Les Français djihadistes athées à 70% et sans lien avec l’immigration à 80% : pourquoi la DGSE passe à côté d’une partie de la vérité<!-- --> | Atlantico.fr
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Un rapport de la DGSE a étudié les origines des djihadistes français.
Un rapport de la DGSE a étudié les origines des djihadistes français.
©Reuters

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Un rapport de la DGSE portant sur les origines familiales des jeunes Français partis se battre dans les rangs de l’État islamique, cité fin novembre par le député PS Patrick Mennucci. Un constat qui se fonde uniquement sur les déclarations des familles ayant effectivement signalé des "apprentis djihadistes".

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Atlantico : Selon un rapport de la DGSE cité le 26 novembre dernier par le député PS Patrick Mennucci lors des discussions autour de la proposition de loi "visant à déchoir de la nationalité française  tout individu portant les armes contre les forces armées françaises et de police", "sur un panel de 120 familles dont les enfants sont partis faire le djihad avec le Daech, 70 % sont athées et 80 % n’ont aucun lien, récent ou lointain, avec l’immigration". Ces chiffres sont-ils conformes à la réalité sociologique des Français partis faire le djihad en Syrie ?

François-Bernard Huyghe : J'ignore comment sont calculés les chiffres de la DGSE mais il y en avait eu de similaires (80% de "familles athées") issus d'une étude du Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam. Cela reflète les signalisations d'apprentis jihadistes, pas des statistiques fiables sur les familles de ceux qui partent réellement. N'allons quand même pas imaginer que ce sont les francs-maçons ou les lecteurs de Voltaire qui forment le terreau de la guerre sainte.

Comment interpréter alors le fait que les familles qui ont contacté les autorités françaises pour les avertir du comportement de leurs enfants aspirants djihadistes soient majoritairement athées et "sans aucun lien, récent ou lointain avec l'immigration" ?

Ces chiffres indiquent seulement le profil de ceux qui s'inquiètent d'assister à la conversion et à la radicalisation de leurs enfants parce qu'ils les voient soudain jeûner ou lire le Coran et à qui cela paraît aberrant ou condamnable. Et d'ailleurs, si vous deviez "balancer" votre enfant à un centre de prévention du terrorisme, expliqueriez-vous que ce n'est pas étonnant car tout le monde est fanatiquement fondamentaliste chez vous ? Sans compter qu'il est permis de se demander comment on peut trouver en France un groupe social qui se déclare athée dans de telles proportions. Donc ce n'est guère probant.

En revanche, il est exact que l'État Islamique attire tout particulièrement des convertis et que sa propagande insiste lourdement sur leur présence dans leurs rangs pour envoyer le message que demain votre gentil petit voisin les rejoindra un jour.

La presse britannique révélait en mai 2014 que deux apprentis djihadistes, Yusuf Sarwar et Mohammed Ahmed, avaient commandé les livres "L’Islam pour les nuls" et "Le Coran pour les nuls" sur Amazon avant de quitter Birmingham pour aller combattre en Syrie. Cette attitude n'est-elle pas surprenante venant d'aspirants djihadistes ? Vient-elle accréditer le fait que ces jeunes sont surtout issus de milieux sans réels référentiels culturels ?

Le profil typique du djihadiste n’existe pas. Il y en a aussi bien issus d’un milieu très fondamentaliste, qui fréquentent les madrasas (école théologique musulmane ndlr), et d'autres, notamment en Occident, qui subissent des conversions très rapides. Généralement, ils ont auparavant un comportement "occidental", possèdent des voitures, s’habillent comme tout le monde et vont en boîte, ou au contraire, se caractérisent par un parcours chaotique, lié à la délinquance ou à la criminalité.

Il n’est pas étonnant que des conversions aussi brusques se concilient avec un faible niveau doctrinal, dans la mesure où ce que recherchent ces néophytes, est une occasion d’employer une énergie agressive qui bouillonne ou la rationalisation d’un désir de revanche envers le système qui persécute leurs frères musulmans. La justification théologique viendra toujours après et n’a pas besoin d’être très élaborée. Enfin, beaucoup de ceux qui ont envie d’aller faire le dhijad, n'ont pas forcément une grande habitude de la lecture, et ont pu être attirés par les images de violence, de puissance et d'unité que véhiculent les vidéos jihadistes.

S'agit-il d'un signe de modernité et de massification du djihadisme ?

Il est certain que les technologies en particulier numériques, facilitent le processus de radicalisation pour ceux qui ont une prédisposition. Dans le cheminement vers le jihad, beaucoup racontent comment ils ont assisté à la télévision aux persécutions de leurs "frères" palestiniens, tchétchènes ou sunnites d’Irak.

Ils se rendent sur Internet, où ils fréquentent des réseau sociaux et forums spécialisés. Cela renforce l’identification entre musulmans, les plus radicaux apparaissant comme des héros positifs, qui accomplissent des exploits et luttent pour une utopie fraternelle. Ce processus d’identification se fait beaucoup plus vite qu’auparavant. Pas besoin d’apprendre l’arabe littéraire à la bibliothèque ou de réciter le Coran pour en arriver là.

Cet article est une mise à jour de Ces djihadistes qui achètent "L’islam pour les nuls" : les voies étranges de la radicalisation islamiste, publié au mois d'août 2014

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