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Les élections américaines face à l’émergence d’un nouveau candidat : le coronavirus
©MANDEL NGAN / AFP

Campagne électorale

Jean-Claude Beaujour revient sur l'élection présidentielle américaine et sur la campagne électorale fortement perturbée et impactée par la crise sanitaire suite à la pandémie du Covid-19.

Jean-Claude  Beaujour

Jean-Claude Beaujour

Jean-Claude Beaujour est avocat. Il est également vice-président de France-Amériques.

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Chacune des élections présidentielles réserve son lot de surprises : en fait, elles ne se déroulent jamais comme elles ont été planifiées. Jusqu’au « Super Tuesday » du 3 mars dernier, date clé dans la primaire démocrate où des candidats ont émergé en vue du choix final, chacun s’accordait à dire que l’adversaire désigné du président Trump aurait du mal à le déloger de la Maison Blanche. En effet, battre Donald Trump alors que les résultats économiques et ceux de l’emploi lui sont carrément favorables, semblait mission impossible pour ses compétiteurs. D’ailleurs, au soir de ce « Super Tuesday », aucun outsider n’arrivait finalement à créer la surprise et à émerger, inclus le richissime Michael Bloomberg qui a depuis abandonné la course. Depuis ce 3 mars, autant dire une éternité, le Coronavirus s’est imposé partout dans le monde comme le seul sujet de préoccupation, au détriment de n’importe quel autre. Pensez donc ! 2,6 milliards de civils confinés chez eux depuis que l’Inde est elle aussi touchée. Aux États-Unis, les trois plus grandes villes du pays, Los Angeles, Chicago et New-York sont à l’arrêt. Pour éviter des millions de morts à l’échelle planétaire, la quasi-totalité des États s’est rapidement calfeutrée, leurs économies étant mises au point mort. Pire, cela peut apparaître ici et là comme le règne d’une drôle de guerre où le « sauve qui peut » semble l’emporter. Cette pandémie, qui ne s’arrête à aucune frontière, s’invite de fait dans la campagne américaine dont elle bousculera inexorablement soit le résultat du scrutin, soit la doctrine politique qu’en exigera l’opinion publique américaine. Oui, le coronavirus est bien le véritable challenger du président Trump. Il semble d’ailleurs l’avoir compris depuis une petite semaine, tant cet adversaire inattendu, invisible, le déroute ! Il n’a en effet que faire des éléments de langage du président Trump…

Pire ! Si hélas les premiers États touchés (Californie, New-York), ne parvenaient pas à contenir la propagation du virus, dans un mois environ les États-Unis risqueraient de se retrouver dans le même état sanitaire que l’Europe. Face à cela, il s’agira de savoir quelle politique publique le gouvernement fédéral sera en mesure de mettre en œuvre. Première urgence, comment assurer la prise en charge des patients infectés dans un pays où 30 millions de personnes n’ont pas de couverture sociale ? Par ailleurs, le risque de voir un grand nombre de personnes retarder leur recours aux établissements de soins pour des raisons financières – provoquant aggravation de leur état et aggravation de la contagion – est bien réel. Il y a fort à parier que ce débat sur la couverture santé, qui était jusqu’alors technique, sera immédiatement incarné, dans une société où les media sont très présents et font largement appel aux émotions des citoyens, au travers de photos et de vidéos d’hommes et de femmes malades, voire mourants. 

Par ailleurs et c’est la deuxième urgence, on commence à comprendre que pour vaincre ce virus et toutes ses conséquences, seule la coopération internationale en matière de recherche et de gestion de la pandémie sera une partie de la réponse à apporter pour éviter une crise majeure, sans précédent avec celle de 2008. Face à ce genre d’épisode mondial qui ne sera certainement pas le dernier, le repli national du type « America First » n’aura aucun effet sur les électeurs. Ces derniers jugeront brutalement et en temps réel la capacité de l’administration Trump à apporter des réponses effectives et aux effets immédiats ou compréhensibles pour préparer le redémarrage au lendemain du Covid19. Au-delà des efforts des chercheurs, la coopération devra aussi s’entendre comme la capacité à prévenir et à réagir de façon solidaire avec l’ensemble des habitants de la planète. En effet, nous avons la preuve aujourd’hui que, quel que soit le foyer de départ d’un tel épisode, c’est la planète tout entière qui risque d’être emportée. « America First » est peut-être un slogan politique de nature à galvaniser les foules à l’occasion de meetings électoraux enflammés, mais il ne pourra en aucun cas protéger les citoyens américains des conséquences radicales d’une pandémie qui changera pour toujours la face de notre XXIème siècle.

En outre, si malheureusement le coronavirus devait affecter l’économie américaine et par conséquent l’emploi bien moins protégé qu’en France, c’est le principal argument de campagne du président sortant qui serait malmené. Le président ne cesse de rappeler que son administration a favorisé la croissance et les emplois partout ; l’œil rivé sur les « swing States ». Mais que vaudront tous les tweets d’autosatisfaction au moment où nous entrerons dans la dernière ligne droite électorale, les usines étant en difficulté, les foules confinées et des millions d’emplois perdus à jamais ? Le président n’hésite jamais à qualifier certaines questions de « nasty ». Face à ce véritable Tsunami, ce qui guette les candidats à la Maison Blanche ce sont plutôt les « nasty » réponses. Certes, un grand plan d’aide financière de 2000 milliards de dollars destiné aux américains et aux entreprises américaines est en passe d’être voté au Congrès et les deux camps politiques ont déjà trouvé un accord au Sénat. Mais il faut espérer que cette unité dans la crise se poursuive un minimum ensuite, au risque de voir le pays se fracturer davantage encore, à la veille des élections, pour des considérations électoralistes et au détriment de l’intérêt de la nation. Enfin, la crise provoquée par le coronavirus ouvre la porte à une autre bataille, celle de Trump v. Trump. Le président qui a donné l’habitude et qui assume le fait de choisir ses partisans, ses alliés, bref son camp, doit désormais s’il veut obtenir un second mandat, endosser l’habit de père de la nation et savoir rassembler ; y parviendra-t-il ? Réponse le 3 novembre au soir. 

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