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Les chiffres pour comprendre la surparlementarisation de la France
©Gilles BASSIGNAC / AFP

Députés, sénateurs, combien ça coûte vraiment ?

La vie parlementaire se présente parfois sous des jours excessifs notamment par des effets de manche et des claquements de pupitre qui viennent renforcer des outrances verbales. Or, depuis quinze jours, c'est pire. Nous sommes obligés de subir un festival de maladresses et de prises de parole qualifiables d'obscènes.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Plusieurs députés LREM se plaignent de leur déclassement financier par rapport aux revenus qu'ils percevaient précédemment dans le secteur privé. Une élue qui est passée de 8.000 euros de revenus aux 5.500 du mandat de député constate – et nous le confie – qu'elle doit " manger plus souvent des pâtes " et qu'elle a du " ressortir des vêtements de sa cave ".

Jean-Paul Delevoye, homme politique pondéré et humaniste, doit s'étrangler – en tant qu'ancien président de la commission des investitures de la République en marche – en entendant ce type de discours tenu dans un pays où le salaire moyen est inférieur à 2.000 euros et où l'on recense – hélas – près de 9 millions de personnes pauvres.

L'intelligence et la décence se sont échappées de la cervelle de certains élus du peuple et comme l'avait dit le sénateur Roger Chinaud en 1981 : "J'ai mal à la France ".

Oui, il y a de quoi souffrir de voir le comportement de certains représentants de la nation qui étalent leurs petits bobos alors que d'autres membres du corps social – les agriculteurs, par exemple – traversent de profondes crises et sont en situation de désespoir.

Le philosophe Jean-François Revel détestait ce qu'il nommait "les processions de fâcheux" : il n'aurait pas été antiparlementariste mais n'aurait pas apprécié le manque de tact et les sévères maladresses récentes et cumulatives de plusieurs élus.

C'est dans ce contexte heurté et chaotique que le Sénat vient de prendre une initiative pour le moins hors de propos. Constatant que la loi sur le non-cumul des mandats ( les fameux sénateurs-maires type Rebsamen à Dijon ) porte atteinte au train de vie de ceux qui ont choisi de rester élu local, les sénateurs ont voté une " indemnité de sujétion spéciale " pour les maires des grandes villes et pour les présidents de région. Soit une augmentation de 40%... 

Ce type de courte échelle entre les élus nationaux et les barons locaux donnent le mal de mer.

On raisonne en mettant sur la table le niveau de leurs indemnités et on oublie qu'ils peuvent souvent être logés, bénéficier d'un véhicule de fonction, de remboursements de frais en tous genres !  Calculette en main, on peut aisément doubler le montant nominal de leur traitement pour aboutir à la réalité tangible de leur train de vie.

Les jérémiades matérialistes des élus sont indécentes et déplacées. Elles viennent pourtant de tous les bords " sans pudeur de gazelle " pour reprendre les termes du millionnaire Jean-Luc Mélenchon dont la vie, retracée par ses déclarations auprès de la HATVP, démontre que l'on peut être un homme politique toute son existence et finir bien assez riche…

Pour couronner le tout, un article du Monde nous apprend que près de 100 députés LREM ont un " coup de blues " et s'interrogent ouvertement sur leur utilité.

Cette fois-ci la coupe est pleine et on se dit qu'il est urgent d'attaquer le chantier de la réforme constitutionnelle qui prévoit de supprimer environ 200 postes de députés et 100 postes de sénateurs.

La France est archi-administrée et souffre de son empilement territorial. " On " nous vend l'intercommunalité comme une vraie solution : résultat, tout coûte plus cher et le nombre d'élus locaux demeurent stables voire en hausse dans certains territoires. " On " ( François Hollande ) nous vend les grandes régions et on découvre désormais que les économies issues de cette réforme seront minces. De qui se moque-t-on ?

La France est sur-parlementarisée et vit dans les excès : il suffit d'aller à une réception du président de l'Assemblée nationale pour visualiser, in concreto, les économies possibles.

Si l'on pose que chaque élu, en coûts directs, entraîne une dépense de 20.000 euros mensuels ( 5500 d'indemnité de base, 6000 d'IRFM, 8500 de coûts générés induits : réunions, colloques, frais de photocopies chères à l'ancien président Jean-Louis Debré ), cela signifie que 300 suppressions de mandats constitueraient une économie certaine de 72 millions d'euros et probable de plus de 115 millions si l'on ajoute les coûts des déplacements des groupes d'amitié, etc.

Un sénateur – choqué par ce dont il bénéficie – m'a confirmé que la Haute-Assemblée prenait à sa charge ses frais de téléphone portable pour son numéro privé et personnel…. Certains diront que c'est de l'épicerie mais je garde en souvenir les analystes du fin juriste que fût Guy Carcassonne qui ne trouvait pas tout cela négligeable et qui, attaché au respect des deniers publics, se posait ouvertement la question de la survivance du Sénat.

Près de 900 parlementaires, cela alourdit mécaniquement les conditions de la navette entre Assemblées et alourdit le processus législatif.

Le désir d'existence de certains parlementaires leur font déposer des amendements ineptes qui rallongent les débats et encombrent les placards du Parlement.

Le désir d'être vu et reconnu font que certains parlementaires – en quête de buzz médiatique - passent leur vie sur les plateaux de télévision au lieu de traiter à fond leurs dossiers.

Ainsi va notre démocratie qui a un coût bien supérieur aux estimations qui circulent presque sous le manteau pour ne pas effrayer – écœurer ? – le bon peuple. Selon moi, j'estime réaliste de poser qu'un membre du Parlement coûte presque un million par an si l'on inclut ce que coûte au secteur privé cette caste.

De surcroît, si nous avions 300 parlementaires de moins, le remboursement des frais de campagne seraient moindres et les partis politiques percevraient des sommes plus conformes à l'intérêt général. Ce qui, par parenthèse, augmente le chiffrage d'une centaine de millions précités.

Tout se tient et si la HATVP est obligée de muscler ces effectifs, c'est bien parce qu'elle a près de mille déclarations d'intérêts à contrôler : 577 députés et 348 sénateurs.

Avec 100 personnes le composant, le Sénat des Etats-Unis est une puissance reconnue qui n'a rien à voir avec les modestes performances de notre Haute-Assemblée dont les commissions, dépourvues de l'arme juridique du délit de parjure ( voir les pitoyables auditions de l'affaire Cahuzac ), sont parfois une promenade même pour des auditionnés peu scrupuleux.

Je n'ai rien contre le Parlement : je suis juste obligé de prendre une loupe pour voir ses apports tant l'Exécutif pilote l'essentiel du PLF et le reste de l'ordre du jour. Le quinquennat et notre histoire récente nous ont amenés vers un régime quasi-présidentiel. C'est un fait d'évidence.

Je milite donc sans hésitation pour une suppression de 300 parlementaires qui sont hors-sol. Ainsi, nous venons d'apprendre que désormais les parlementaires de province pourront bénéficier de 1.200 euros de prise en charge d'une quote-part de loyer parisien…

Encore un avantage additionnel !

Pour conclure, il n'est pas certain que la réforme constitutionnelle passe car elle touchera différentes corporations. On va nous expliquer que de trop grandes circonscriptions éloignent l'élu de l'électeur, etc.

Bref tout un bla-bla qui est le langage dominant d'un pays où 57% du PIB va à la dépense publique. Au demeurant, si le président Macron était si soucieux d'économies, il esquisserait, dès à présent, des pistes pour la réforme de l'Action publique et surtout il n'aurait pas proposé de maintenir les 73 postes de députés européens rendus vacants par le futur déploiement du Brexit.

Là encore, l'occasion était simple à saisir et fluide à réaliser. Mais l'envie transnationale de voir 73 élus relevant de tous les pays a été trop forte. Une idée séduisante sur le papier mais évidemment coûteuse. Il en faut des feuilles d'impôts du Berry ou de la Savoie pour nourrir ce que Bertrand de Jouvenel appelait " Le Minotaure " ( in Du Pouvoir ).

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