Les Européens plus riches de 2,75% qu’avant la crise de 2008 : la moyenne qui masquait le sort de 90% des Français<!-- --> | Atlantico.fr
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Les Européens sont en moyenne plus riches de 2,75% qu’avant la crise de 2008
Les Européens sont en moyenne plus riches de 2,75% qu’avant la crise de 2008
©Reuters

Analyse

La richesse européenne aurait dépassé en 2013 le niveau atteint avant la crise de 2008. Une bonne nouvelle pour les Suisses et Luxembourgeois détenteurs d'un patrimoine financier important, mais pas pour une grande majorité de la population française.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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  • Selon une enquête suisse publiée, en 2013, la richesse détenue par les Européens (56 trillions d'euros) aurait dépassé le niveau atteint avant la crise de 2008 (54,5 trillions d'euros)
  • En France, le montant du patrimoine moyen est en 2014 supérieur au niveau qui avait été atteint en 2009.
  • Mais la revalorisation du patrimoine a essentiellement profité aux 10 % des Français les plus riches
  • Hausses d'impôts, chômage, salaires à l'embauche plus bas : la contraction du pouvoir d'achat atteindrait selon certaines études 4 % depuis 2012.
  • Les jeunes et les familles monoparentales sont les principales victimes, ainsi que les classes moyennes qui ne possèdent pas de patrimoine financier

Avec la crise, avec la montée du chômage, avec l’augmentation des prélèvements, nous avons l’impression d’être confrontés à un redoutable processus d’appauvrissement. Il faut se méfier, en la matière, des conclusions trop hâtives. Comme en météo, il faut distinguer le ressenti du réel. Par ailleurs, il faut prendre en compte de multiples critères comme la catégorie sociale ou son niveau de revenu ou de patrimoine. Les moyennes qui sont mises en avant ne retracent qu’imparfaitement les situations réelles sur le terrain. Ce qui est certain, c’est que la France ne figure pas parmi les pays de l’OCDE où les revenus augmentent le plus vite. En revanche, les inégalités, contrairement à quelques idées reçues, ne sont pas accrues, ces dernières années dans notre pays mais en fouillant bien, nous constatons que certaines catégories sociales sont touchées de plein fouet par la longue atonie de la croissance.

Selon une enquête suisse publiée le 2 octobre dernier, en 2013, la richesse européenne (56 trillions d'euros) aurait dépassé le niveau atteint avant la crise de 2008 (54,5 trillions). Ce retour à bonne fortune est évidemment le plus net pour les pays qui ont connu les taux de croissance les plus élevés. C’est ainsi le cas de la Suisse ou de l’Allemagne dont la richesse est respectivement supérieure de 1 et de 2 trillions d’euros. En revanche, sans surprise, le niveau de richesse a reculé de 28 % en Espagne et de 23 % en Grèce.

En retenant le critère de richesse par habitant, le rapport souligne que ce sont les résidents des petits pays européens qui disposent du plus haut niveau de patrimoine. Ainsi, le Luxembourgeois possède, en moyenne 432 200 euros quand un Suisse possède 394 600 euros. En revanche, un Espagnol dispose d’un patrimoine moyen de 92 300 euros quand le Grec a, toujours selon cette étude, 58 900 euros de patrimoine moyen.

De manière très traditionnelle, l’étude suisse révèle que 10% des ménages européens possèdent plus de la moitié de la richesse du continent, tandis que la moitié inférieure des détenteurs de richesse possèdent moins de 10% de la richesse totale de l'Europe.

Les inégalités sont les plus fortes en Allemagne et en Autriche et les moins importantes au Royaume-Uni, en Grèce ou au Pays-Bas.

Comme l’a démontré par ailleurs, Thomas Piketty, la concentration du patrimoine dans les mains d’une minorité s’est accrue depuis une dizaine d’années. Avec la crise de 1929 et les deux guerres mondiales mais aussi avec l’augmentation des prélèvements obligatoires, le patrimoine s’était diffusé au sein des classes mondiales. Les Trente Glorieuses, l’inflation des années 70 et 80 et l’appréciation des actifs financiers à partir des années 80 ont favorisé les générations du baby-boom qui ont pu se constituer des patrimoines immobiliers et financiers. Les difficultés économiques que nous connaissons depuis plusieurs années touchent différemment ceux qui ont du capital et les autres. De ce fait, les jeunes, les catégories sociales modestes mais aussi les cadres moyens peuvent enregistrer des baisses de revenus.

La progression du patrimoine s’explique par l’appréciation des actifs financiers dont la valeur est au plus haut dans la quasi-totalité des pays. La France fait figure d’exception avec un CAC qui tourne autour de 4200 points 20 % au-dessous de son niveau d’avant crise. En revanche, en France, l’immobilier a plus que compensé la faible valorisation des cours boursiers. En dix ans, le prix a été multiplié par deux. Mais, en la matière, une fois de plus, il s’agit d’une moyenne qui ne prend pas en compte les spécificités régionales. Depuis 2012, les prix de l’immobilier sont, en France, légèrement orientés à la baisse sans pour autant contrecarrer le processus de hausse enregistrée de 1997 à 2008 et de 2010 à 2012.

En ce qui concerne la France, en 2012, le patrimoine des ménages a augmenté de 1,6 % faisant suite à une hausse de  4,3 % en 2011, Il s’élève à 10 544 milliards d’euros ce qui représente huit fois leur revenu disponible net. Depuis la crise de 2009, il progresse moins vite. La décélération de 2012 est liée à la moindre reflète la moindre progression de l’immobilier. Il ne fait pas oublier qu’en France le patrimoine immobilier correspond à plus des deux tiers du patrimoine des ménages. En 2012 comme en 2013, les actifs financiers ont fortement augmenté. Le patrimoine financier net des ménages (après déduction de l’endettement) a augmenté de  7,0 % en 2012 après une baisse de  0,4 % en 2011. La revalorisation du patrimoine a essentiellement profité aux 10 % des Français. Il n’en demeure pas moins que qu’en 2014 le montant du patrimoine est supérieur au niveau qui avait été atteint en 2009. Néanmoins, avec la légère baisse des prix de l’immobilier et les évolutions contrastées de la bourse, il y a un net ralentissement par rapport aux années 2000.

Au niveau des revenus, par unité de consommation, le pouvoir d’achat baisse en France depuis 2012. La contraction atteindrait selon certaines études de 4 % en trois ans.

Selon l’INSEE, en France, en 2012, le niveau de vie médian de la population s’élevait à 19 740 euros annuels. Il avait  baissé de 1,0 % en euros constants par rapport à 2011.

La contraction des niveaux de vie a concerné toutes les catégories sociales mais elle plus marquée pour les Français les plus modestes. Les 10 % des personnes les plus modestes ont un niveau de vie inférieur à 10 610 euros. Les 10 % les plus aisées disposent d’au moins 37 430 euros, soit 3,5 fois plus. Ce ratio est, en France, très stable. Il en est de même pour le taux de pauvreté voisine le taux de 14 % depuis des années. Néanmoins, la pauvreté a tendance à augmenter parmi les familles monoparentales  du fait d’une réduction de leurs revenus d’activité et d’une stagnation des prestations sociales.

De 2009 à 2013, la situation des retraités s’est améliorée du fait des règles d’indexation des pensions. Le gel décidé par le Gouvernement de Manuel Valls devrait changer la donne. Le taux de pauvreté des retraités est en réduction en raison de revalorisation du minimum vieillesse. Il est aujourd’hui de 8,4 % contre 9,3 % en 2011.

Du fait des augmentations d’impôt, les Français se situant dans la moitié supérieure des revenus ont enregistré des baisses de pouvoir d’achat d’autant plus si la part des revenus financiers est faible.

Depuis la crise de 2009 et la stagnation économique que nous connaissons depuis 2012, les demandeurs d’emploi sont confrontés à une véritable érosion de leur pouvoir d’achat du fait de l’allongement de la durée du chômage qui a, en un an, a progressé de 39 jours. Il est à noter que la part des diplômés parmi les demandeurs d’emploi augmente ce qui a abouti à relever le niveau des indemnités et ce qui peut fausser les analyses. Les salariés qui ne sont pas confrontés à des périodes de chômage bénéficient de revalorisation salariale qui protège en partie leur pouvoir d’achat. Les salaires continuent, en France, à progresser plus vite que les prix. En revanche, pour les entrants sur le marché du travail, les salaires proposés sont en baisse.

Les familles monoparentales et les familles avec deux enfants doivent faire face à des évolutions de revenus défavorables. La moindre revalorisation des allocations et le plafonnement du quotient familial ont contribué à cette évolution.

Avec une croissance nulle ou presque depuis trois ans, avec une population en augmentation, par définition, la répartition des revenus devient un enjeu de plus en plus complexe. Par unité de consommation, un processus de baisse s’est engagé que les pouvoirs publics tentent de masquer. Sur la montée des inégalités, il n’y a pas de rupture mais des recompositions. Les 0,01 % des Français les plus riches améliorent leur situation plus vite que la moyenne grâce aux revenus du patrimoine. Les jeunes et les familles monoparentales souffrent du fait des problèmes d’insertion professionnelle, du recours croissant au temps partiel et à l’intérim.


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