échéance obligé de poser de nouveau la question aux Ecossais. Ceci dit, la pression politique de la part des Ecossais sera réelle, de par leur forte présence au Parlement britannique. Ils vont pouvoir exercer un rôle d'opposition dans le cadre des débats. Nous saurons si les choses auront évolué ou non dans le sens de l'indépendance dans cinq ans. Si jamais le Royaume-Uni était améné à sortir de l'Union européenne, cela jouerait indéniablement en faveur des indépendantistes écossais. Mais nous n'en sommes pas encore là.

Le référendum est souvent utilisé comme une « arme démocratique », une manière de montrer que c’est bien le peuple qui doit avoir le dernier mot. Dans le cas des conservateurs, on voit bien que c’était surtout une promesse pour se faire élire et qu’ils auront du mal à assumer.  D’une façon générale, que cache le recours au référendum ?

Christophe Biseux :Certaines personnes affirment que la meilleure façon de procéder est de s’en remettre au peuple. Mais, déjà il faut noter qu’on peut obtenir des réponses différentes en fonction de la formulation de la question. C’était déjà le cas lors du référendum de 1975, en Grande-Bretagne, qui posait la question d’une renégociation des conditions d’adhésion du pays à l’Union européenne. A cette période-là, on s’est aperçu qu’on n’avait pas les mêmes réponses si on changeait la formulation : « voulez-vous rester ? » n’était pas la même chose que « voulez-vous sortir ? ». On pourrait donc penser que le référendum est avant tout une façon d’obtenir aisément l’appui de la population.

On ne peut cependant dire que ce soit toujours le cas. Ce n’est pas toujours un stratagème visant à se justifier par l’aval du peuple. Les hommes politiques qui ont fait voter le traité constitutionnel européen, étaient persuadés, car tous les partis militaient pour le oui, d’avoir l’aval du peuple, or celui-ci avait voté contre. Cette certitude selon laquelle on va obtenir une réponse est totalement erronée. Mais je suis totalement incapable de dire si Cameron sait quelle réponse il obtiendra en renégociant les termes d’adhésion du pays à l’UE.

En France, certains hommes politiques, de la gauche de la gauche, souhaitent aller vers une république plus participative, avec plus de démocratie directe. Cependant, poser des questions au peuple par des référendums ne fait-il finalement pas craindre d’assumer des choix qui peuvent dans le futur s’avérer néfastes ?

Christophe Biseux :Il faut déjà se rendre compte que le référendum pose toujours une question étroite. De plus, il suppose que tout le monde possède les éléments pour répondre, et cela, tout en étant démocrate, on peut en douter. Personnellement, j’ai discuté avec des professeurs brillants qui avaient participé au référendum de 1975 et qui me disaient qu’en votant, ils n’avaient pas vraiment de conscience de ce pourquoi ils votaient, car ils n’avaient pas les éléments. Si des professeurs n’avaient pas la réponse, imaginez pour le reste de la population. Aujourd’hui on peut dire que les électeurs en général, et cela dans l’ensemble de l’Europe (les eurobaromètres le prouvent), sont très mal informés sur ces sujets. La communication européenne est souvent truffée d’un jargon indigeste, pour ne pas dire incompréhensible pour le commun des mortels. Et il y a des hommes politiques qui s’emparent de ce sujet uniquement au moment des élections européennes. Les électeurs voient donc l’Europe par le petit bout de la lorgnette, avec des connaissances qui cependant progressent. Depuis la création de l’Europe, cette connaissance progresse, mais cependant reste très insuffisante.

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