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Notre pays a besoin de grands projets.
Notre pays a besoin de grands projets.
©Reuters

Recoller les morceaux

De la réintroduction du service militaire à la restauration de la fonction présidentielle, voici quelques pistes nécessaires à la cohésion du pays.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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Après la manifestation monstre dans tout le pays ce dimanche 11 janvier pour protester contre le fanatisme et en mémoire des 17 personnes assassinées par des terroristes, la République s’est ressaisie. Son unité restaurée. Feu de paille ou nouvel envol ? Voici quelques pistes - mais il y en a d’autres - pour que la France cesse de se fracturer.

  • Si l’on veut que l’Ecole redevienne une valeur essentielle de la République, l’instituteur doit  inculquer à ses élèves, dès l’âge de 7-8 ans, les notions d’égalité et de fraternité.
  • Le service militaire, supprimé en 1996 par Jacques Chirac, doit être réintroduit. Il permettra à tout appelé de connaître d’autres jeunes aux origines différentes.
  • Depuis de longues années, les jeunes de banlieues supportent mal l’autorité des professeurs dans les établissements scolaires et celle de la police souvent considérée comme "illégitime". Il faut y mettre un terme.
  • Notre pays a besoin de grands projets. Pas de promesses non tenues. Nos dirigeants doivent s’inspirer d’expériences qui ont eu lieu à l’étranger. Comme celle menée avec succès à Liverpool.
  • Depuis une trentaine d’années, les citoyens ont perdu toute confiance en leurs élites trop souvent délicatesse avec la justice.



Unité nationale. Unité nationale. Depuis quelques jours, la classe politique dans un bel unanimisme, clame et re-clame ce principe fondateur de la République. Elle a raison. Ces trois jours de janvier qui ébranlèrent la France méritent bien qu’elle se mobilise pour crier "Je suis Charlie". Oui, ces jours apocalyptiques méritent bien que le grand rabbin de France, le recteur de la Mosquée de Paris, le président de la Fédération protestante de France et un représentant de l’Eglise catholique soient fraternellement regroupés dans la Cour de l’Elysée. Et que l’accolade entre le grand rabbin et le recteur émeuvent chaque citoyen. Ce dimanche 11 janvier 2015 s’est voulu - on l’espère - comme l’amorce d’un sursaut, d’une sorte de redécouverte d’un principe souvent oublié, voire bafoué. Ce qu’a très bien résumé Jean d’Ormesson ce dimanche avec sa verve habituelle : liberté-égalité-fraternité. Voilà qui est bel et bon. Et demain ? L’unité nationale, retrouvée un jour de janvier 2015, après que la France ait hurlé son dégoût pour la barbarie de trois terroristes, ne sera-t-elle qu’un feu de paille ? Aurions-nous vécu un rêve éveillé sans lendemain ce 11 janvier 2015 ? La France s’est trouvée souvent coupée en deux : les pro Loi Veil et les anti en 1976, les pro et les anti peine de mort en 1981, les pro et les anti mariage pour tous en 2014…. Et si on recensait les 7 impératifs nécessaires pour que l’unité nationale ne soit pas un vœu pieux ? Et que le vivre-ensemble, cette notion évoquée à tout bout de champ, jusqu’à en être galvaudée, retrouve son sens.

- L’école doit redevenir une valeur essentielle de la République

C’est un truisme que de le dire et de le répéter, c’est à l’âge de 3 ou 4 ans que l’enfant a ses premiers contacts avec d’autres enfants. C’est là que, que petit à petit, il apprend à savoir ce qu’il peut faire ou ne pas faire grâce à son maître ou sa maîtresse. A partir de l’Ecole primaire, l’enfant a le sentiment de devenir grand… C’est là où l’instituteur joue un rôle essentiel en participant à son développement, en veillant à ce qu’existe une bonne harmonie entre les élèves, en ne privilégiant pas un élève de telle origine plus qu’une autre. Bref, en lui inculquant l’égalité et la fraternité qui doit unir tous ces petits garçons et filles. Vers 8-9 ans, le cours d’instruction civique doit retrouver ses lettres de noblesse, sans tomber dans un simplisme qui rebuterait. Dès cet âge, tous les enfants des écoles primaires devraient faire, au moins une fois dans l’année, une visite à l’Assemblée nationale, au Sénat et à l’Elysée. La fréquentation des musées, bien sûr du Louvre et d’autre (Carnavalet, Arts et Traditions populaires, Beaubourg et bien d’autres ne devrait pas être oubliés). Tout doit être mis en oeuvre pour que les élèves de province profitent eux aussi des avantages offerts à leurs camarades parisiens.


- La nécessaire renaissance des mouvements de jeunes  


Souvenez-vous : il y a encore trente ou quarante ans, on voyait souvent des scouts ou des éclaireurs, harnachés de sac à dos avec la rituelle gourde qui dépassait, arpenter les gares, revenant d’un week-end de camping. Aujourd’hui, si je vois une fois par an tous ces jeunes, c’est bien le maximum. Comme l’école maternelle ou primaire, le scoutisme ou tout autre mouvement  initie à la vie en collectivité, privilégie le partage. Des notions que certains jugeront démodées ou qui prêteront à sourire. Ils ont tort. Dans les années 60, le nombre des scouts de France - un des principaux mouvements de jeunesse -  tournait autour de 100 000. Cinquante ans plus tard, il atteindrait à peine 60 000, alors que la population jeune a considérablement augmenté.

- La réintroduction du service militaire

Le service militaire a longtemps été un symbole : celui de l’union entre la Nation et l’armée. Il permettait au jeune appelé  de partager la vie pendant une période donnée, d’ouvriers, d’employés, d’étudiants ou d’autres. On y apprenait pendant une année voire plus, une façon de vivre ensemble. L’appelé pouvait côtoyer le fils de l’immigré algérien, polonais, espagnol, camerounais. Il pouvait aussi profiter d’une formation professionnelle lui donnant accès à un métier à la fin de son service. Hélas ! Le président de la République Jacques Chirac a décidé, le 28 mai 1996, de supprimer le service militaire, symbole fort du lien existant entre l’armée et le peuple. Il mettait ainsi fin à la loi Jourdan-Derbrel du 19 Fructidor An VI (5 septembre 1798) qui disposait dans son article premier : "Tout Français est soldat et se doit  à la défense de la patrie". Lui a succédé un service civil, plein de bonnes intentions, dont on ne peut pas dire qu’il connaisse un succès fou.

- L’absolue nécessité de restaurer l’autorité

Que ne jase-t-on sur cette notion, sans laquelle toute vie en société, est impossible… "Il est interdit d’interdire", pouvait-on lire sur les murs de Paris en mai 68. Dans une société, certes prospère mais cadenassée, dénuée de projet, oublieuse de sa jeunesse, ce slogan prenait tout son sens. Au fil des ans, le régime politique se durcissant, précisément en raison des dérives de 68, l’autorité est apparue insupportable à toute une frange de la  jeunesse. Prenez la police : en quelques années, sans doute n’est-elle pas exemple de reproches, elle est devenue illégitime. Ses ordres sont de plus en plus contestés. Depuis une quinzaine d’années, on assiste à de grosses bagarres entre gardiens de la paix et jeunes gens. Comment ne pas évoquer les incidents d’une rare violence à Barbès en juillet 2014, au cours desquels un policier, en danger de mort, lançait un véritable SOS à ses collègues ? Ne parlons pas des banlieues où, à tout moment, une émeute peut éclater. Pourtant, ce 15 janvier, une lueur d’espoir est apparue : on a vu des manifestants faire une haie d’honneurs à des policiers. Et les applaudir. On a également entendu quelques personnes crier : "N’oubliez pas les gendarmes". Que dire encore de cette scène où l’on a vu un monsieur, tout sourire, embrasser un CRS… qui n’en revenait pas ! Dans un autre ordre d’idée, il est grand temps, au lieu de bavarder à longueur de temps sur le bien-fondé ou non des notes à l’école, de restaurer l’autorité du maître. Comme elle l’était au bon vieux temps de Jules Ferry. Car enfin, n’est-il pas scandaleux ahurissant que des parents contestent les décisions de l’instituteur, du professeur, quitte à le tabasser comme cela se produit si souvent ?

- Le rétablissement de la confiance entre les élites et les citoyens

On le dit. On le répète depuis des années. Les Français n’ont plus confiance dans leurs dirigeants, leurs députés ou sénateurs. Pas davantage dans les partis politiques dont ils s’éloignent de plus en plus. Le seul élu pour lequel il conserve une (relative) confiance est le maire de leur commune. Ce n’est pas un hasard, si le taux d’abstention, lors des consultations électorales, ne fait que grimper. Promesses non tenues, décalage des élus avec les aspirations des électeurs, train de vie élevé : trois raisons pour que les citoyens se détournent et se désintéressent de la vie publique. A cela s’en ajoute une autre : les affaires, autrement dit les soupçons de corruption, de détournement de fonds publics, de trafic d’influence qui pèsent sur de nombreux élus de la République, qu’ils soient de droite ou de gauche. A cet égard, l’affaire Cahuzac a eu des effets terribles. Voilà un ancien ministre du Budget, grand apôtre de la vertu, qui pendant vingt ans planque 600 000 euros sur un compte bancaire en Suisse et qui n’a de cesse, lorsqu’il se trouve en poste à Bercy, de dénoncer les fraudeurs et de proposer des lois fiscales extrêmement répressives. Pour couronner le tout, le lendemain des révélations de Mediapart le 5 décembre 2012, il jure lors de la séance de questions orales de l’Assemblée nationale, n’avoir jamais détenu de compte en Suisse. La suite montrera que le ministre avait menti. L’opinion sera abasourdie. Davantage encore lorsqu’elle apprend que l’un des plus virulents accusateurs de Cahuzac, Thomas Thévenoud, futur secrétaire d’Etat au commerce extérieur oublie de régler ses impôts… Victime, dira-t-il, sans rire, de "phobie administrative".

- Porter de grands projets pour le pays

Bien sûr, en ces temps de disette économique, il est difficile de susciter l’enthousiasme des foules. Surtout lorsque ceux qui nous gouvernent - qu’ils soient de gauche, ou de droite -  sont dans l’impossibilité de tenir leurs promesses. Au début de la Vème République, les grands projets économiques ont suscité un consensus au sein de l’opinion. C’était logique : la France sortait des années de privation due à l’Occupation. Cinquante ans après, la situation a changé. Considérablement. Seulement voilà : des régions, des départements, des villes sont laissés pour compte. Toute vie en commun semble s’être arrêtée. Des bâtiments, immeubles d’habitation, lieux culturels sont souvent délabrés. L’urbanisation doit être repensée, avec la mise en œuvre de grands programmes de rénovation, mais à condition de leur donner une dimension culturelle. A cet égard, ce qui s’est passé dans les années 2000 à Liverpool  dans le Nord du Royaume-Uni pourrait avoir valeur d’exemple. A cette époque, Liverpool, port jadis florissant au XVIIIème siècle, est à l’abandon.Les bâtiments publics sont dans un sale état, certains quartiers recèlent une misère terrible et le chômage atteint 20%.La mairie aidée financièrement par l’Union européenne se décide alors à lancer un grand programme de rénovation urbaine doublée d’un programme culturel de grande envergure. C’est ainsi qu’en moins de dix ans, des gratte-ciel apparaissent, des appartements de standings prennent la place des bureaux, un musée d’art moderne sort de terre ainsi qu’une gigantesque salle de concert (plus de 10 000 places), l’aéroport s’agrandit. Les bords de la rivière Mersey sont aménagés et en moins de dix ans grâce à ce projet au tire évocateur de "Paradise Project", Liverpool redevient une ville dynamique : 24 000 emplois ont été créés et le taux de chômage passé de 20 à 5%. Entre 2000 et 2004, grâce au développement de toute une série d’industries créatives, le nombre d’emplois a doublé. Liverpool, connu pour ses exploits en matière de foot-ball, devient aussi une ville au rayonnement considérable : en 2008, elle est élue capitale européenne de la culture… Est-il irréaliste de penser que ce qui a été réalisé à Liverpool ne pourrait pas l’être dans les dix plus importantes métropoles du pays ?

- La restauration de l’ Etat… en fait de la fonction présidentielle

"L’Etat c’est moi", selon l’expression bien connue. L’Etat, une notion peut-être impalpable, floue, mais dont personne n’ignore qui est le chef. Et les Français aiment avoir un chef apte à les conduire vers le chemin du bonheur. Pendant des siècles, ils ont eu un Roi. Jusqu’au jour où ils décidé de l’envoyer à l’échafaud. Alors, ils ont fait la Révolution. Mais surprise, l’un de ces révolutionnaires, à son tour, a voulu instaurer un régime héréditaire. C’est ainsi que Napoléon Bonaparte a décidé de monter d’un cran et s’est fait couronner empereur. Les Français ne l’ont supporté que quelques années. Puis la République est née. Etranges citoyens, qui choisissent la République mais qui aiment la monarchie et la sacralisation du pouvoir. Avec de Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand et Chirac, ils vont être servis. C’est à partir de 2007, qu’on assiste à un abaissement de la fonction présidentielle.Nicolas Sarkozy, à l’énergie considérable, veut tout faire. Tout connaître. Se montrant familier - il n’hésite pas à descendre dans l’arène, lieu normalement réservé aux ministres. L’opinion n’apprécie pas toujours. Elle veut un président au dessus de la mêlée, visible dans les moments graves, lorsque la Patrie est en danger, discret le reste du temps. Or Sarkozy est toujours visible. D’une certaine façon, son successeur contribue lui aussi à la désacralisation de la fonction. Victime qu’il a été d’une presse people à la pugnacité diabolique. Qui le prend en photo, casqué, sortant d’un appartement, situé à deux pas de l’Elysée ou habite l’actrice Julie Gayet. Il ya peu, c’est son ancienne compagne, Valérie Trierweiler qui publie un livre assassin sur lui. Ce qui fait passer un fort mauvais moment à François Hollande. Bien sûr, tout cela relève de la vie privée du président… Mais le mal est fait. L’opinion rigole. Une fois encore, le sacré s’envole. Les Français n’apprécient guère. Ils ne veulent pas d’un grand frère pris les doigts dans la confiture. Ils veulent un père. Solide. Protecteur. Reconstructeur de l’Etat. C’est ce profil que pourraient plébisciter les électeurs pour la présidentielle de mai 2017. A moins qu’ils en pincent pour un candidat plutôt jeune, moderne, new-look, mais à l’autorité naturelle, capable de leur dire la vérité - la vraie - et leur proposer de grands projets pour le pays.

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