Les 7 cartes que les députés devraient méditer avant de redessiner les régions selon une logique hors sol<!-- --> | Atlantico.fr
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Les députés examinent en seconde lecture à partir de ce mardi le projet de loi relatif à la délimitation des régions.
Les députés examinent en seconde lecture à partir de ce mardi le projet de loi relatif à la délimitation des régions.
©Reuters

Dessine-moi la France !

Les députés examinent en seconde lecture à partir de ce mardi 18 novembre le projet de loi relatif à la délimitation des régions. Une carte qui pourrait de nouveau subir quelques modifications.

Jacques Lévy

Jacques Lévy

Jacques Lévy est géographe, professeur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne et à l’université de Reims. Il a reçu le prix international Vautrin-Lud 2018, qui est la plus haute distinction en géographie. Il est le co-auteur de Théorie de la justice spatiale, avec Jean-Nicolas Fauchille et Ana Povoas, paru chez Odile Jacob (2018).

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Universitaire réputé, Jacques Lévy s'intéresse à la géographie politique. Ce professeur à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne a mené des recherches sur la mobilité et les modèles urbains. Persuadé qu'il faut revoir notre découpage territorial, il a publié en 2013 "Réinventer la France. Trente cartes pour une nouvelle géographie". Un débat d'actualité à l'heure où l'Assemblée nationale entame mardi l'examen en seconde lecture de la carte des régions.

>>> A lire également : La France (étonnamment) éternelle ? Les 7 cartes du rapport des Français à leur territoire et au lien social

Voici sept cartes pertinentes établies par le laboratoire Chôros et commentées par le géographe. 

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L’idée de départ est de partir des espaces locaux en sachant que ce sont des espaces fondamentaux, ceux de la vie quotidienne.  Ils sont différents de ceux d’il y a quelques décennies du fait de l’achèvement de l’urbanisation. Nous avons utilisé les travaux de l’Insee avec les aires urbaines même si ces dernières montrent leurs limites. Ce sont en effet des zones qui n’affichent pas un bâti en continue mais qui sont reliées aux agglomérations par les mobilités. Le système est composé du centre, de la banlieue et du périurbain. Cela fonctionne ensemble avec un marché du logement, un marché du travail et un système de transport qui est le même.

Contrairement à une vision courante en France où l’on adapte le point de vue d’un Etat centralisateur sans s’en rendre compte, les espaces locaux n’ont en fait pas la même taille : certains sont plus petits et d’autres très gros. Ces 800 pays ne font pas la même taille : certains comptent 12 millions d’habitants comme l’aire urbaine de Paris et d’autres font 3000 habitants. Cela s’explique par le fait que 10 % de la France n’est pas pris en compte car les données de l’INSEE obligent à un bassin de vie de minimum 1500 emplois. Cela élimine certains endroits et on perd une certaine partie de la réalité.

Les pays sont des espaces locaux pertinents qui correspondent bien aux intercommunalités. Ces pays ont connu un renouveau dans les années 90 avec la loi Voynet qui les avait définis comme des entités qui incluaient des villes et leurs arrières pays. J’ai pour ma part repris ce mot pour éviter un terme technocratique. L’idée est en effet de partir des pratiques quotidiennes des Français.

On peut tirer deux leçons en observant ces deux premières cartes : d’abord qu’il faudrait recomposer le niveau local c’est-à-dire les intercommunalités. Il s’agirait de créer un espace politique fort qui reprenne en partie les pouvoir actuels des communes. Je ne pense pas qu’il faille regrouper autoritairement les communes, mais il faudrait développer l’idée que les communes deviennent des quartiers de ces nouvelles entités. Ce serait un peu comme les arrondissements de Paris, Lyon ou Marseille. Ces intercommunalités n’ont actuellement pas de compétence en matière d’urbanisme et on ne leur donne pas la possibilité de définir leur propre population. Des intercommunalités qui auraient des moyens fiscaux et dont les responsables politiques seraient élus au suffrage universel serait une bonne chose.

La deuxième leçon serait de construire des institutions locales adaptées à l’état actuel de l’urbanisation. On va dans ce sens avec les métropoles, mais on ne va pas au bout de l’idée de création d’entités politiques qui comprennent le centre, la banlieue et le périurbain. Il faut que tous les citoyens puissent participer au débat et la question de l’échelle est importante : si l’on exclut des gens qui ont déjà tendance à s’exclure eux-mêmes ce n’est pas bon pour la cohésion sociale. Les intéressés pourraient dire leur mot et le point faible du découpage régional est le fait qu’il soit décidé d’en haut alors que les intéressés devraient pouvoir dire leur mot.

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Pour montrer les liens entre des villes nous nous sommes surtout appuyés sur une étude récente faite par des géographes pour la Datar. Cette étude montre des choses parfois surprenantes qui mériteraient discussion. Par exemple le fait que l’on s’attendait à ce que Reims soit plus lié à Paris et que le sud de la Saône et Loire soit plus lié à Lyon. De notre côté, on veut montrer qu’il n’y a pas forcément d’évidence entre les frontières départementales et régionales actuelles et ces espaces de solidarité. Si l’on prend par exemple Pau et Tarbes ce sont deux villes qui fonctionnent ensemble alors qu’elles ne font pas partie de la même région.

Dans le détail on voit que l’Alsace mord un peu sur la Moselle mais elle englobe surtout des liens forts entre le sud de la région et le Territoire de Belfort. Notre suggestion est donc d’avoir une Alsace restant ce qu’elle est en englobant le Territoire de Belfort ce qui était le cas avant 1670. 

Notre critère n’est pas la masse mais nous avons essayé d’être au plus près des pays et des villes. Nous avons aussi essayé d’être proches des ressources objectives c’est-à-dire de l’existence de métropoles. C’est très important pour un projet de développement. Les ressources subjectives comme l’identité et l’appartenance peuvent être parfois plus importantes qu’une métropole, le cas de la Corse étant emblématique. J’estime qu’il vaut mieux laisser le Nord Pas de Calais et l’Alsace seules car ces régions ont une cohérence.

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S’il y a bien une région où la carte que je propose ne recoupe pas les autres propositions, c’est le bassin parisien. Dans la tradition de la gestion du territoire français par l’état central il faut éviter qu’il y ait des grandes régions. Celles-ci sont en effet considérées comme une menace pour l’intégrité nationale. C’est là qu’on voit toutes les acrobaties géographiques faite par les dessinateurs pour caser des morceaux du bassin parisien avec des régions plus éloignées de Paris. Cela donne une région comme la Picardie et un Centre qui reste seul. Il n’y a pourtant aucune raison d’avoir peur du bassin parisien. Et ce d’autant plus que pour des régions qui ont longtemps souffert à l’ombre de Paris, il serait bon d’inverser le processus et d’avoir une métropolisation partagée, afin que ces régions profitent des avantages de la métropole. Au contraire, elles devraient revendiquer ce droit de bénéficier d’une métropole en leur sein.

La dernière carte des espaces culturels ne correspond pas exactement à celle des régions. La logique des ressources objectives a conduit à agrandir la Bretagne pour lui adjoindre la Mayenne qui est beaucoup plus proche de Rennes que de Paris.  Par contre, aussi bien la Bretagne culturelle que le Pays Basque et l’Occitanie ont le droit d’exister comme espace linguistiques. Ces espaces culturels ne coïncideraient pas forcément avec les régions politiques mais il faudrait leur présenter des garanties notamment un budget pour assurer la promotion de leur culture.

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