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Les femmes corses seront dans un café parisien ce soir… Ceux qui doutent de leur liberté de mouvement auront-ils le courage de venir les rencontrer ?
©PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

Tribune

Une centaine de femmes de toutes origines, de toutes tendances adressent aujourd'hui une lettre à Maurice Szafran, à Natacha Polony restée sans réaction lors de ces affirmations et à tous ceux qui stigmatisent la Corse pour leur rappeler que les Corses ont toujours été attachés au principe d'égalité entre les hommes et les femmes.

Corine de Bernardi

Corine de Bernardi

Corine de Bernardi est avocat, docteur en Droit public.

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Les déclarations de Maurice Szafran au Grand Journal de Canal + la semaine dernière, affirmant qu'en Corse, comme en Seine Saint Denis, les femmes étaient mal accueillies dans les bars et les cafés, ont provoqué un vaste mouvement d'indignation. Un hashtag #Toutesaubar s'est répandu sur les media sociaux et plus de 100 femmes de toutes origines, de toutes tendances adressent aujourd'hui une lettre à Maurice Szafran, à Natacha Polony restée sans réaction lors de ces affirmations et à tous ceux qui stigmatisent la Corse pour leur rappeler que les Corses ont toujours été attachés au principe d'égalité entre les hommes et les femmes. Ces propos sont  insultants et témoignent d'une certaine ignorance de la société corse dans laquelle le matriarcat est une évidence voire une respiration ! Ce sont les femmes, faut-il le rappeler, qui se sont levées contre la violence, ce sont elles qui ont aidé à la réconciliation et bloqué la vendetta… Quels sous entendus masquent aujourd'hui ces insinuations ? Que les corses seraient primaires, arriérés ?

Monsieur Szafran a sans doute oublié que 168 ans avant la France, la Corse, avec Pascal Paoli, donnait le droit de vote aux femmes…. ?

Sans doute Monsieur Szafran, avant de s'exprimer, devrait-il se renseigner, demander par exemple à tous ses amis journalistes de canal + qui passent leurs vacances en Corse si les femmes ont été mal accueillies dans les bars ?

Mais peut-être viendra-t-il à l'invitation des femmes corses  ce soir à 18 heures, au « Madame » (café du 25 rue Madame à Paris 6) pour venir échanger avec elles et peut-être leur présenter des excuses ?

Lettre des Corses à Maurice Szafran,

à Natacha Polony et à ceux qui stigmatisent la Corse

Cher Maurice Szafran, Chère Natacha Polony,

Avec l’assurance et la verve que l’on vous connaît, vous avez, Monsieur Szafran, provoqué une polémique inutile en déclarant sournoisement que dans une « île du sud » les femmes n’étaient pas les bienvenues dans les bars.  Par ce propos pernicieux, au relent xénophobe, vous avez déclenché une de ces polémiques dont la télévision raffole, qui agitent les médias sociaux et alimentent le rebond sur les sites d’information. Nous pourrions prendre vos propos au parfum trumpiste, à la légère, s’en moquer, même en rire tant ils sont caricaturaux. En stigmatisant les femmes, la Corse, vous avez soulevé l’indignation parce que vous affirmez que le principe d’égalité entre les hommes et les femmes est bafoué, vous montrez du doigt une société communautarisée sans avancer le moindre élément factuel pour étayer vos propos. Pour vous le respect du travail journalistique s’arrête là où le goût de la provocation commence.

Votre réponse, Madame Polony, nous a dérouté, vous qui avez cru voir cet été en Corse « l’honneur du peuple français ». Certes, vous avez tenté de relativiser les propos de votre confrère, mais en minorant la question de la place des femmes à une  simple dimension culturelle.  Nous aurions aimé une réaction plus vive devant ce qui est en réalité un outrage à la condition féminine et au métier qui est le vôtre.

Cette affaire ne peut nous laisser indifférents ici comme ailleurs. Elle témoigne, malheureusement d’une dérive fondée sur l’idée que la simple évocation d’un problème, est suffisante pour commencer à le régler. Or elle se fonde sur des présupposés, des rumeurs, ou une vision déformée de la réalité et emprunte à la méthode tant pratiquée par les populistes de tout poil. Céder à cette tentation, c’est abandonner les principes qui fondent la démocratie.

En vous entendant la semaine dernière, nous avons été nombreux à penser aux combats de celles et ceux qui en Corse, se sont battus pour la liberté et l’égalité. A Pascal Paoli, à qui l’on doit la première Constitution accordant le droit de vote aux femmes en 1755, à Danièle Casanova, résistante de la première heure, morte en déportation, à toutes ces femmes qui se sont levées pour dire stop à la violence. On se souvient de leur courage exprimé dans le « Manifeste pour la vie » adressé au Président de la République.

Cette affirmation est une aberration  et une injure pour les femmes et les hommes de cette terre insulaire

Monsieur Szafran, venez en Corse faire votre travail de journaliste,  allez dans les bars et les cafés pour parler avec les Corses, de leur vie, de leurs espoirs et de leurs craintes, et peut être réussirez vous à vous débarrassez de cette vision ethnocentriste qui manifestement trouble votre lucidité et votre capacité à être un homme honnête.

Non, la Corse n’est pas ce territoire archaïque que vous vous plaisez à décrire. Non, la violence n’est pas « profondément enracinée dans la culture Corse » ou « endogène à la Corse ». Oui c’est une île de la Méditerranée riche d’une histoire et d’une identité et fière de promouvoir le principe d’égalité entre les femmes et hommes de Corse et d’ailleurs.

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