Les entreprises, grandes bénéficiaires du plan de relance, doivent veiller aux contrecoups politiques<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean Castex Bruno Le Maire plan de relance entreprises
Jean Castex Bruno Le Maire plan de relance entreprises
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Atlantico Business

A l’université d’été du Medef, les chefs d’entreprise s’efforcent d’appréhender les outils de la relance, en veillant aux effets politiques. Les faillites, les plan sociaux et le chômage risquent en effet de les convoquer à la barre de l’opinion, pour qu’ils s’expliquent sur leur bilan.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le plan de relance concocté par le gouvernement et dont le Premier ministre va donner aux patrons du Medef les grandes lignes, en ouverture de leur université d’été, donne aux chefs d’entreprise un rôle clef dans la mécanique de relance.

L‘essentiel des 100 milliards annoncés par Bercy est destiné à renforcer ce que les économistes appellent « l’offre », c’est à dire la capacité des entreprises à innover, à se redévelopper et à créer de la croissance donc des emplois. En gros, 40 milliards iront au financement de la réindustrialisation dans l’hexagone, 20 milliards dans l’aide à la transition énergétique, 20 milliards dans l’emploi et la formation. Et le solde dans le financement de la solidarité.

L’objectif, c’est évidemment d’aider les entreprises à repartir, les empêcher de licencier et si possible de les inciter à réembaucher. C’est la raison pour laquelle, le plan va mettre le paquet sur le soutien à l’industrie et la digitalisation, mais va aussi protéger les marges en allégeant la fiscalité. Sur les impôts de production (qui pèsent plus de 120 milliards d’euros) et sur la baisse maintenue de l'impôt sur la société.

Ce plan de relance axé sur l‘offre s‘ajoute à tout ce qui avait été fait au début de la crise pour amortir le choc : les prêts garantis par l’Etat, l’allocation de chômage partiel, l’exonération ou le report des paiements des charges, des taxes et des impôts. Il fallait absolument écarter le risque d’asphyxie des entreprises pendant la mise en coma artificiel due au confinement. Ce plan de soutien aux entreprises visait à protéger les actifs de production, à ne pas casser les contrats de travail pour que le système global puisse repartir sans trop de difficultés.

Cela dit, les machines ne sont pas reparties après un simple tour de clef, au moment du déconfinement. On s’est aperçu que la reprise du travail était compliquée.

D’abord parce que la menace du virus a continué de plomber le climat et de paralyser beaucoup d’initiatives. La peur a stérilisé beaucoup d’énergie, l’activité internationale ne s’est pas relevée. Le tourisme, par exemple, n’a pas retrouvé toutes ses couleurs, loin de là.

D’autre part, il a fallu s’adapter à des mutations que l’épidémie a sans doute accélérées : la découverte du télétravail commande une digitalisation accrue et oblige les systèmes de transport à changer leurs modèles économiques.

Enfin, le confinement puis le déconfinement ont révélé des problèmes structurels qui touchaient beaucoup de grandes entreprises et qui n’étaient pas réglés.

D‘où, d’ailleurs, l’ampleur du plan de relance annoncé qui prend en compte ces mutations structurelles.

Très logiquement, compte tenu de cette situation, le gouvernement français qui avait fait le choix (comme tous les pays du monde) de mettre la priorité de ses moyens à protéger l’état sanitaire de la population, veut avant tout aujourd’hui restaurer le fonctionnement des appareils économiques.

Ce choix s’impose parce que la clef du redressement passe par la croissance et l’emploi donc par les entreprises.

 La demande existe. En théorie. Dès le début de la crise, le gouvernement a protégé le pouvoir d’achat en élargissant le plus possible les allocations au chômage partiel par exemple.

La demande existe mais ne se mobilise pas. Le pouvoir de dépenser est considérable, plus de 450 milliards sur les comptes courants, plus de 70 milliards de collecte sur les livrets A et une circulation de cash historique et record qui prouve que les bas de laine sont pleins. En fait, cet argent est le produit de la peur. Une épargne de précaution qui traduit un déficit de confiance dans l’avenir.

Il va falloir mobiliser cette demande et les entreprises ont forcément intérêt à participer à cette mobilisation en présentant des offres désirables, utiles, innovantes. Parce qu’une entreprise ne fonctionne que si elle a des clients.

Mais les entreprises vont rencontrer un autre problème, très politique, puisqu’il faudra compter avec le ressenti de la situation par l’opinion.

D’un côté, l’opinion va additionner les milliards d’argent public, les prêts à Renault, les aides à Air France, les allègements d’impôts etc.

Mais de l’autre, elle va assister à la litanie des plans sociaux, des réductions d’effectifs, et à la montée du chômage.

Si la relance réussit à répondre aux chefs d’entreprise, la relance n’apporte pas de solutions miracles pour passer sans heurt la période transitoire pendant laquelle il va falloir assumer les dégâts collatéraux de la mutation, il va falloir commencer à payer les retards de charges, il falloir aussi rembourser les prêts garantis par l’Etat ... et dans certains cas, ça ne va pas être simple.

Les milliards de la relance ne vont pas produire d’effets très visibles avant 6 mois ou un an. En attendant, l’opinion va s’inquiéter de ces risques de faillite, elle va commencer à spéculer sur l’hypothèse d’augmentation d’impôts pour payer les dettes etc.

Le risque politique va se nourrir des incertitudes économiques et des dégâts sociaux sans parler des menaces sanitaires qui ne seront pas éteintes.

Et ce risque politique va toucher l’exécutif, le gouvernement et la majorité mais c’est un peu la logique du système. Ce qui va être plus grave, c’est que ce risque va toucher également le monde des entreprises à qui on va demander des comptes sur leur bilan. Avec une question : qu’auront-ils fait de tout cet argent alors que les résultats sur le terrain de l’emploi et du social ne sont pas probants ?

Procès classique mais par les temps qui courent, procès dangereux.

Le problème des responsables d’entreprise n’est pas de se justifier d’avoir bénéficié d’une politique de l’offre, leur problème va être d'accélérer la pédagogie de leur fonctionnement (tout reste à faire) et de peaufiner leur offre au-delà de leurs résultats financiers et boursiers.

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