Les Françaises prennent-elles encore le nom de leur mari ?<!-- --> | Atlantico.fr
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En France, 20% des femmes souhaiteraient ne pas prendre le nom de leur mari.
En France, 20% des femmes souhaiteraient ne pas prendre le nom de leur mari.
©Reuters

Patronyme

Certaines femmes mariées décident de conserver leur nom de naissance ou d’accoler celui-ci au nom de leur bien-aimé. Mesdames, pourquoi conserver ou non son patronyme de jeunesse ?

Laurent Toulemon

Laurent Toulemon

Laurent Toulemon est chercheur à l'Institut national d'études démographiques (INED) et responsable de l'unité de recherche "Fécondité, famille, sexualité" du même institut. Ses domaines de recherche portent notamment sur l'étude des structures familiales en France.

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Atlantico : Aux États-Unis, une étude (ici) révèle une tendance des jeunes femmes à adopter le nom de leur mari davantage que dans les années 1990, laissant entrevoir un renversement de tendance (elles ne seraient plus que 18% aux États-Unis à garder leur nom de naissance). Les jeunes femmes américaines seraient donc plus "traditionnalistes" que leurs aînées sur la question. En France, 20% des femmes souhaiteraient ne pas prendre le nom de leur mari, selon un sondage BVA publié en 2011 (ici). Comment a évolué l’attitude des femmes (et de leurs maris) sur la question en France, et comment peut-elle prochainement encore évoluer ?

Laurent Toulemon: En l'absence de données récentes comparables, je n'ai pas la réponse à cette question. Les comportements peuvent différer fortement des pratiques. Par exemple, d'après le sondage de 2011 que vous citez, "s’ils avaient un premier enfant cette année, 40% des hommes et des femmes ne lui donneraient pas pour nom de famille le seul nom de son père", mais 89% des enfants qui sont nés en France en 2012 portent le seul nom de leur père (selon une étude de l'Insee). Même en se limitant aux enfants nés de parents non mariés et aux aînés, le compte n'y est pas... Pour revenir au nom du mari, les réponses montrent une préférence pour le nom du mari, puis pour les deux noms. C'était déjà le cas il y a quinze ans. Mais l'usage du nom peut varier selon les contextes : des femmes peuvent après leur mariage conserver leur nom de naissance ou utiliser les deux noms, mais n'utiliser que le nom du mari à l'école de leurs enfants. Il faut bien distinguer les réponses à des questions d'opinion (dans lesquelles les personnes répondent ce qu'elles rêveraient de faire ou ce que qu'elles préfèrent dire) et les comportements réels dans des situations concrètes. 

Que traduit l’adoption du nom du mari à l’origine ? Quel symbole et quel sens attribuer à cet acte aujourd’hui ?

Rappelons d'abord que les femmes, comme les hommes, conservent leur nom de naissance à leur mariage. Elles ont la possibilité de prendre le nom de leur mari comme nom d'usage. Cette habitude reste majoritaire, mais la loi ne fait qu'autoriser les femmes (comme les hommes) à prendre le nom de leur conjoint comme nom d'usage. Le mari peut donc également prendre le nom de la femme comme nom d'usage. Les époux peuvent aussi accoler leurs deux noms, dans l'ordre qu'ils préfèrent. Seules les personnes mariées peuvent prendre le nom de leur conjoint. A l'origine le fait pour la femme de prendre le nom du mari était en cohérence avec la transmission du nom du père. Depuis la loi sur le nom des enfants, les parents peuvent choisir de donner à leurs enfants le nom du père, de la mère, ou les deux accolés dans un ordre ou dans un autre (père-mère ou mère-père). Pour que les membres d'une famille (père, mère, enfants) portent tous le même nom, il n'est donc plus nécessaire que tous portent le nom du mari.

En France, suite au vote de la loi sur le mariage homosexuel, cette possibilité de garder son patronyme prend une toute autre dimension, puisque la différence sexuelle n’est plus là pour inscrire une règle d’usage par défaut.La loi Taubira pourrait-elle par ricochet généraliser la différence de noms entre époux ?

A l'occasion de leur mariage (le premier dans le cadre de la loi), Vincent Autin et Bruno Boileau ont déclaré vouloir utiliser comme nom d'usage Autin-Boileau. Je ne sais pas si l'ordre choisi pour les noms est simplement alphabétique ou fondé sur une autre raison, mais les époux n'ont pas souhaité garder chacun leur nom de naissance. Le mariage de personnes de même sexe ne modifie que très peu une situation déjà très ouverte, où les conjoints (de même sexe ou de sexe différent) conservent légalement chacun leur nom de famille (nom de naissance) mais peuvent choisir telle ou telle combinaison de leurs noms comme nom d'usage. La présence de couples de même sexe participe de la diversité des familles, mais ne crée pas cette diversité, déjà présente par le jeu des ruptures et des nouvelles unions. 

Quels sont les éventuels avantages et inconvénients à conserver l'usage de son nom de naissance au sein d'un couple marié ?

Les parents non mariés ne sont pas autorisés à prendre le nom de leur compagne ou compagnon. Si les parents ne sont pas mariés les enfants peuvent porter le nom de leurs deux parents accolés, mais pas le "même nom" que leurs deux parents, qui doivent garder chacun leur propre nom. En cas de rupture d'union, il est possible de conserver le nom de son ancien époux mais, en cas de remariage ou de nouvelle naissance les conjoints ou les enfants auront des noms différents. L'avantage de conserver son nom de naissance, c'est la continuité au cours de la vie. Le fait d'accoler les deux noms permet de combiner la stabilité et la nouveauté... et de permettre que les enfants portent le même nom (composé) que leurs parents. Dans l'étude parue dans Population et Sociétés déjà citée, Marie-France Valetas montrait à quel point les opinions et comportements sont complexes et divergents : après un divorce les femmes cadres reprennent moins souvent leur nom de naissance que les ouvrières, mais elles sont plus favorables à la transmission du nom de la mère. Quand beaucoup d'enfants porteront deux noms et qu'ils se mettront à leur tour à avoir des enfants, la question de la transmission se posera à nouveau: si chaque parent a déjà deux noms, le couple devra choisir parmi ces deux noms celui ou ceux (deux au maximum) qu'ils transmettront à leurs enfants.

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