Les cinq facteurs qui décideront du réveil ou pas de Philae sur la comète Tchoury<!-- --> | Atlantico.fr
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Philae, le robot largué par la sonde Rosetta, est endormi.
Philae, le robot largué par la sonde Rosetta, est endormi.
©Reuters

Grasse matinée

Depuis le 15 novembre 2014, Philae, le robot largué par la sonde Rosetta, est endormi. Les scientifiques espèrent actuellement une corrélation de plusieurs facteurs pour recharger et redémarrer le robot. Plusieurs éléments naturels pourraient être déterminants pour son réveil.

Francis Rocard

Francis Rocard

Francis Rocard est responsable du programme d'exploration du système solaire au CNES depuis 1989. Astrophysicien, il s'est beaucoup intéressé à l'exploration de planètes comme Mars, Saturne et Titan. Il a notamment écrit Mars, une exploration photographique chez Xavier Barral en 2013.

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Atlantico : Le premier défi pour le réveil de Philae semblerait lié à la température. Si la température interne du robot passe la barre des - 45 degrés, Philae pourra se réveiller.

Francis Rocard : Philae doit effectivement avoir de l'énergie pour alimenter son calculateur, son transpondeur, etc, et pouvoir donner signes de vie. Un paramètre essentiel est effectivement la température. Philae est doté d'un interrupteur thermique, qui empêche son réveil si la température reste en dessous de 45 degrés. Si sa température interne passe au-dessus de moins 45 degrés, le robot peut se réveiller, et l'interrupteur bascule en circuit fermé. Passé ce stade, on sera confronté à un problème d'énergie. Si la température reste en-dessous de moins 45 degrès, il ne peut pas se réveiller. La bonne nouvelle, c'est que la situation ne cesse de s'améliorer depuis le 12 novembre 2014. Le rapprochement du soleil va, d'une part, nous permettre de gagner six fois plus d'énergie qu'en novembre. D'autre part, il se trouve que Philae s'est posé un tout petit peu dans l'hémisphère sud de la comète. Or, l'été de cet hémisphère a lieu tout début septembre. Le passage au plus proche du soleil aura lieu le 13 août. Entre mi-août et début septembre, les deux paramètres sont optimums pour le réveil : une distance minimum avec le soleil, qui sera le plus haut dans le ciel. La hauteur du soleil dans le ciel peut affecter la durée pendant laquelle Philae est éclairé. Le 12 novembre, on a pu mesurer que un seul des panneaux solaires a pu être éclairé pendant une heure et demie, sur douze heures vingt. On pense que, avec l'effet saisonnier, Philae pourrait être éclairé pendant deux heures à deux heures et demie par jour. Donc la situation devrait s'améliorer.

Plusieurs modélisations ont été établies pour ce réveil. Il nous manque néannmoins  un élément précieux : on ne connaît pas la hauteur des rochers de part et d'autre de Philae. On ne sait donc pas modéliser précisément le ciel ouvert au-dessus de Philae, et donc la durée pendant laquelle Philae sera éclairé.

Même si la durée d'ensoleillement de Philae augmente, l'inclinaison du robot ne va-t-elle pas anéantir les effets ?

Non, car on a des panneaux solaires au-dessus de cinq des six côtés du robot. Philae est sur le flan, mais la partie qui est en l'air est une partie couverte de panneaux solaires. Un seul côté du robot n'a pas de panneaux solaires, et cette zone est orienté vers le sol.

Les absorbeurs thermiques, eux, sont en revanche uniquement sur la partie supérieure de Philae. Philae étant sur le flan, ces absorbeurs vont donc être éclairés de biais par le soleil. L'idéal eut été qu'ils reçoivent le soleil de manière bien perpendiculaire.

Les scientifiques ne connaissent pas la résistance du robot au froid. Pensez-vous qu'une température extrêmement froide pourrait éventuellement fissurer certains matériaux de Philae, et endommager les batteries rechargeables ?

A priori, un robot Philae qui dort, c’est-à-dire un robot Philae actuel, peut supporter des températures très basses (le robot a déjà subi une température de – 165degrès à l'extérieur), sans que ce soit dommageable. Philae ne devrait pas être endommagé, même si les températures deviennent extrêmement froides. En revanche, à partir du moment où il est éveillé, il ne faut pas qu'il s'allume à de trop basse température, et c'est pour cela qu'on a cet interrupteur thermique à moins de 45 degrés.

Au moment de l'atterrissage de Philae, une grande quantité de poussière a été envoyé en l'air, ayant notamment recouvert certains panneaux solaires. La poussière qui pourrait retomber est-elle une menace pour le réveil de Philae ?

En théorie, oui. En pratique, on ne pense pas que ce soit trop un problème, tout simplement parce que Philae était 90% du temps dans l'ombre. Certaines poussières sortent de la comète par des jets actifs, et retombent sur la comète. Avec le temps, ces jets actifs pourraient recouvrir des panneaux solaires, mais une partie de cette poussière ne se dépose pas du tout sur le robot. On a cependant beaucoup de mal à modéliser ce risque, aujourd'hui.

Les scientifiques espéraient une dizaine d'opportunité de phase d'écoute entre le 8 et le 18 mai. Quel bilan ont-ils établi ? 

Les phases d'écoute sont les périodes pendant lesquelles Rosetta est en visibilité géométrique de Philae. Entre le 8 et le 18 mai, nous avons eu une phase d'écoute. Lors de cette phase, on allume le transpondeur, c’est-à-dire le système radio de Rosetta, et on envoie un ordre de télécommande en permanence, en aveugle. Pourquoi en aveugle ? Quand on fait une communication radio avec un satellite, on envoie une télécommande et on attend une confirmation de la réception de cette dernière. Cela prouve que la télécommande a bien été reçue. Avec Philae, on n'espère pas de réponse. Le but de cette télécommande est de demander à Philae d'optimiser la manière dont il se réveillera. Aujourd'hui, on manque d'énergie, on est à basse température, et pour optimiser son réveil, on va lui demander de travailler en prise direct sur les panneaux solaires. Sans chercher à charger sa batterie. Il peut tout à fait recevoir la télécommande, mais il sera au début incapable de nous envoyer un accusé de réception. Le réveil suivant, il optimisera sa séquence, et on espère qu'il ne perdra pas de temps à charger sa batterie, mais qu'il nous enverra,  dès qu'il aura 19 watts de disponibles, un signal pour nous informer de son réveil.  C'est ce signal que nous attendons tous.

En attendant que la comète se rapproche le plus du soleil, le 13 août, d'autres opportunités de voir la comète se réveiller apparaitront-elles ?

Oui, tout à fait. Il y aura environ une à deux opportunités par mois. Les scientifiques ont encore beaucoup d'espoir. Si fin septembre, Philae n'a pas parlé, tous les espoirs seront probablement morts, tous les facteurs se dégradant. Je pense que d'ici là, nous aurons des nouvelles de Philae. 

Propos recueillis par Damien Delqueux

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