Les écolos menacent de quitter la majorité, mais pour aller où (et pour faire quoi) ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Dans "l'Express", Pascal Durand, le patron d'EELV brandit la menace d'un départ de Cécile Duflot et Pascal Canfin du gouvernement.
Dans "l'Express", Pascal Durand, le patron d'EELV brandit la menace d'un départ de Cécile Duflot et Pascal Canfin du gouvernement.
©Reuters

Faux départ ?

Dans "l'Express", Pascal Durand, le patron d'Europe Ecologie-Les Verts brandit la menace d'un départ de Cécile Duflot et Pascal Canfin du gouvernement "si le gouvernement ne s’engage pas sur une puissante initiative en faveur de la fiscalité écologique".

David Valence

David Valence

David Valence enseigne l'histoire contemporaine à Sciences-Po Paris depuis 2005. 
Ses recherches portent sur l'histoire de la France depuis 1945, en particulier sous l'angle des rapports entre haute fonction publique et pouvoir politique. 
Témoin engagé de la vie politique de notre pays, il travaille régulièrement avec la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) et a notamment créé, en 2011, le blog Trop Libre, avec l'historien Christophe de Voogd.

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Atlantico : Dans l’hebdomadaire l’Express, Pascal Durand, le patron d’Europe Ecologie-Les Verts brandit la menace d’un départ de Cécile Duflot et Pascal Canfin du gouvernement. "Si le gouvernement ne s’engage pas, en juin ou en juillet, sur une puissante initiative en faveur de la fiscalité écologique, les ministres Verts ne pourront plus rester au gouvernement", déclare-t-il avant de préciser : "Si on tient jusque-là". Une petite phrase qui illustre les tensions entre les socialistes et leurs alliés écologistes. Mais quel pourrait-être l’avenir d’EELV s’il quittait réellement la majorité ?

David Valence : Il faut tenir compte du fonctionnement d'Europe Ecologie-Les Verts pour comprendre ces propos de Pascal Durand. Il s'agit probablement de la formation politique la plus démocratique en France : la parole y circule, lors des réunions, y compris importantes, de façon très organisée et égalitaire ; tous les responsables, même locaux et pour les plus petits postes de responsabilité, y sont élus, etc. En devenant Europe Ecologie-Les Verts après les Européennes de 2009, les Verts ont certes modifié leurs règles de fonctionnement pour plus d'efficacité et d'ouverture sur la nébuleuse des associations de défense de la planète et du monde vivant. Mais les habitudes ont persisté et le mode de fonctionnement, après quelques mois d'expérience, a vite fini par ressembler à celui d'autrefois. Avec cette nuance : les écologistes sont aujourd'hui dopés aux mandats électifs, dans les régions depuis 2004 et 2010, puis au Sénat et à l'Assemblée nationale en 2008, 2011, et 2012. La seule élection ou ils aient élus sur leurs propres forces, ce sont les européennes de 2009, avec l'élan impulsé par Daniel Cohn-Bendit.

Jusqu'à l'été 2012, le couvercle de l'ambition et des intérêts était donc posé sur la marmite démocratique d'EELV. Personne ne montait vraiment au front pour critiquer les reculades écologistes de François Hollande, et surtout son manque d'ambition. Aujourd'hui, beaucoup de militants écologistes s'aperçoivent que "le compte n'y est pas", qu'ils ont seulement obtenu l'abandon des projets d'exploitation du gaz de schiste, sans grande ambition écologiste, et que les ministres d'EELV ne font pas vraiment entendre leur singularité au sein du gouvernement. En tenant ces propos, Pascal Durand cherche à rassurer ces militants inquiets et exigeants, en montrant les muscles face aux socialistes. Je ne crois pas à une sortie aussi rapide des écologistes du gouvernement. En revanche, l'appareil écologiste a tout intérêt à donner de la voix à l'approche des municipales et des européennes de 2014, s'ils ne veulent pas se faire déborder à nouveau par Daniel Cohn-Bendit, qui les avait embarqués un peu malgré eux dans l'aventure d'EELV. Une sortie du gouvernement à l'automne 2013, par exemple, n'est pas a exclure absolument.

Un départ d’EELV du gouvernement serait-il synonyme d’implosion du parti ? Comment Les Verts peuvent-il exister en dehors du gouvernement ? Quel serait leur poids politique ?

Les dirigeants d'Europe écologie ont un contre-modèle en tête : celui des communistes qui furent avalés et digérés par le PS en très peu de temps après l'entrée de quatre ministres du PCF dans le gouvernement Mauroy en 1981. Leur absence du gouvernement Fabius, en 1984, avait été perçu comme une sanction venue des socialistes plutôt que comme une décision de non-participation de leur part, ce qu'elle était. Certains écologistes poussent ainsi en faveur d'un départ rapide du gouvernement, sur un sujet symbolique, comme le droit des votes des étrangers aux élections locales par exemple... Pour éviter de quitter l’exécutif au moment d'un changement de Premier ministre qui "éclipserait" leur départ.

Pour répondre pleinement à votre question, il faut bien mesurer que les écologistes ont toujours eu du mal à confirmer de bons résultats aux élections sur le long terme. Un échec en 2014 aux européennes, ou même une implosion, ne signifierait en rien leur disparition définitive du paysage politique. La nébuleuse des associations et groupements écologistes est une sécuritéà cet égard : tant que le mouvement écologiste sera dynamique et peu écouté des partis traditionnels, EELV pourra rebondir.

Après la conversion écologique de Jean-Luc Mélenchon, le Front de gauche peut-il représenter une concurrence sérieuse pour EELV ?

Cette conversion, opérée notamment à l'initiative de l'ancienne députée écologiste Martine Billard, représente en effet un danger sur le flanc gauche, altermondialiste, de l'électorat écologiste. Mais le danger existe aussi sur le flanc droit : Jean-Louis Borloo, qui bénéficie d'une forte image sur les dossiers environnementaux, entend bien capitaliser la-dessus lors des européennes et des municipales de 2014, en attirant à l'UDI des personnalités écologistes. S'il y réussit, tout un électorat urbain et plutôt favorise pourrait être séduit.

Daniel Cohn-Bendit, qui a pris ses distances avec Les Verts, peut-il être un recours pour les écologistes ?

Daniel Cohn-Bendit a des qualités propres qui lui permettent de fédérer l'ensemble des électeurs sensibles à la thématique écologiste : sa parole est libre, sa trajectoire est originale et vient de la rébellion, il est à la fois réaliste et ambitieux. Mais la division des écologistes aux élections européennes, si elle avait lieu, serait une catastrophe pour lui, comme pour EELV. Je pense qu'il pense encore possible d'entraîner EELV à sa suite, comme 2009 avec les Verts. A-t-il tort ?

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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